Intervention de François Bonneau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 mai 2021 à 9h00
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine des transports de l'environnement de l'économie et des finances — Examen du rapport pour avis

Photo de François BonneauFrançois Bonneau, rapporteur pour avis :

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a délégué à notre commission l'examen au fond de l'article 28 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.

Il s'agit d'adapter en droit national le règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l'égard de la chaîne d'approvisionnement pour les entreprises qui importent en Europe de l'étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais ou de l'or provenant de zones de conflit ou à haut risque.

Ce règlement européen dit « 3TG », par référence à l'appellation en langue anglaise de ces minerais de conflit, marque l'aboutissement d'une décennie de négociations internationales et européennes pour lutter contre le financement des guerres civiles et des groupes armés non étatiques par le trafic de ces minerais.

En imposant un devoir de diligence aux importateurs, l'Union européenne instaure un système de traçabilité sur la chaîne d'approvisionnement de métaux dont les usages sont très variés dans l'industrie, l'électronique et les équipements civils. Le tungstène et le tantale sont des matériaux stratégiques pour la base industrielle et technologique de défense.

Le premier volet du règlement 3TG, relatif à la mise en oeuvre du devoir de diligence et des obligations imposées aux importateurs, est d'application directe en droit national. Le périmètre de l'adaptation de notre législation se limite à l'organisation des contrôles et à la fixation des règles applicables aux infractions, que l'Union confie à la responsabilité des États membres.

Avant d'aborder l'article 28, il n'est pas inutile de revenir brièvement aux origines de la prise de conscience internationale sur la nécessité de briser le lien entre le trafic des « diamants du sang » et le financement des groupes armés et des guerres civiles. Le trafic des diamants à l'oeuvre sur le continent africain, en Angola, en République démocratique du Congo, au Libéria, en Sierra Leone ou en République centrafricaine, a constitué dans les années quatre-vingt-dix une grave question internationale.

C'est le « processus de Kimberley » qui a initié, en l'an 2000, le contrôle du commerce des diamants bruts. La diffusion de ce système a été encouragée par l'ONU. L'Union européenne a adopté quant à elle en 2002 un règlement instituant des contrôles douaniers sur les importations et les exportations de diamants bruts, s'inspirant d'une loi américaine de 2010 et du guide de l'OCDE sur le « devoir de diligence » des acteurs économiques. Mécanisme très différent de la prohibition ou de l'embargo, il s'agit d'un processus destiné à assainir les circuits d'approvisionnement à long terme.

Concrètement, le règlement européen sur les minerais de conflit entraîne pour les importateurs d'une certaine importance des obligations en matière de gestion interne, de gestion des risques, de vérification par des tiers indépendants et de communication d'informations auprès des clients et des autorités.

Cette approche globale s'apparente à un système de « responsabilité sociale des entreprises » sur l'ensemble des risques qui peuvent être identifiés dans la chaîne d'approvisionnement : soutien aux groupes armés non étatiques, abus commis par des forces de sécurité publiques ou privées, corruption, blanchiment d'argent, atteintes aux droits humains, et même non-paiement des taxes, droits et redevances aux gouvernements.

L'article 28 instaure un système de contrôles a posteriori du respect du devoir de diligence par les importateurs, à l'issue desquels l'autorité administrative peut enjoindre, en cas de manquement constaté, les intéressés à appliquer des mesures correctives sous peine d'exécution d'office et d'astreintes administratives pouvant aller jusqu'à 1 500 euros par jour de retard.

Des contrôles sur pièces et sur place peuvent avoir lieu, notamment dans les locaux de l'importateur, mais le règlement ne fixe pas de sanctions pour violations du devoir de diligence. Il privilégie l'incitation à la sanction et peut donc soulever certains points de vigilance en matière de désignation des agents chargés des contrôles, de détermination des volumes d'importation et d'efficacité des mesures de police administrative.

Il n'est toutefois pas question de renforcer l'arsenal répressif de ce règlement, car il s'agirait d'une suradaptation, pas plus souhaitable qu'une surtransposition de directive.

Enfin, deux vertus peuvent être reconnues à ce règlement.

La première est d'étendre le mécanisme du devoir de diligence au trafic de ces quatre métaux et minerais, ouvrant la voie à une extension vers d'autres secteurs sous un angle environnemental dans le domaine des batteries, des terres rares et d'autres minerais comme le cobalt.

La seconde est de prévoir une clause de revoyure en janvier 2023 pour examiner l'efficacité du dispositif : un régime de sanctions pourra alors être envisagé en cas de manquement répété au devoir de diligence.

Je vous proposerai donc de recommander à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter cet article 28, tel que nous l'aurons modifié.

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