Intervention de Daniel Salmon

Mission d'information Méthanisation — Réunion du 12 mai 2021 à 16h30
Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique et de M. Julien deNormandie ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon, rapporteur :

Merci pour ces propos, qui nous apportent des informations complémentaires. Pourquoi notre groupe politique s'est-il emparé de ce sujet ? Ce qui nous intéresse dans la méthanisation, c'est l'interface entre la production d'énergie renouvelable et le monde agricole.

Nous nous interrogeons beaucoup sur la pérennité du modèle actuel. Les objectifs sont ambitieux, et cela nous convient. On est dans une phase très importante du développement de la méthanisation, mais on rencontre des problèmes d'acceptabilité. Or pour qu'il y ait acceptation de nos concitoyens, il faut que cela fasse sens. Aujourd'hui, le questionnement de l'opinion publique porte sur ce point.

Il existe de grandes différences entre les territoires. En Bretagne, terre d'élevage, les méthaniseurs sont en train de se développer de manière très importante. J'ai rencontré beaucoup de maires à ce sujet, et je ne veux pas me focaliser sur telle ou telle région : je tiens à avoir la vision la plus globale possible de la problématique de la méthanisation.

L'occupation du foncier agricole m'intéresse également. J'éprouve quelques inquiétudes à propos de l'agriculture vivrière et de l'agriculture énergétique. Nous ne sommes pas autonomes pour nourrir nos animaux. Nous importons énormément. Il faudrait très certainement importer moins, mais si on destine le maïs qui pourrait servir à nourrir nos animaux aux méthaniseurs, on est obligé d'importer davantage. C'est ce qui nous gêne. Je parle ici au nom du groupe Écologiste Solidarité et Territoires, même si l'interrogation est partagée par tous, car nous avons eu ici des débats très riches et totalement transpartisans.

Le prix de rachat connaît une tendance à la baisse, ainsi que Mme Pompili l'a indiqué. En matière d'éolien comme de solaire, le fait d'avoir industrialisé les procédés de production a permis une baisse très importante des coûts. Dans le domaine du vivant, je pense que nous allons très vite arriver à un palier et que nous ne serons pas en mesure de baisser les coûts énormément.

En outre, un fort développement de la méthanisation va entraîner une certaine concurrence en matière d'intrants. Nous le constatons déjà. Si le prix des intrants augmente, le revenu de l'agriculteur va s'en ressentir, surtout s'il n'est pas autonome sur son exploitation.

Mes inquiétudes portent également sur le fait que nous risquons pour ainsi dire de « figer » le modèle. Aujourd'hui, la production de maïs est, entre autres, liée à l'élevage. Quid, demain, si le cheptel diminue du fait d'un changement dans le régime alimentaire des Français, qui est probable ? Quid des aléas climatiques de plus en plus nombreux concernant le maïs ? Le maïs est une plante dont la culture nécessite beaucoup d'eau.

Que risque-t-il de se passer si nous parions sur une production optimale en matière de méthanisation et que nous nous retrouvons ensuite en difficulté ? Je rappelle qu'on a fixé aux agriculteurs des prix sur quinze ans - et ils en sont d'ailleurs très heureux.

Qu'en est-il donc de la pérennité de ce modèle ? Je pense que la mission sénatoriale d'information émettra des préconisations à ce sujet.

Par ailleurs, on sait que le lisier est très peu méthanogène. Il est constitué de 95 % d'eau et de 5 % de matières sèches et il représente 10 mètres cubes de gaz à la tonne. Or certaines tonnes à lisier de 30 mètres cubes font parfois 20 kilomètres pour arriver jusqu'au méthaniseur. On a donc ainsi transporté beaucoup d'eau, pour ensuite revenir chercher le digestat afin de l'épandre. Il faut que la méthanisation soit la plus vertueuse possible et ne vienne pas perturber le monde agricole, qui connaît déjà pas mal de difficultés. Elle doit être une véritable solution pour les agriculteurs et ne pas générer, demain, davantage de difficultés.

En outre, les industriels de l'énergie étudient, eux aussi, les projets de méthanisation. Pourquoi pas ? N'existe-t-il toutefois pas là un risque pour l'agriculteur de se voir dépossédé de son outil de travail ? On sait que nous entrons là dans un système capitalistique, auquel s'ajoute à terme le problème de la succession de l'exploitant.

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