Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui au Sénat deux membres éminents et complémentaires du Gouvernement, Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, d'une part, M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, d'autre part.
Je les remercie vivement, en notre nom à tous, de s'être rendus disponibles et d'avoir coordonné leurs agendas respectifs à cet effet. Cette audition conjointe revêt, par là même, pour notre mission d'information sénatoriale sur la méthanisation un caractère exceptionnel, dont nous apprécions la valeur.
Nous sommes ensemble pour une durée d'environ 1 heure 30, voire plus si les ministres le souhaitent. Le format retenu pour nos échanges de vues vise à donner un maximum de place au jeu spontané des questions et des réponses avec les sénateurs ici présents.
Nous avons ainsi demandé à Mme Pompili et à M. Denormandie de préparer un court avant-propos de dix à quinze minutes chacun. Nous consacrerons ensuite une demi-heure aux questions du rapporteur, Daniel Salmon, que je compléterai par les miennes, avant de passer à celles des autres sénateurs.
Permettez-moi également de rappeler que notre mission d'information a commencé ses travaux le 8 mars dernier.
Au cours de ces quelques semaines, nous avons d'ores et déjà mené à bien un travail considérable. Lors de nos réunions plénières, nous avons ainsi auditionné, à l'occasion de quatre tables rondes successives :
- plusieurs professionnels des énergies renouvelables ;
- les industriels du secteur gazier ;
- les syndicalistes agricoles et représentants des chambres d'agriculture ;
- ainsi que des scientifiques et des experts en recherche agronomique.
S'y sont ajoutées pas moins de 24 auditions réalisées par notre rapporteur, auxquelles chacun d'entre vous a eu la possibilité d'assister et de participer en visioconférence. Au total, nous avons pu interroger et dialoguer avec pas moins de 84 personnes en moins de deux mois.
Il est prévu que nous remettions notre rapport dans les derniers jours du mois de septembre prochain, afin de nous laisser le temps d'examiner en commission, puis en séance publique, le projet de loi Climat et résilience. Pour autant, nous n'entendons pas relâcher notre travail d'ici à la fin du mois de juillet, d'où la présente audition.
Avant de vous céder la parole, je souhaiterais souligner toute l'importance de notre réunion d'aujourd'hui.
En effet, le sujet de la méthanisation suscite un intérêt croissant parmi nos concitoyens et dans tous nos territoires. Il s'inscrit, nous le savons, au coeur de plusieurs enjeux très importants : l'environnement et la gestion des déchets, la politique énergétique, ainsi que l'avenir de notre agriculture. Son développement durant les dernières années conduit naturellement à chercher à en mesurer les effets et les conséquences.
Enfin, je souhaiterais que les ministres nous éclairent sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : quelles sont les perspectives de développement du biogaz au regard de la problématique d'indépendance énergétique de la France ?
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour progresser dans la compréhension de ces problématiques complexes : nos attentes sont grandes !
Je vous remercie.
La parole est au rapporteur.
Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, notre mission sénatoriale d'information sur la méthanisation a été constituée à l'initiative du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Je me félicite tout particulièrement du vif intérêt que suscitent nos auditions, car nous sommes suivis par de nombreuses personnes.
Nous cherchons à établir la vision la plus exhaustive et la plus rationnelle possible de la méthanisation. Cette mission est composée de sénateurs de tous les bords politiques. Chacun contribue à nos travaux.
Comme l'a justement rappelé le président, nous avons d'ores et déjà conduit un véritable « programme marathon » d'auditions : 28 au total, en six semaines. Sans doute en aurons-nous encore quelques autres à programmer, mais l'essentiel est fait.
Dans ce contexte, nous ne pouvions envisager de mener nos travaux sans vous auditionner. Nos échanges de vues viendront utilement nourrir la préparation de notre rapport, qui s'attachera en particulier :
- à formuler, sur la base d'une approche scientifique et rationnelle, un bilan énergétique exhaustif de la méthanisation, en tenant compte notamment de la valeur des intrants ;
- à étudier l'impact de la méthanisation sur les pratiques agricoles ;
- à examiner ses aspects économiques, pour apprécier son effet sur les autres filières agricoles ;
- tout en évaluant la pertinence du cadre réglementaire applicable, ainsi que l'efficacité des systèmes de contrôle.
Pour ce faire, nous avons adressé aux deux ministres un document préparatoire, destiné à alimenter nos échanges de vues. Il ne s'agit pas formellement d'un questionnaire. Pour autant, ce document regroupe les principaux sujets qui intéressent les membres de la mission d'information.
Je me propose de vous en lire les termes, qui sont très brefs.
Tout d'abord, madame la ministre, quel impact le changement climatique pourrait-il avoir, à terme, sur le développement de la méthanisation dans notre pays ?
Quel impact les changements d'habitudes alimentaires des Français pourraient-ils revêtir sur le développement de la méthanisation dans notre pays ?
Quelle logique de soutien à la méthanisation faut-il privilégier : une logique de soutien tarifaire tendant à réduire le coût de l'énergie renouvelable pour le contribuable, ou plutôt une logique de valorisation des externalités, notamment agricoles, de la méthanisation ?
Quelle est votre analyse des perspectives de développement du biogaz au regard de la problématique d'indépendance énergétique de la France ?
Quelle est votre analyse d'ensemble du service rendu à la collectivité, c'est-à-dire des externalités positives et négatives de la méthanisation ? Comment améliorer l'acceptabilité sociale des projets de méthanisation ? Nous savons, en effet, qu'il existe aujourd'hui sur ce point des interrogations très fortes de nos concitoyens, au demeurant différentes selon les régions.
Enfin, quel bilan énergétique et environnemental global tirez-vous de la méthanisation ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, considérez-vous que le développement rapide de la méthanisation en France, au cours de la période récente, induise un risque de concurrence entre les cultures alimentaires et les cultures énergétiques ? Est-il susceptible d'affecter in fine l'équilibre de nos modèles agricoles, à commencer par celui des exploitations familiales ?
Selon vous, quelle doit être la place des agriculteurs dans le développement de la méthanisation ? Comment éviter qu'ils ne perdent la maîtrise de leurs projets et ne deviennent de facto des opérateurs énergétiques subordonnés aux autres acteurs économiques de la filière ?
Comment concilier au mieux les usages énergétiques et agricoles du foncier agricole ? Partagez-vous les craintes des observateurs quant à une éventuelle captation de certaines ressources foncières par des exploitations sur lesquelles se trouvent des méthaniseurs ?
Comment concilier au mieux les vocations énergétique et agricole des exploitations agricoles ?
Quels sont les principaux arguments démontrant, pour l'agriculture française, l'intérêt de développer la méthanisation ?
Je vous remercie.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui, aux côtés de Julien Denormandie, pour traiter du sujet de la méthanisation.
Vous avez raison, monsieur le président, il s'agit d'un dossier très important. Comme je l'indiquais hier à certains de vos collègues, le contexte auquel nous devons faire face est lourd et grave. Nous l'avons constaté malheureusement dernièrement : nous avons appris que l'Amazonie brésilienne, poumon vert de la planète, réservoir de biodiversité, émet aujourd'hui davantage de carbone qu'elle n'en séquestre. Nous savons que c'est à cause de l'activité humaine. Plus que jamais, nous avons la responsabilité politique, morale et même civilisationnelle de parvenir à la neutralité carbone, qui permettra de laisser notre planète enfin respirer.
Pour y arriver - et cela recoupera un certain nombre de vos questions, auxquelles je répondrai de manière plus précise après si vous le souhaitez -, la France s'est dotée d'un cap visant à sortir le plus rapidement possible de notre dépendance aux énergies fossiles.
La méthanisation qui occupe votre mission d'information s'inscrit évidemment au coeur de ce combat. C'est un combat pour la transition énergétique du pays et pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
C'est aussi un combat pour l'économie circulaire, en particulier pour la valorisation des biodéchets.
C'est enfin un combat pour la qualité de l'eau. Là encore, le biogaz nous permet de limiter les fuites et les lessivages de produits azotés.
Ce combat, nous le menons sur et pour nos territoires.
La méthanisation est l'une des énergies renouvelables qui crée le plus d'emplois. C'est de plus en plus une source de revenus complémentaires pour nos agriculteurs. Je le répète devant votre mission d'information : le biogaz ne manque pas d'atouts pour notre climat, pour notre eau, pour nos emplois et pour tirer profit de nos déchets. C'est bien pour toutes ces raisons que le Gouvernement souhaite produire davantage de biogaz.
Cet engagement se traduit déjà dans les faits : en 2017, on dénombrait à peine 35 installations de méthanisation dans notre pays, pour une capacité de production de 0,5 Terawatt-heure (TWh) par an. À la fin 2020, la France compte 210 installations, soit six fois plus. Nous sommes dans une dynamique très encourageante.
La filière du biogaz enregistre désormais un essor significatif et je m'en réjouis. Mais c'est encore peu par rapport à notre consommation globale de gaz car, vous le savez, pour parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un premier jalon de 6 TWh par an d'ici 2023. Concrètement, cela signifie que nous devons augmenter notre production de 50 % et ce n'est qu'un début.
Là aussi, notre ambition se traduit dans les faits. Près de 800 dossiers de nouveaux projets ont été déposés et ont fait l'objet d'un contrat d'achat de production de biogaz. Si ces projets se réalisent et si les installations correspondantes sont bel et bien construites et mises en service, nous dépasserons nos objectifs pour 2023, avec un engagement de l'État de 18 milliards d'euros, soit près de trois fois ce que nous mettons sur la table pour la stratégie hydrogène.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les sénatrices et les sénateurs, pour développer le biogaz, le Gouvernement est au rendez-vous. Mais cela ne sera viable que si nous parvenons à maîtriser et à abaisser les coûts de production, car la massification des énergies renouvelables passe nécessairement par un modèle économique qui profite aux producteurs comme aux consommateurs.
Aujourd'hui, l'État achète le biogaz cinq à dix fois plus cher que le gaz naturel. Il est évidemment indispensable que l'augmentation des volumes produits s'accompagne d'une baisse des coûts de production, à mesure que la filière gagne en maturité et en compétitivité.
Nous l'y aidons d'ailleurs. J'ai lancé, en octobre 2020, un appel à projets doté de 20 millions d'euros destiné à faire émerger des solutions industrielles innovantes en matière de méthanisation, afin de développer la compétitivité de la filière française et de la structurer de manière pérenne.
Les tarifs d'achat ont également été revus en novembre 2020 et ce pour les futurs projets. Une telle révision, qui n'avait pas été réalisée depuis près de dix ans, était devenue indispensable pour tenir compte des progrès réalisés durant ces dix années et de la maturité de la filière.
Si cette révision, annoncée dès 2019 et entrée en vigueur fin 2020, a pu susciter un certain émoi - j'y reviendrai -, je veux redire devant vous qu'elle s'est faite en concertation avec l'ensemble des acteurs.
L'objectif n'est bien évidemment pas de réduire notre niveau d'ambition, bien au contraire. Les tarifs de rachat sont établis méthodiquement, au regard de l'examen des bilans techno-économiques des installations existantes, et déterminés de manière à couvrir les coûts et à permettre une rémunération raisonnable. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) est d'ailleurs systématiquement consultée sur la révision des arrêtés tarifaires.
Loin de menacer la méthanisation, cette opération vise au contraire à consolider le secteur. Nous avons mené un large travail de concertation avec les filières agricoles. Il nous a permis de prendre en compte plusieurs de leurs préoccupations et de leurs demandes, qu'il s'agisse de permettre l'augmentation des capacités pour les installations ayant déjà signé un contrat sans que cela ne vienne remettre en cause l'accès aux tarifs, ou encore d'allonger les délais de mise en service en cas de recours contentieux. Nous avons pu avancer concrètement avec les filières professionnelles, et je m'en félicite.
Parce que je crois que cette grande transition énergétique que nous menons demande de la stabilité et de la confiance, j'ai tenu à ce que la révision des tarifs ne concerne que les nouveaux projets, ceux dont le contrat d'achat est signé depuis novembre 2020. Cela ne lèse donc personne.
De même, j'ai tenu à ce que nous prenions en compte les retards dans la mise en service des installations imputables au confinement du printemps 2020.
Enfin, je souhaite souligner que les tarifs sont différenciés en fonction de la taille de l'installation. Les installations de grande taille sont désormais soumises au mécanisme d'appel d'offres, tandis que des installations plus modestes bénéficient d'un tarif d'achat garanti et déterminé à l'avance. Ce dispositif nous autorise ainsi à accompagner spécifiquement les méthaniseurs agricoles et permet aux plus petits projets d'émerger.
Par une action menée avec cohérence et responsabilité, nous pouvons développer la méthanisation dans notre pays, afin d'intégrer pleinement les enjeux agricoles et environnementaux. Cela permet d'éviter la concurrence avec les autres usages de la terre.
Nous avons déjà une limite prévue par l'actuelle réglementation, celle des 15 % maximum d'approvisionnement par le biais des cultures alimentaires. Nous devons veiller au respect de cette limite, et nous allons renforcer les contrôles à ce sujet, ainsi que le prévoit d'ailleurs la directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « RED II » (Renewable Energy Directive).
Oui, demain, les cultures intermédiaires utilisées par des installations de grande taille devront faire l'objet d'une certification obligatoire.
Mesdames et messieurs les sénatrices et les sénateurs, je crois enfin que développer pleinement la filière méthanisation et biogaz dans notre pays, en tirer les avantages dont je vous parlais il y a un instant, demande aussi de la maîtriser et de regarder en face quelles peuvent en être les nuisances.
Je le dis très clairement : certaines installations qui n'étaient pas exploitées avec suffisamment de rigueur ont nui à l'image de la méthanisation. Nous devons donc mieux maîtriser les risques et les nuisances. Les incidents des dernières années le montrent bien : il y va de la protection de l'environnement, comme de l'acceptabilité des projets.
C'est pourquoi j'ai demandé à l'inspection des installations classées de renforcer ses contrôles sur les méthaniseurs, tout au long de l'année dernière. Aujourd'hui, l'ensemble des travaux d'inspection et les retours d'expérience ont montré la nécessité de renforcer le cadre réglementaire, ainsi que les exigences applicables en matière de prévention des risques.
Qu'il s'agisse des distances d'éloignement des habitations par rapport à l'installation, du suivi scrupuleux des quantités stockées d'intrants, de la prévention des nuisances olfactives, ou du renforcement des obligations de maintenance, tout cela figurera dans la nouvelle réglementation en cours de finalisation qui va être adoptée dans les prochaines semaines. Je pourrai vous en dire plus si vous le souhaitez.
Moderniser les cadres tarifaire et réglementaire, soutenir l'innovation dans la filière, mieux prévenir les nuisances, voilà des bases saines et solides pour un développement durable de la méthanisation !
À présent, afin de pérenniser et d'amplifier le mouvement, nous devons être capables d'imaginer de nouveaux dispositifs de soutien, sans qu'ils soient forcément budgétaires d'ailleurs. C'est pourquoi j'ai lancé, dès le mois de septembre 2020, une vaste consultation avec la filière, destinée à étudier ce qu'un dispositif de certificat vert pourrait apporter.
Je sais que votre mission d'information est parfaitement au fait de ce dispositif. Je ne vais donc pas revenir dessus, mais il s'agit d'une piste de soutien que mon ministère étudie très sérieusement. Je serai ravie de lire vos suggestions et propositions à ce sujet.
Voilà, mesdames et messieurs les sénatrices et les sénateurs, ce que je pouvais vous dire pour commencer.
Oui, le biogaz et la méthanisation présentent des intérêts majeurs pour la transition écologique que je porte, une transition faite de progrès, d'emplois et de revitalisation des territoires. Et je suis très heureuse que ce sujet, qui est parfois considéré comme un sujet de « niche » ou d'experts, fasse l'objet d'une mission d'information au Sénat. Celle-ci permettra, je n'en doute pas, de faire connaître au plus grand nombre les atouts de cette filière.
Je répondrai plus précisément à vos questions dans un second temps.
Merci beaucoup, madame la ministre, pour ces propos pleins de réalisme, qui nous encouragent à continuer à poursuivre nos échanges de vues.
La parole est au ministre de l'agriculture.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la ministre, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais, dans le droit fil de ce que vient d'indiquer Mme Pompili à l'instant, vous dire très simplement que je crois profondément à la méthanisation.
J'y crois d'un point de vue environnemental, à l'échelle de notre pays, mais aussi à l'échelle du territoire et, parfois même, à celle d'une exploitation. La manière de gérer les effluents d'élevage est en effet une question que tout éleveur se pose.
J'y crois aussi en termes de création de valeur économique pour l'agriculteur, pour nos territoires, où de plus en plus de projets se développent. La méthanisation répond profondément à la capacité de concilier à la fois la création de valeur environnementale et la création de valeur économique.
Le développement de la méthanisation dans notre pays est non seulement ambitieux, mais aussi très intense, puisque comme l'indiquait Barbara Pompili, nous dépassons même les objectifs prévus.
C'est vrai sous l'angle de la production d'énergie renouvelable, de la valorisation des effluents d'élevage et de la production de digestat - à propos de laquelle existe beaucoup de débats concernant l'azote, y compris dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience -, ainsi que sous l'angle de la complémentarité des revenus à l'échelle de nos territoires.
En parallèle, il est évident que nous devons associer une véritable politique publique nationale et territoriale à la méthanisation. Je ne reviens pas dans le détail sur les éléments avancés par Mme la ministre, auxquels je souscris pleinement. Pour le monde agricole, ces politiques publiques nationales et territoriales sont incroyablement importantes.
On dit souvent que 90 % de la biomasse potentielle pour la méthanisation est issue du monde agricole : l'enjeu, en termes de ressources, est massif.
C'est d'autant plus vrai - et je réponds ainsi à la première question de Monsieur le rapporteur - qu'il peut y avoir à l'évidence un risque de concurrence, ici ou là, entre production énergétique et production alimentaire. Nous y sommes confrontés. D'ailleurs, des dispositions ont été prises pour limiter à 15 % le seuil maximal des produits alimentaires partant dans un méthaniseur.
Au-delà se pose la question de l'accessibilité du foncier, notamment pour les jeunes qui s'installent. Une proposition de loi sera débattue dans dix jours à l'Assemblée nationale à ce sujet, avant de venir au Sénat qui, je le sais, a beaucoup travaillé dans ce domaine.
Quelle est la place de l'agriculteur dans tout ceci ? Tout dépend bien évidemment de la nature du projet : ce n'est pas la même chose avec un système de cogénération, par exemple. Et comme toujours dans le domaine des énergies renouvelables, l'un des points clés réside dans la durée. La Banque des territoires s'est retirée du financement des études de faisabilité des projets photovoltaïques dans le monde agricole parce que les choses prenaient trop de temps. Elle y investissait beaucoup d'argent, sans savoir quel serait le montant des futurs tarifs, ce qui peut décourager certains agriculteurs et faire capoter le projet.
Ce constat renvoie à la stabilité des prix ainsi qu'à l'approche pragmatique évoquée par Barbara Pompili, comme à la vocation de l'agriculteur. Un agriculteur ne se considère jamais comme un producteur d'énergie. En revanche, un agriculteur cherche à pouvoir diversifier ses revenus - la méthanisation est, de ce point de vue, une bonne opportunité - et à utiliser l'intégralité de son exploitation, y compris en matière de gestion de ses effluents. Un agriculteur n'est pas un agent de production d'énergie, mais un gestionnaire de flux.
À ce titre, le flux énergétique constitue une potentialité mais aussi un coût, les deux pouvant se concilier dans la cogénération, l'un pouvant améliorer l'autre.
Enfin, ce qu'a indiqué Barbara Pompili à propos de l'accessibilité sociale est essentiel. J'observe aujourd'hui à quel point la méthanisation est associée à quelques cas qui se seraient mal passés, ici ou là. On a tous en tête les débordements d'un méthaniseur de Châteaulin, dans le Finistère. C'est pourquoi le contrôle apparaît essentiel pour ne jamais jeter l'opprobre sur une filière qui apporte beaucoup. Pas de simplisme ni de raccourci ! Il en va de la crédibilité de tout ce que l'on cherche à faire et de l'intérêt que suscite la création de valeur à la fois pour l'environnement et l'agriculture.
Les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre, me rappellent que pendant la Seconde Guerre mondiale et à l'issue de celle-ci, la France a eu besoin d'une énergie en quantité fabuleuse pour se déplacer, chasser l'ennemi, rebâtir l'économie, développer l'agriculture... On a alors produit de l'alcool et monté des distilleries. J'ai l'impression que l'histoire recommence, ou qu'elle se perpétue. L'agriculture est toujours là pour apporter le soutien nécessaire aux besoins de nos concitoyens, dans le domaine de l'énergie, après l'alimentation bien évidemment.
Le rôle majeur de l'agriculteur est de produire une alimentation saine et durable. On a la chance de vivre plus longtemps en partie grâce à cela, il faut le rappeler, car les gens l'oublient.
Merci pour ces propos, qui nous apportent des informations complémentaires. Pourquoi notre groupe politique s'est-il emparé de ce sujet ? Ce qui nous intéresse dans la méthanisation, c'est l'interface entre la production d'énergie renouvelable et le monde agricole.
Nous nous interrogeons beaucoup sur la pérennité du modèle actuel. Les objectifs sont ambitieux, et cela nous convient. On est dans une phase très importante du développement de la méthanisation, mais on rencontre des problèmes d'acceptabilité. Or pour qu'il y ait acceptation de nos concitoyens, il faut que cela fasse sens. Aujourd'hui, le questionnement de l'opinion publique porte sur ce point.
Il existe de grandes différences entre les territoires. En Bretagne, terre d'élevage, les méthaniseurs sont en train de se développer de manière très importante. J'ai rencontré beaucoup de maires à ce sujet, et je ne veux pas me focaliser sur telle ou telle région : je tiens à avoir la vision la plus globale possible de la problématique de la méthanisation.
L'occupation du foncier agricole m'intéresse également. J'éprouve quelques inquiétudes à propos de l'agriculture vivrière et de l'agriculture énergétique. Nous ne sommes pas autonomes pour nourrir nos animaux. Nous importons énormément. Il faudrait très certainement importer moins, mais si on destine le maïs qui pourrait servir à nourrir nos animaux aux méthaniseurs, on est obligé d'importer davantage. C'est ce qui nous gêne. Je parle ici au nom du groupe Écologiste Solidarité et Territoires, même si l'interrogation est partagée par tous, car nous avons eu ici des débats très riches et totalement transpartisans.
Le prix de rachat connaît une tendance à la baisse, ainsi que Mme Pompili l'a indiqué. En matière d'éolien comme de solaire, le fait d'avoir industrialisé les procédés de production a permis une baisse très importante des coûts. Dans le domaine du vivant, je pense que nous allons très vite arriver à un palier et que nous ne serons pas en mesure de baisser les coûts énormément.
En outre, un fort développement de la méthanisation va entraîner une certaine concurrence en matière d'intrants. Nous le constatons déjà. Si le prix des intrants augmente, le revenu de l'agriculteur va s'en ressentir, surtout s'il n'est pas autonome sur son exploitation.
Mes inquiétudes portent également sur le fait que nous risquons pour ainsi dire de « figer » le modèle. Aujourd'hui, la production de maïs est, entre autres, liée à l'élevage. Quid, demain, si le cheptel diminue du fait d'un changement dans le régime alimentaire des Français, qui est probable ? Quid des aléas climatiques de plus en plus nombreux concernant le maïs ? Le maïs est une plante dont la culture nécessite beaucoup d'eau.
Que risque-t-il de se passer si nous parions sur une production optimale en matière de méthanisation et que nous nous retrouvons ensuite en difficulté ? Je rappelle qu'on a fixé aux agriculteurs des prix sur quinze ans - et ils en sont d'ailleurs très heureux.
Qu'en est-il donc de la pérennité de ce modèle ? Je pense que la mission sénatoriale d'information émettra des préconisations à ce sujet.
Par ailleurs, on sait que le lisier est très peu méthanogène. Il est constitué de 95 % d'eau et de 5 % de matières sèches et il représente 10 mètres cubes de gaz à la tonne. Or certaines tonnes à lisier de 30 mètres cubes font parfois 20 kilomètres pour arriver jusqu'au méthaniseur. On a donc ainsi transporté beaucoup d'eau, pour ensuite revenir chercher le digestat afin de l'épandre. Il faut que la méthanisation soit la plus vertueuse possible et ne vienne pas perturber le monde agricole, qui connaît déjà pas mal de difficultés. Elle doit être une véritable solution pour les agriculteurs et ne pas générer, demain, davantage de difficultés.
En outre, les industriels de l'énergie étudient, eux aussi, les projets de méthanisation. Pourquoi pas ? N'existe-t-il toutefois pas là un risque pour l'agriculteur de se voir dépossédé de son outil de travail ? On sait que nous entrons là dans un système capitalistique, auquel s'ajoute à terme le problème de la succession de l'exploitant.
Madame la ministre, monsieur le ministre, un méthaniseur, en Bretagne, n'est pas forcément le même qu'un méthaniseur dans le Sud-Ouest, ou dans l'Est de la France. Tous les cas sont différents, parfois même au sein d'une même région. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Nous ne sommes qu'au début du développement d'une filière. Il est donc normal qu'il y ait quelques hésitations, voire quelques ratés. C'est pourquoi votre mission d'information arrive à point nommé. Grâce au retour d'expérience dont nous disposons, il est maintenant possible d'avancer.
Vous avez abordé plusieurs points et, en premier lieu, celui de l'impact que pouvaient avoir certaines externalités sur la méthanisation, comme le changement climatique ou les changements d'habitudes alimentaires des Français.
L'autonomie de notre production d'énergie est aussi une question de stratégie. Le sujet essentiel sera celui de la disponibilité de la biomasse. Le changement climatique va entraîner des évolutions dans ce domaine. Les projections qui ont été faites dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) indiquent que des contraintes vont apparaître concernant le gisement de biomasse. On ne pourra évidemment pas remplacer en totalité le gaz naturel par du biogaz. Cela va sans dire, mais il faut le rappeler.
C'est pourquoi nous devons faire des choix concernant l'utilisation du biogaz. Cela a notamment eu des conséquences lorsque nous avons mis en place la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE 2020). Mais c'est un autre sujet dont on pourra reparler si vous le souhaitez.
On doit donc tenir compte d'autres éléments importants pour atteindre la neutralité carbone. Il est nécessaire de préserver les puits forestiers et de développer le recours au bois dans l'économie. Il est très compliqué de pouvoir faire des projections précises sur la disponibilité de la biomasse. Une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse a été adoptée en 2018. Les impacts à long terme du changement climatique sur la disponibilité de la biomasse destinée à la méthanisation sont en cours d'étude. Il est très difficile d'avoir des projections réalistes. Cela fait partie des sujets sur lesquels on continue à travailler, mais on n'en est qu'au début.
S'agissant des pratiques alimentaires des Français, certaines évolutions vont réduire la quantité d'intrants disponibles pour la méthanisation. La baisse de la consommation de viande constatée ces dernières années devrait notamment, à terme, induire un recul du cheptel français et, par voie de conséquence, des effluents d'élevage pouvant être traités par méthanisation.
De la même manière, des mesures positives, comme la réduction du gaspillage alimentaire vont entraîner de facto la réduction de la quantité de biodéchets qui peut être introduite dans des méthaniseurs.
D'autres éléments peuvent aller dans l'autre sens, car certaines évolutions sont susceptibles d'accroître la quantité de biomasse disponible pour la méthanisation. Ainsi, la généralisation de la mise en place des dispositifs de tri des déchets à la source va-t-elle permettre d'augmenter les quantités qui pourront partir vers les méthaniseurs.
Par ailleurs, le recul du cheptel pourrait également faciliter l'évolution de pratiques agronomiques, notamment grâce à une meilleure intégration des cultures intermédiaire à vocation énergétique (CIVE) qui peuvent être valorisées par la méthanisation.
Il existe donc plusieurs paramètres clés dont les effets sont différents. Nous devrons mener des réflexions plus précises lorsque nous préparerons la future programmation pluriannuelle de l'énergie pour prendre en compte ces différents facteurs.
Vous avez posé la question du soutien tarifaire à la méthanisation. Une mission d'inspection a été lancée pour examiner les externalités. Nous venons à peine d'en recevoir les résultats. L'ensemble doit ensuite faire l'objet d'un rapport que nous allons transmettre au Gouvernement.
Nous connaissons un certain nombre d'externalités positives comme la valorisation des biodéchets et des déchets agroalimentaires, la réduction de l'épandage des déchets d'élevage et du lessivage d'excès d'azote, qui permet une diminution de la pollution des eaux. Cela va réduire notre dépendance aux importations de gaz fossiles, et c'est une source de revenus complémentaire, comme je l'ai déjà dit.
Nous avons réfléchi à une compensation du surcoût du passage au gaz renouvelable en payant plutôt les externalités et en récompensant la méthanisation pour ses apports. Nous vous ferons parvenir le rapport.
Les premiers résultats donnent le sentiment que cela va être d'une grande complexité. Il va en effet falloir étudier chaque externalité, voir ce qu'elle apporte à chaque niveau et les mesurer toutes apparaît assez complexe.
Nous pensons que le soutien budgétaire essentiellement conçu dans une logique de couverture des coûts reste la solution la plus simple.
Nous nous dirigeons à présent vers un nouveau cap en matière de méthanisation. Les filières gagnent en maturité. Cela s'accompagne de gains de compétitivité - et c'est tant mieux.
Absolument. Nous voulons cependant développer toutes les formes de méthanisation et favoriser également les petites exploitations. Les unes et les autres n'ont pas les mêmes intérêts, mais elles se complètent et il faut les soutenir.
Les niveaux de soutien seront évidemment périodiquement réévalués en fonction de l'évolution de la filière, de la compétitivité et de la technicité des installations. L'augmentation des volumes permettra également des gains d'apprentissage ainsi qu'une baisse des coûts de production.
L'adaptation de la tarification a été réalisée en novembre 2020. Nous sommes en cours de réflexion concernant les soutiens non-budgétaires mais, comme je vous l'ai dit, cela me paraît aujourd'hui assez compliqué de partir à ce stade sur un financement des externalités.
Je souhaiterais formuler deux ou trois commentaires, dans le droit fil de ce que vient de dire Barbara Pompili.
En premier lieu, toutes les questions que vous avez posées, monsieur le rapporteur, sont légitimes. Notre responsabilité consiste à nous demander collégialement comment faire en sorte d'éviter les impacts négatifs de la méthanisation. En Allemagne, par exemple, il a été constaté les conséquences que cette dernière pouvait entraîner sur les éleveurs. Certains observateurs estiment même que c'est probablement la méthanisation, du fait de la concurrence des usages, qui a réduit le cheptel laitier allemand. Des travaux comme les vôtres sont donc précieux pour le débat parlementaire, mais également pour les ministres que nous sommes. Éviter les écueils que nous pourrions rencontrer est un travail qui se mène sur le long terme.
Nous croyons en la pertinence de notre dispositif, qui présente de nombreux atouts sur le territoire, sans en minimiser les dangers potentiels. Les travaux comme ceux qui nous réunissent cet après-midi peuvent nous permettre de les contourner.
Il existe deux points à surveiller, le seuil des 15 % et la réglementation européenne RED II évoquée par Barbara Pompili. Je ne suis pas sûr que nous soyons en pointe pour ce qui est du suivi des difficultés auxquelles nous pourrions être confrontés.
Des études sont en cours. Nos deux ministères mènent des travaux sur ce sujet. Il vaut mieux voir arriver les obstacles au bon moment.
Barbara Pompili l'a dit, il convient également d'étudier l'adaptation des cultures. L'inter-culture est très importante. Ce n'est pas la même chose d'utiliser dans le méthaniseur la culture principale ou l'inter-culture. On peut même aller plus loin : l'inter-culture qui fixe de l'azote entre deux cultures, et dont on réutilise ensuite le potentiel énergétique dans le méthaniseur, représente un cycle encore plus vertueux que ce à quoi nous nous attendions initialement. Toutes ces questions sont pour moi essentielles.
Enfin, vous avez insisté sur le rôle des industriels. C'est là un véritable enjeu. Ainsi, en matière photovoltaïque, l'industriel, petit ou grand, propose à l'agriculteur de construire un bâtiment pour le mettre à sa disposition, mais se réserve l'installation de panneaux photovoltaïques. L'exploitant perd ainsi la maîtrise des choses. Tous les agriculteurs ou toutes les collectivités territoriales n'ont pas les reins suffisamment solides pour faire face au portage de tels projets, même si les pouvoirs publics peuvent conserver la main sur l'industriel.
Parmi les agriculteurs que j'ai rencontrés, ceux qui ont monté leur projet veulent demeurer agriculteurs et non devenir des industriels. Ils fournissent une matière qui entre ensuite dans un réseau industriel.
Les digestats permettent-ils de conserver le carbone dans le sol ? Les controverses à ce sujet sont nombreuses : on déstocke en effet le carbone du sol, et c'est un peu comme si on allait chercher du gaz fossile. Il faudra y être très attentif, car on n'a pas de recul sur ce point. Comment tout cela va-t-il évoluer pour les puits de carbone ?
Quant à la territorialisation de la méthanisation, je pense qu'il existe effectivement de grandes différences entre les régions. Il faut donc avoir des approches différenciées. Ne peut-on pas prévoir une certaine densité de méthaniseurs sur un territoire donné, en lien avec des capacités d'alimentation endogène ? Il ne faut pas que les intrants fassent des kilomètres et des kilomètres. C'est une question d'acceptabilité.
Enfin, le système de la simple déclaration pose problème. Le seul affichage en mairie ne suffit pas. Ce système n'est pas satisfaisant.
Vous parliez de la territorialisation et de la nécessité de prendre garde à la prolifération des méthaniseurs. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience. Nous allons, si vous l'acceptez, décliner les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) au niveau des territoires, dans les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), puis dans les différents documents établis par les collectivités. Cette déclinaison est importante, car elle permet d'afficher des perspectives, de savoir où on en est, vers quoi on doit aller, combien on doit développer de méthaniseurs et sur quels territoires.
Il sera dès lors plus facile de se donner un peu de visibilité et de perspectives. Cela permettra aussi de réfléchir tous ensemble face aux porteurs de projets. Des élus peuvent être associés à cette réflexion. C'est l'une des manières de répondre à votre interrogation. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler ensuite à propos des questions réglementaires.
L'approche de l'agriculture par le sol me passionne. Le sol a une capacité à capter du dioxyde de carbone (CO2) et à agir dans la lutte contre les causes même du réchauffement climatique. Vous connaissez ma position concernant le fait d'opposer environnement et agriculture, ce que je trouve inepte : l'approche par le sol prend donc ici tout son sens.
Votre question est complexe. La captation de carbone dans le sol relève avant tout de la pratique culturale. La manière de cultiver une plante destinée au méthaniseur, maïs ou autres, est très différente et dépend de sa faculté ou non à capter le carbone.
Par ailleurs, on peut faire évoluer certaines pratiques agricoles : le bilan peut devenir en effet positif si, entre deux plantations destinées à la méthanisation, on utilise des plantes qui captent du CO2. Il en va de même de l'inter-culture.
Autre point très intéressant : j'ai toujours lu que le digestat issu des méthaniseurs était beaucoup plus facilement assimilable par la plante que ne l'est du digestat organique standard. Je m'aventure là dans des domaines qui nécessiteraient beaucoup plus de compétences que les miennes, mais tout dépend du référentiel que l'on choisit.
Monsieur le rapporteur évoquait tout à l'heure le sujet des différentes procédures. La procédure de déclaration est plus « légère », entre guillemets, que les autres auxquelles peuvent recourir ceux qui veulent faire de la méthanisation. Je rappelle qu'il s'agit de la réglementation applicable en matière de procédure d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE). On a donc un cahier des charges non négligeable à respecter. Il ne s'agit pas d'une simple déclaration. Des contrôles sont effectués par des organismes tiers, et ont d'ailleurs été renforcés l'année dernière. Ce n'est pas fait à la légère.
Madame la ministre, monsieur le ministre, la Haute-Saône a été un département précurseur dans le domaine des méthaniseurs. Cela fait bientôt plus de dix ans maintenant que le premier y a été installé. Il y en a beaucoup aujourd'hui - car nous sommes un territoire de polyculture-élevage - à la fois en cogénération, mais également en injection de gaz.
À partir de 2023, les gaz issus de méthanisation représenteront en Haute-Saône plus de 50 % de la consommation de gaz naturel. On atteindra ensuite 93 % ou 96 % à l'horizon 2030, ce qui montre l'ampleur du développement des méthaniseurs dans notre département.
Cela nous a permis de nous rendre compte des avantages que présentent les méthaniseurs en matière d'augmentation des revenus des agriculteurs, de valorisation des effluents d'élevage et de création d'emplois. Mais nous avons également pu constater l'impact négatif que peut entraîner une forte concentration d'installations sur un territoire rural, entre autres en matière d'approvisionnement en effluents d'élevage et en matières organiques.
On a vu des propriétaires de méthaniseurs faire le tour des exploitations agricoles pour acheter des hectares de maïs sur pied à des prix dépassant toute logique. Des blés de 50 centimètres de hauteur, en premier épiage, ont été fauchés pour être mis dans les méthaniseurs. Pour moi comme pour certaines catégories d'éleveurs, c'est totalement aberrant.
Comment garantir un apport d'effluents d'élevage à ces propriétaires de méthaniseurs et en faire profiter tout le monde ? Nous avons lancé une réflexion notamment avec Emmanuel Aebischer, propriétaire d'un méthaniseur, mais également président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Haute-Saône.
On a essayé de voir dans quel domaine les méthaniseurs pouvaient avoir un impact positif au niveau agricole. On s'est rendu compte que cela pouvait être bénéfique dans un secteur crucial pour notre métier, celui de l'installation des nouveaux agriculteurs ou de la reprise d'exploitations agricoles.
Aujourd'hui, lorsque vous vous installez sur une exploitation agricole, que vous la reprenez ou que vous la développez - vous l'avez dit, monsieur le ministre -, vous devez obligatoirement tenir compte de la notion de gestion des flux, et notamment des effluents. On doit pouvoir stocker sur une exploitation agricole six mois d'effluents d'élevage, liquide ou solide.
Dès lors, pourquoi ne pas proposer, lorsqu'un jeune s'installe ou qu'il existe une construction pour le développement d'un élevage sur une exploitation agricole, une contractualisation qui obligerait l'exploitation à fournir ses effluents d'élevage sous forme de contrat à un méthaniseur des environs et ramener en contrepartie la capacité de stockage à un mois ? Cela présenterait plusieurs avantages, y compris sur le plan environnemental !
Les investissements nécessaires pour stocker les effluents au moment de l'installation seraient beaucoup moins importants, que ce soit sous forme de fumier recouvert ou de fosse à lisier. L'agriculteur pourrait également, dans le cadre de la contractualisation, récupérer des digestats pour les épandre sur ses terres.
Cela présenterait également des avantages écologiques très importants. On éviterait des stockages d'effluents laissant l'azote et les protoxydes d'azote dans le milieu naturel. On engagerait un cercle vertueux permettant d'abaisser les coûts d'installation, en garantissant un approvisionnement des méthaniseurs en effluents d'élevage et en incitant au développement des cultures dédiées pour alimenter les méthaniseurs.
Enfin, cela diminuerait largement les quantités de béton utilisées pour créer les contenants destinés à stocker les effluents d'élevage.
C'est une proposition que je vous soumets. Elle demande à être approfondie et élargie, mais peut constituer un sujet de réflexion.
Dans le Loir-et-Cher, nous avons pour l'instant deux méthaniseurs. Le premier est un méthaniseur alimenté par des agriculteurs qui font de l'élevage. Le deuxième est un méthaniseur communal, qui utilise les boues des stations d'épuration et les déchets du parc équestre fédéral de Lamotte-Beuvron.
Des céréaliers de la Beauce veulent monter un troisième méthaniseur. D'autres projets s'y ajoutent : six installations au total devraient être construites.
Les porteurs de projet indiquent qu'ils vont utiliser de la culture intermédiaire à vocation énergétique (CIVE) à hauteur de 65 %. Cela me paraît énorme, d'autant plus que ces cultures doivent être énormément arrosées, surtout en Val-de-Loire.
Cela fait trois ans qu'ils travaillent sur ce projet. Ils ont déposé un dossier ICPE le 20 mars 2020. L'arrêté correspondant a été publié le 4 mars 2021. Les demandes de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDSPP) étaient de plus en plus importantes. Les différents maîtres d'ouvrage, qui venaient de toute la France et n'avaient pas l'habitude de telles demandes, ont été obligés de s'y reprendre à plusieurs fois. Tout cela ne pourrait-il pas être harmonisé pour constituer un dossier, simple, clair et précis ?
Par ailleurs, ces céréaliers n'ont obtenu que 6 % d'aides de l'Ademe, contre 20 % dans les départements voisins. Comment cela se fait-il ? Ils font des céréales et des betteraves. Quand ils vont emmener ces dernières à la sucrerie, ils vont ramener les déchets pour pouvoir les mettre dans le méthaniseur.
Madame la ministre, vous avez souligné que la forêt amazonienne émet plus de gaz à effet de serre qu'elle n'en séquestre. C'est la même chose en Arctique, où cela a été mesuré, et pas seulement à cause de la fonte du pergélisol, mais aussi en raison du changement climatique que subit la toundra.
La méthanisation est effectivement vertueuse quand elle permet d'utiliser ce qui ne l'était pas auparavant, de créer de la valeur et d'économiser notamment de l'énergie fossile.
Comment aider la valorisation thermique ? Certains agriculteurs utilisent le méthane produit pour consommer eux-mêmes la chaleur produite par ces dispositifs. Je trouve que c'est vertueux, car cela permet de réduire le recours à l'énergie fossile.
D'autre part, les coûts d'installation de ces systèmes présentent des risques d'endettement pour les agriculteurs, étant donné toutes les problématiques que l'on a évoquées jusqu'à présent. Étudiez-vous cette question afin d'éviter les drames que nous connaissons actuellement ?
Outre le fait que les coûts des études sont très importants, si l'utilisation des externalités engendre trop de transports routiers, la solution de la méthanisation n'est pas vertueuse. Il faut donc demeurer vigilant.
Par ailleurs, on décèle la présence de plastique dans les digestats. Envisagez-vous de faire entrer ce critère dans la certification verte ? La qualité du digestat relèverait de la responsabilité des agriculteurs lors de l'épandage, alors que les intrants viennent d'ailleurs. Qu'en est-il ?
Enfin, les bâches hermétiques, conçues selon une technologie développée par l'entreprise Nénufar, qui sont placées sur les fosses à lisier et à digestat permettent de récupérer des quantités non négligeables de méthane, dont elles évitent le rejet. Le méthane a un pouvoir de gaz à effet de serre encore plus important que le dioxyde de carbone. Peut-on obliger les méthaniseurs à les utiliser, afin d'empêcher ces gaz d'arriver dans l'atmosphère ? Ce ne sont pas des installations très coûteuses, de l'ordre de 100 000 euros.
Je salue la présence côte à côte de la ministre de la transition écologique et du ministre de l'agriculture. On n'a pas eu si souvent l'occasion de les voir ensemble dans un même Gouvernement. C'est bon signe et vos discours sont manifestement très proches l'un de l'autre.
Je voudrais vous faire part de quelques réflexions.
À mon sens, il existe plusieurs systèmes de méthanisation, à commencer par la méthanisation agricole, mais aussi celle organisée par les collectivités - boues d'épuration, rejets agroalimentaires, etc. -, ainsi que les projets industriels, lesquels risquent de devenir de plus en plus prégnants. J'en veux pour preuve les propos des industriels du secteur gazier, qui entendent décliner très clairement leurs projets sur le territoire français. Il ne faut pas, selon moi, mélanger les trois types de méthanisation.
Comment pourrait-on arriver à trouver un équilibre ? On doit également se poser la question par rapport à la Politique agricole commune (PAC) : comment peut-on continuer à subventionner du maïs irrigué pour en mettre une partie dans des méthaniseurs, eux aussi subventionnés ?
La problématique du foncier va également devenir un véritable enjeu. Il va falloir réfléchir à autre chose. On va se retrouver très vite en concurrence d'usage. On connaît les difficultés financières des exploitations : quelqu'un qui arrive avec quelques financements risque de faire tourner bien des têtes, au détriment de l'équilibre agricole.
Madame la ministre, vous parliez de la possibilité de tri des matières fermentescibles contenues dans les déchets. J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet lorsque j'étais président de communauté de communes, maire et conseiller général. C'est une vraie problématique. Sur mon territoire, nous avions mis en place une redevance incitative. La meilleure façon pour avoir moins de tonnage de déchets à enfouir ou à brûler consiste à enlever 30 % de produits fermentescibles. Comment procéder à la collecte de ces matières ?
Vous avez également soulevé la question de la modification ou de l'adaptation des règles en cours de fonctionnement. Attention à ne pas changer la règle du jeu une fois le projet adopté. Si notre collègue Laurent Duplomb était là, il le dirait encore plus clairement que moi puisqu'il construit des méthaniseurs ! Les projets sont bien évidemment équilibrés, avec un prix de rachat et des subventions d'investissement définis. On ne peut donc modifier la règle du jeu en cours de route !
Je minorerai quelque peu les observations de Jean-Claude Tissot, lorsqu'il a fait valoir que le ministre de l'agriculture défend en l'espèce la même approche que la ministre de la transition écologique. Je m'interroge en fait sur les ambitions du Gouvernement en matière de méthanisation. On a assisté, ces dernières années, à une vraie dynamique qui a permis à la filière de prendre son envol.
Pourtant, sur mon territoire, un certain nombre de projets a du mal à sortir. Je vois à cela deux raisons. La première, vous l'avez dit, réside dans la diminution de l'ambition de la PPE, conditionnée désormais par des baisses drastiques des tarifs de rachat. La deuxième raison résulte du durcissement des règles, illustré par le régime ICPE 27-81. Pour mémoire, des simulations financières réalisées par l'association des agriculteurs producteurs de méthane estiment le surcoût correspondant, pour certains projets, à plus de 600 000 euros.
Ces mesures sont-elles proportionnées ? Le Gouvernement ne risque-t-il pas, par ce biais, de créer un moratoire de fait, à l'image de ce qui a pu se passer il y a une quinzaine d'années pour la filière solaire ?
Monsieur le ministre de l'agriculture a commencé son intervention en indiquant qu'il croyait à la méthanisation, mais on se rend finalement compte qu'un certain nombre de contraintes sont en train de voir le jour.
Beaucoup de questions se recoupent.
Tout d'abord, en matière de sécurité, de nouveaux arrêtés sont en cours d'élaboration, lesquels vont permettre de répondre aux questions qui ont été posées en favorisant une plus grande acceptabilité sur les territoires.
Parmi les points essentiels figurant dans ces projets de nouveaux arrêtés, figure la distance réglementaire entre les installations et les tiers, qui sera augmentée pour des motifs liés à l'accidentologie, mais aussi aux nuisances. Une distance de 50 mètres était imposée entre le digesteur et les tiers. Elle sera fixée, à partir du 1er janvier 2023, à 200 mètres, sauf pour les plus petites installations, où l'on passera à 100 mètres.
La prévention des fuites de gaz a été évoquée tout à l'heure. Le programme de maintenance préventive obligatoire et évolutive devra prévoir un contrôle de l'intégrité de tous les contenants - réacteurs, conduites, stockages - à une fréquence suffisante, notamment un contrôle semestriel des pièces d'étanchéité. Cela permettra de limiter la perte de biogaz dans l'atmosphère et de réduire ce genre de risques.
S'agissant de la prévention de la pollution des milieux, outre des exigences similaires relatives à l'intégrité des contenants, les nouveaux arrêtés imposeront de disposer de capacités de rétention sous les stockages de digestat liquide ou de toute matière susceptible d'occasionner une pollution des eaux ou des sols, ainsi que d'un réseau de collecte des eaux pluviales avec dispositif obturateur. C'est un peu technique, mais c'est finalement logique : quand on met en place ce genre d'installation, on doit prévenir la pollution des milieux.
Il en va de même pour les risques d'incendie et d'explosion : des distances minimales seront à respecter entre les équipements, notamment ceux qui peuvent constituer des risques de combustion et d'inflammation. C'est encore une fois logique.
Des détecteurs de gaz reliés à des alarmes seront également imposés.
Les équipements de ventilation, de surveillance et de sécurité devront disposer d'une alimentation de secours. Une surveillance permanente du site devra être assurée au moyen d'une astreinte de personnels en capacité d'intervenir, sur place ou à distance, en moins de 30 minutes. L'organisation de cette surveillance sera soumise à l'inspecteur des installations classées.
La question des nuisances olfactives pose aussi problème auprès des riverains. Le pétitionnaire d'une nouvelle installation devra réaliser un état initial des perceptions. Il n'est pas toujours facile, lorsque des riverains protestent, de savoir si les nuisances viennent du méthaniseur ou si elles préexistaient. Ceci s'appliquera dans un rayon de trois kilomètres et servira de référence en cas de plainte. Divers dispositifs limiteront par ailleurs les effluves.
S'agissant de l'approvisionnement des méthaniseurs, il faut que le plafond des 15 % soit respecté. C'est une question de contrôle.
Les CIVE peuvent être intéressantes pour les méthaniseurs. Elles ont un potentiel de préservation de l'environnement, si l'on veille à la manière dont elles vont être utilisées. Les cultures intermédiaires à vocation énergétique utilisées par les installations de méthanisation de grande taille devront ainsi faire l'objet d'une certification obligatoire en application de la directive RED II.
La certification des cultures sera assurée par des organismes de contrôle agréés par l'État, si le producteur choisit de recourir au schéma national de certification, ou par la Commission européenne, si le producteur choisit de recourir à un schéma volontaire de certification. Le contrôle portera sur la nature de la biomasse utilisée par le méthaniseur, la façon dont elle a été cultivée en culture principale ou intermédiaire, la durabilité de cette culture, ainsi que sur l'estimation des émissions de gaz à effet de serre associés.
Pour répondre à la problématique d'acceptabilité des méthaniseurs auprès de la population, le pétitionnaire devra, lorsqu'il commencera à établir son projet, réaliser une étude d'impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre et, plus largement, en termes environnementaux.
Ce point répond à votre question sur les transports : il est évident que l'on doit tenir compte de l'impact des transports pour acheminer les effluents d'élevage, ou divers intrants qui vont rentrer dans le méthaniseur, dans la procédure d'autorisation d'installation d'un méthaniseur.
En ce qui concerne la proposition avancée par le sénateur Olivier Rietmann sur la capacité de stockage, nous devons en mesurer les conséquences et vérifier si elle serait compatible avec nos différentes réglementations. Spontanément, j'ai un doute, mais je n'en suis pas certaine.
Les mesures prises sur les tarifs avaient été anticipées, car elles étaient annoncées depuis 2019. Elles ont fait l'objet de négociations et de concertations avec les agriculteurs. Je n'ai pas l'impression que nous mettions en place un moratoire sur les méthaniseurs !
En outre, certaines dispositions permettent aujourd'hui que des agriculteurs qui voulaient augmenter leurs capacités de production et qui risquaient de ne plus avoir accès aux mêmes tarifs d'y avoir toujours droit. Les conditions préalables à la signature du contrat ont été adaptées. Les délais de mise en service ont été allongés. Beaucoup de mesures ont été mises en place pour aider ceux qui veulent installer des méthaniseurs, mais cela n'empêche pas les contrôles.
Un agriculteur qui monte aujourd'hui un projet le fait en fonction de dispositions applicables. Celui qui a monté un projet qui est révisé au bout de dix ans, alors que son contrat est de quinze ans, est fragilisé. Peut-on accepter qu'un contrat à durée déterminée puisse être changé en cours de route ?
On en a discuté avec Barbara Pompili dans le cadre de la révision des tarifs : l'impact sur les projets agricoles stricto sensu est très faible. Il est plus fort sur des projets de plus grande taille. Nous l'avons constaté notamment dans le domaine photovoltaïque, mais il s'agissait d'un cas de figure où chacun s'accordait à dire que l'on était dans des situations où la chronologie n'était pas tenable. On a d'ailleurs réussi à préserver la plus grande partie des sites de production les plus petits, notamment agricoles.
Le droit français n'est jamais favorable au fait de toucher à des contrats en cours de validité. Le législateur moins encore. On n'aborde donc ces sujets de manière générale qu'avec une main tremblante.
Dans le projet dont je parlais précédemment, qui va être mis en oeuvre avec GRDF, le contrat s'étale sur quinze ans, avec un prix stable.
L'immense défi de l'agriculteur, consiste à ne pas avoir de visibilité sur les revenus. L'énergie est à ce titre une très belle opportunité sur plusieurs années : elle permet des investissements à long terme. C'est pourquoi il est très important d'avoir un contrat à long terme et de le préserver.
Cette visibilité et cette stabilité nécessaires déterminent une capacité d'investir, strictement liée au fait de savoir si le projet est économiquement viable ou non. Un agriculteur commence sa carrière en s'endettant. L'entreprenariat agricole sait gérer la question de l'endettement. Ce qu'il ignore, c'est comment faire lorsque les choses ne se passent pas comme prévu.
Pour ce qui est des études de projet, j'avais abordé la question il y a quelques mois avec la Banque des territoires. Je pense qu'il existe un véritable sujet sur le financement d'accompagnement d'ingénierie, que ce soit par rapport à l'Agence nationale de la cohésion du territoire ou avec les porteurs des projets eux-mêmes, qui interviennent par le truchement de la Banque des territoires. Cette dernière s'est plutôt retirée du financement des études de faisabilité sans augmenter la capacité de financement. Vous avez donc raison d'attirer notre attention sur ce point, madame la sénatrice.
Vous avez également fait valoir que la solution consisterait peut-être à étanchéifier les fosses à lisier, en expliquant que cela ne coûtait que 100 000 euros. Le monde agricole est capable de s'endetter lorsqu'il existe derrière une création de valeur. L'étanchéification est un sujet sur lequel nous travaillons beaucoup dans le cadre des directives nitrates en cours de réécriture. Les agences de l'eau accompagnent énormément les agriculteurs. Ce sont des réglementations que l'on doit prendre avec beaucoup de sérieux. Un gros travail de concertation est en cours.
Dans le cas du projet Nénufar que vous avez évoqué, ce sont des start-up qui développent des méthaniseurs en quelque sorte « autoportés ».
Quant à la qualité des digestats, j'avoue ne pas être capable de répondre sur la présence de plastiques, mais je note votre question.
Enfin, nous allons étudier la suggestion du sénateur Rietmann. En réponse aux questions des sénateurs Tissot et Prince sur le contrôle du pourcentage des cultures utilisées ensuite dans le méthaniseur, la réglementation prévoit aujourd'hui un seuil de 15 %. Cependant, notre réglementation est à l'échelle de l'exploitation et non à celle du bassin agricole. On n'en a encore jamais parlé avec Barbara Pompili, mais je pense que la vraie question est là.
Avec la sécheresse qui sévit l'été, beaucoup d'éleveurs, dans les prochaines années, vont se retourner vers leur voisin qui fait de la polyculture-élevage ou qui exploite de grandes cultures, et dont la majorité de la production part dans le méthaniseur. C'est au monde agricole qu'il revient de s'organiser au niveau du bassin territorial, sans chercher à créer quelque chose de trop formel. Il ne faut surtout pas tout attendre de la loi ou du règlement.
Je répète que les tarifs doivent être revus parce que les coûts évoluent, mais ils ne bougent pas une fois le contrat signé. Il ne faut pas donner le sentiment d'une instabilité permanente. Il existe une règle claire, et elle est posée.
Qu'en est-il du pourcentage des aides qui varient d'un département à l'autre ?
Nous vous apporterons une réponse précise à ce sujet. Pour l'instant, je ne l'ai pas.
En matière de photovoltaïque ou de méthanisation, les études de faisabilité portent sur la base de montants d'aide ou de montants de tarifs. Cela prend tellement de temps que les données de base se trouvent modifiées durant l'instruction. Le business plan ne fonctionne alors plus, et on doit donc tout recommencer.
Jamais cependant on ne figera le montant des aides au moment du dépôt d'un dossier. On en revient toujours à la rapidité du traitement de celui-ci.
Sauf erreur de ma part, les tarifs n'avaient pas bougé depuis 2011.
La difficulté provient du temps que nécessite l'élaboration des dossiers. Je pense au projet porté par les éleveurs de poulets de Loué, dans la Sarthe, concernant un méthaniseur : le temps nécessaire au montage du dossier et les conditions avaient changé !
C'est vrai que la seule modification qui a été faite est assez récente.
La nouvelle réglementation risque néanmoins de provoquer une surenchère des coûts. Ne va-t-on pas plutôt favoriser de gros projets ?
Les tarifs sont précisément calculés pour couvrir les coûts.
Quand on voit le nombre d'investisseurs, je crois que tout le monde s'y retrouve.
Nous devons aussi tenir compte des contribuables. On entend souvent dire que le maïs va être subventionné, ainsi que le méthaniseur : le citoyen lambda trouve, de fait, le mégawattheure un peu cher.
Il faudra aussi revenir sur la définition des CIVE. Jean-Claude Tissot utilisait les termes de « cultures dérobées » : c'est plus poétique, mais j'entends dire que celles-ci ont un peu dévié et vont venir empiéter sur les cultures principales. On va les faucher bien plus précocement pour en faire du fourrage et non de la céréale. On va même parfois les amender, alors qu'elles devraient capter l'azote. En fin de compte, la CIVE devient de fait la culture principale. Ne faudrait-il pas travailler sur cette définition, afin d'éviter les effets d'aubaine qui posent problème ?
On a bien identifié ce risque. Il existe, mais la méthanisation permet d'apporter des revenus aux agriculteurs, et c'est tant mieux. Il faut veiller qu'il n'y ait pas de dérives, parce qu'on ne doit pas oublier que notre agriculture doit en priorité servir à notre alimentation.
Il ne faut pas que les CIVE perdent le caractère intermédiaire qui les définit. Un groupe de travail dédié à cette question doit rendre ses conclusions dans plusieurs mois. Nous vous en tiendrons informés.
Un rapport de très bonne qualité a également été établi par Jean-Luc Fugit, député du Rhône, il y a environ deux ou trois mois, sur le poids de l'énergie dans l'agriculture. Étant lui-même chimiste, il a une vision assez intéressante sur ces sujets. Il pourrait être intéressant que vous l'auditionniez.
Enfin, pour conclure, on mesure bien aujourd'hui que le développement de la filière méthanisation est pertinent. Il nous faut en même temps contenir toutes les dérives en anticipant ce qui s'est passé dans d'autres pays. Je prendrai vos travaux comme des recommandations sur ce qu'il faut éviter de faire et sur la façon de nous adapter.
J'insiste sur le fait que la responsabilité dans ce domaine ne relève pas du seul pouvoir exécutif ou du seul pouvoir législatif, mais également des industriels et du monde agricole. Les objectifs viennent parfois se concurrencer. Tous sont louables. Il est assez compliqué d'en mettre un au-dessus de l'autre. Comme l'a dit Barbara Pompili, l'agriculture est d'abord faite pour nourrir le peuple. Tout cela nécessite des garde-fous et des cadres.
Vos travaux nous seront très utiles, j'en suis convaincu.
Nos échanges ont été très constructifs. Tous les avis sont permis au Sénat : nous entendons promouvoir les meilleurs et construire notre dossier le mieux possible. Nous établirons des préconisations dans notre rapport.
Vous n'avez pas répondu, madame la ministre, monsieur le ministre, à ma question portant sur notre indépendance énergétique. On y reviendra un autre jour.
Merci.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 heures 30.