Monsieur le ministre, je partage votre prudence sur la situation sanitaire. Elle ne justifie pas que l'on baisse la garde. Je remarque que les chiffres s'améliorent - pour certains d'entre eux, rapidement - depuis une quinzaine de jours, sous le régime de ce qui, sans avoir porté le nom de reconfinement, y ressemble tout de même, mais qu'ils se situent encore à un niveau élevé.
Je me suis efforcé de comparer la situation de la fin des précédents confinements avec la situation actuelle. On recensait, le 11 mai 2020, un peu plus de 10 000 nouvelles contaminations par jour, contre près de 12 000 le 15 décembre 2020 et presque 18 000 le 9 mai 2021, mais 35 000 le 3 avril 2021. Il est incontestable que le nombre de contaminations quotidiennes décroît rapidement, mais il reste aujourd'hui nettement plus élevé qu'à la fin des confinements de mai 2020 et décembre 2020.
On retrouve la même tendance pour le nombre de patients hospitalisés. Pour le nombre de patients en réanimation, la tendance est encore plus forte, puisque le taux d'occupation des lits en réanimation s'élève à presque 1 %, contre 0,53 % en mai 2020 et 0,57 % en décembre 2020. Le taux d'incidence diminue quant à lui très rapidement, puisqu'il était de 411 le 3 avril 2021 et de 192 le 9 mai dernier. Il n'en demeure pas moins encore très élevé. Il ne faut donc pas verser dans ce que l'on appelle le « wishful thinking ».
La situation justifie de ne pas abandonner totalement un certain nombre de mesures de contrainte. C'est le sens de votre proposition.
Je ne doute pas que vous ferez preuve de vigilance, mais, une fois que l'on aura atténué les mesures de contraintes, l'épidémie risque de redémarrer. On peut conjurer ce risque en maintenant les gestes barrières, en veillant à ce que l'abaissement du niveau de contraintes s'accompagne de mesures de responsabilité, mais aussi, sans doute, en accélérant autant que faire se peut les vaccinations.
À cet égard, je dois dire, même si je ne cherche pas à vous en faire porter la responsabilité exclusive, que les résultats de la France, comparés à ceux de pays démocratiques d'égale richesse, ne me paraissent pas très bons. La part de la population vaccinée une première fois contre la covid-19 est de 52 % au Royaume-Uni, de 45,5 % aux États-Unis, de 32 % en Allemagne, mais seulement de 26 % en France. L'amoindrissement des contraintes n'a de sens que si des mesures sont prises pour que les contaminations ne repartent pas massivement à la hausse. Sur ce plan, je crois que l'instrument le plus efficace que nous ayons sous la main est la vaccination. Partagez-vous l'analyse que je viens de présenter ? Quelles sont les mesures que le Gouvernement peut prendre pour rattraper le retard français en matière de vaccination ?
Ma deuxième question est d'ordre juridique. La loi du 23 mars 2020 a créé le régime de l'état d'urgence sanitaire. Ce dernier n'est pas permanent, mais il est activable à tout moment par le Gouvernement jusqu'au 31 décembre de cette année, compte tenu de la loi qui a été votée en début d'année.
Il faut assumer clairement ses choix et ne pas s'inscrire dans des effets d'annonce qui relèvent davantage du traitement psychologique de l'opinion que de la nécessité juridique. Vous n'avez nul besoin de créer un régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire pour exercer les contraintes qui vous paraissent justifiées du point de vue de la santé publique.
Vous ne voulez pas aller jusqu'au point maximal, à savoir le confinement. Mais personne ne vous oblige à utiliser les mesures de contrainte maximale du régime d'état d'urgence sanitaire. Quels moyens n'y figurant pas voulez-vous mettre en oeuvre ? Si ce projet de loi ne sert à rien, il ne faut pas nous le présenter. Vous n'avez pas besoin de créer un nouveau régime juridique pour mettre en oeuvre une politique de décroissance progressive des mesures de contrainte.
Une fois de plus, les exigences d'un contrôle parlementaire ne sont pas respectées : un des articles du projet de loi permet au Gouvernement d'instaurer l'état d'urgence sur une partie du territoire ne couvrant pas de plus de 10 % de la population française, en portant dans ce cas la durée de la validation législative à deux mois au lieu d'un. Nous ne voulons pas aller dans ce sens.
Notre doctrine est constante : vous n'avez rien à craindre du Parlement, qui ne vous a jamais refusé les moyens d'action pour faire face à la crise sanitaire. Pourquoi vouloir espacer à ce point nos rencontres qui permettent de légitimer ces pouvoirs exceptionnels ? La loi doit vous autoriser régulièrement à utiliser des pouvoirs de restriction aux libertés, ce qui suppose que vous rendiez compte à la représentation nationale de la nécessité des mesures de contrainte.