Intervention de Julien Denormandie

Mission d'information Méthanisation — Réunion du 12 mai 2021 à 16h30
Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique et de M. Julien deNormandie ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la ministre, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais, dans le droit fil de ce que vient d'indiquer Mme Pompili à l'instant, vous dire très simplement que je crois profondément à la méthanisation.

J'y crois d'un point de vue environnemental, à l'échelle de notre pays, mais aussi à l'échelle du territoire et, parfois même, à celle d'une exploitation. La manière de gérer les effluents d'élevage est en effet une question que tout éleveur se pose.

J'y crois aussi en termes de création de valeur économique pour l'agriculteur, pour nos territoires, où de plus en plus de projets se développent. La méthanisation répond profondément à la capacité de concilier à la fois la création de valeur environnementale et la création de valeur économique.

Le développement de la méthanisation dans notre pays est non seulement ambitieux, mais aussi très intense, puisque comme l'indiquait Barbara Pompili, nous dépassons même les objectifs prévus.

C'est vrai sous l'angle de la production d'énergie renouvelable, de la valorisation des effluents d'élevage et de la production de digestat - à propos de laquelle existe beaucoup de débats concernant l'azote, y compris dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience -, ainsi que sous l'angle de la complémentarité des revenus à l'échelle de nos territoires.

En parallèle, il est évident que nous devons associer une véritable politique publique nationale et territoriale à la méthanisation. Je ne reviens pas dans le détail sur les éléments avancés par Mme la ministre, auxquels je souscris pleinement. Pour le monde agricole, ces politiques publiques nationales et territoriales sont incroyablement importantes.

On dit souvent que 90 % de la biomasse potentielle pour la méthanisation est issue du monde agricole : l'enjeu, en termes de ressources, est massif.

C'est d'autant plus vrai - et je réponds ainsi à la première question de Monsieur le rapporteur - qu'il peut y avoir à l'évidence un risque de concurrence, ici ou là, entre production énergétique et production alimentaire. Nous y sommes confrontés. D'ailleurs, des dispositions ont été prises pour limiter à 15 % le seuil maximal des produits alimentaires partant dans un méthaniseur.

Au-delà se pose la question de l'accessibilité du foncier, notamment pour les jeunes qui s'installent. Une proposition de loi sera débattue dans dix jours à l'Assemblée nationale à ce sujet, avant de venir au Sénat qui, je le sais, a beaucoup travaillé dans ce domaine.

Quelle est la place de l'agriculteur dans tout ceci ? Tout dépend bien évidemment de la nature du projet : ce n'est pas la même chose avec un système de cogénération, par exemple. Et comme toujours dans le domaine des énergies renouvelables, l'un des points clés réside dans la durée. La Banque des territoires s'est retirée du financement des études de faisabilité des projets photovoltaïques dans le monde agricole parce que les choses prenaient trop de temps. Elle y investissait beaucoup d'argent, sans savoir quel serait le montant des futurs tarifs, ce qui peut décourager certains agriculteurs et faire capoter le projet.

Ce constat renvoie à la stabilité des prix ainsi qu'à l'approche pragmatique évoquée par Barbara Pompili, comme à la vocation de l'agriculteur. Un agriculteur ne se considère jamais comme un producteur d'énergie. En revanche, un agriculteur cherche à pouvoir diversifier ses revenus - la méthanisation est, de ce point de vue, une bonne opportunité - et à utiliser l'intégralité de son exploitation, y compris en matière de gestion de ses effluents. Un agriculteur n'est pas un agent de production d'énergie, mais un gestionnaire de flux.

À ce titre, le flux énergétique constitue une potentialité mais aussi un coût, les deux pouvant se concilier dans la cogénération, l'un pouvant améliorer l'autre.

Enfin, ce qu'a indiqué Barbara Pompili à propos de l'accessibilité sociale est essentiel. J'observe aujourd'hui à quel point la méthanisation est associée à quelques cas qui se seraient mal passés, ici ou là. On a tous en tête les débordements d'un méthaniseur de Châteaulin, dans le Finistère. C'est pourquoi le contrôle apparaît essentiel pour ne jamais jeter l'opprobre sur une filière qui apporte beaucoup. Pas de simplisme ni de raccourci ! Il en va de la crédibilité de tout ce que l'on cherche à faire et de l'intérêt que suscite la création de valeur à la fois pour l'environnement et l'agriculture.

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