La loi relative à ces groupements est souvent modifiée, notamment pour répondre à leurs demandes. L'activité législative intense démontre que ces types d'emploi sont encore en phase expérimentale, même si celle-ci dure depuis 20 ans. A rebours de ces temporalités longues, les décideurs politiques sont sommés de résoudre des problèmes immédiats. L'activité législative est dès lors importante, montrant que ces groupements sont actifs et qu'ils produisent des effets.
Ces groupements ont-ils vocation à se développer et à se substituer au salariat ? Leur développement ne sera probablement pas quantitatif. L'estimation basse de leur activité s'établit à 30 000 emplois. En présence de millions de chômeurs, ce chiffre peut paraître décevant. Cependant, ces groupements jouent un rôle très important d'un point de vue qualitatif. Dans l'exemple des agriculteurs, quand vous ne trouvez pas un ouvrier agricole à temps partiel et que vous acceptez de le partager, le groupement d'employeurs trouve tout son intérêt. Ce constat explique pourquoi ces structures se sont autant développées dans le secteur de l'agriculture.
Le ministère des Sports promeut actuellement les groupements d'employeurs qui permettent de partager des éducateurs sportifs et des secrétaires entre petites structures associatives. Il les subventionne et une mission est en cours pour évaluer les effets de ce dispositif. Par ailleurs, des travaux de la DGEFP montrent que les groupements d'employeurs se développent davantage dans les moyennes ou petites villes et le secteur rural.
Le développement quantitatif n'est peut-être pas souhaitable, ce qui m'amène à votre deuxième question. Sous couvert de partage de l'emploi, qui représente un but légitime, il ne faudrait pas que se développent de nouvelles pratiques de marchandage. Des démarches d'externalisation de l'emploi permettraient aux entreprises d'échapper à leurs obligations d'employeur.
Les groupements d'employeurs n'ont pas vocation à se substituer au salariat, pas plus qu'au salariat direct entre un employeur et un salarié. Ce serait une mauvaise opération, y compris pour les entreprises elles-mêmes. Le chômage est important mais dans certaines zones, parfois rurales ou périurbaines, les tensions sur l'emploi sont importantes et les entreprises ne trouvent pas de travailleurs qualifiés.
Je pense qu'à l'inverse, notamment avec les entreprises de portage et les coopératives d'activité et d'emploi, ces structures visent à conférer la qualité de salarié à des travailleurs autonomes. Je renvoie là aux débats relatifs aux plateformes et à l'excellent rapport de Jean-Yves Frouin, ancien président de la Chambre sociale de la Cour de cassation.
La deuxième partie de votre questionnement porte sur la santé, un sujet essentiel. Chaque fois qu'un nouvel intermédiaire est créé par le législateur, ce dernier se préoccupe de la santé et de la sécurité des travailleurs. L'intérim, qui s'est structuré depuis 1972, représente actuellement le statut le plus abouti en la matière. Néanmoins, il existe toujours des problèmes récurrents quant au partage de responsabilité entre la structure intermédiaire et l'utilisateur. Le législateur a défini les grandes lignes mais les structures s'interrogent sur la visite médicale, le suivi ou la mise en place d'une politique de prévention. Il est important de penser à ces questions lors de la rédaction de la loi.