Intervention de Jean-Yves Kerbourc'h

Délégation aux entreprises — Réunion du 8 avril 2021 à 8h30
Audition de M. Jean-Yves Kerbourc'h professeur à l'université de nantes faculté de droit et des sciences politiques

Jean-Yves Kerbourc'h :

La question de la précarisation est centrale. De nouvelles formes de marchandage et de précarisation extrême émergent mais elles restent frauduleuses. Il n'est pas utile de modifier la loi. La Cour de Cassation a jugé que certaines formes d'ubérisation conduisent à de faux travailleurs indépendants, dont la relation doit être requalifiée en contrat de travail. Or, et c'est un paradoxe, certains travailleurs ne sont pas d'accord et nous devons les protéger contre leur propre imprévision, en cas d'accident du travail par exemple. Il faut simplement appliquer la loi : en présence d'une relation de subordination, la requalification en contrat de travail par les tribunaux s'impose, sous le contrôle de la Cour de Cassation.

Vous avez fait mention de Marx ; je citerai son gendre, Paul Lafargue, auteur du Droit à la paresse, en réaction au droit à l'emploi, inscrit dans le bloc de constitutionnalité. La relation de travail est protectrice mais contraignante aussi. L'employeur achète forfaitairement au salarié un temps de mise à disposition de sa force de travail. Face au développement des outils numériques et à la progression rapide des qualifications requises, il faut laisser des temps de respiration au contrat de travail à des fins de formation ou d'expérimentation d'autres formes de travail. Le rapport Boissonnat et le rapport Supiot avaient déjà suggéré ce type de respiration au cours du contrat.

Ces paradoxes sont inhérents à la relation et au droit du travail mais il est possible de reconnaître un droit non pas patrimonial, reposant sur l'échange du travail contre un salaire, mais un droit de la personne au travail. Certains intermédiaires le permettent. Nous avons peu parlé des coopératives d'activité et d'emploi. Dans le mouvement coopératif, les travailleurs sont actionnaires de la société avec laquelle ils sont liés par un contrat de travail. Le paradoxe entre capital et travail est ainsi résolu. Le Sénat, notamment la sénatrice Christiane Demontès, a été très actif, en 2014, pour la reconnaissance des coopératives d'activité et d'emploi dans la loi sur l'économie sociale et solidaire. Celles-ci donnent la possibilité à des travailleurs autonomes d'exercer leur activité en tant que salarié et actionnaire, d'où la dénomination de travailleur salarié dans le code du travail.

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