Vous avez choisi deux articles sensibles. Nous l'avons constaté lors des travaux préparatoires au projet de loi ainsi qu'à l'occasion des échanges que nous avons avec les organisations professionnelles. Nous sommes très attentifs au secteur du transport routier de marchandises, et je voudrais commencer par lui rendre hommage : pendant toute la période de crise liée à la covid, et surtout lors des premières phases, il a continué à travailler, permettant d'alimenter notre population, dans des conditions parfois difficiles. J'ai participé longuement à des échanges pour assurer cette logistique alimentaire, qui a tenu.
Le dispositif de remboursement de TICPE pour le transport routier de marchandises, dont l'article 30 fixe un objectif de suppression à l'horizon 2030, a été mis en place en 1999. Il est encadré par une directive dite « Énergie ». En 2015, le tarif de TICPE sectoriel a été augmenté une première fois de 4 euros par hectolitre, suite à la suspension de l'écotaxe puis une augmentation de 2 euros par hectolitre a été votée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2020. Les conseils régionaux peuvent majorer le tarif de TICPE applicable dans une certaine limite. Toutes les régions appliquent cette majoration, sauf Auvergne-Rhône-Alpes.
Mais la TICPE, ou son équivalent, ne sont pas homogènes en Europe. Le premier sujet est donc la concurrence pour le transport routier international. Seule l'Allemagne a un niveau de fiscalité supérieur au nôtre. L'Espagne est à 0,33 euro par litre, la Belgique à 0,35, le Luxembourg à 0,365. L'Allemagne est à 0,47, au-dessus de la France. La proposition de la Convention citoyenne était de mettre en oeuvre une diminution progressive du mécanisme de remboursement de TICPE qui aurait été entamée dès 2021 mais nous avons conscience de la sensibilité qu'aurait une telle mesure sur les coûts d'exploitation des transporteurs. La proposition du Gouvernement est relativement simple : il s'agit de présenter un objectif de convergence entre le tarif de TICPE de droit commun et le tarif de TICPE sectoriel dont s'acquitte le transport routier, mais sans en fixer la trajectoire immédiate. On privilégie un caractère programmatique, avec une cible de suppression du remboursement de TICPE dont bénéficie le transport routier à l'horizon 2030. Après la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022, un rapport précisera la manière d'atteindre cet objectif. L'inégalité de fiscalité en Europe est nuisible, et il faut promouvoir la convergence au niveau européen si l'on ne veut pas induire une concurrence excessive.
Dans le même temps, nous avons pris des mesures pour favoriser la transition énergétique du transport routier de marchandises : le suramortissement pour les véhicules propres, une enveloppe pour le soutien à l'acquisition de véhicules lourds électriques ou à hydrogène - avec un bonus maximum de 40 % du coût d'utilisation du véhicule, et dans une limite de 50 000 euros pour un poids lourd. Le transport routier de marchandises utilise des véhicules produits par plusieurs producteurs qui ne sont pas uniquement français. Dans le cadre d'une « Task Force camions propres », nous réfléchissons depuis le début de l'année avec les constructeurs et l'ensemble des professionnels du transport routier à une convention qui permettra de définir une trajectoire partagée de décarbonation du secteur.
L'article 32 est plus simple. Il organise la reproduction du modèle que nous allons mettre en place dans la Collectivité européenne d'Alsace. Une écocontribution s'appliquera non seulement aux véhicules internationaux mais aussi aux véhicules nationaux. L'assiette sera fixée au-dessus de 3,5 tonnes par la Collectivité européenne d'Alsace. Cette contribution s'appliquera sur un réseau routier qui sera transféré aux régions dans le cadre d'une expérimentation prévue par la loi 4D, présentée en Conseil des ministres la semaine dernière. La contribution pourrait être étendue aux départements si des effets de bord devaient se manifester. Lorsque la Collectivité européenne d'Alsace a émis le voeu d'imposer une écocontribution, la région Grand Est a manifesté son inquiétude quant aux reports de trafics qu'elle pourrait provoquer sur son propre réseau. Le raisonnement de l'Alsace a été le même à l'origine. Il tirait les conséquences de l'instauration d'une taxation sur les poids lourds en Allemagne : la LKW-Maut.
La finalité est de faire contribuer les poids lourds aux coûts d'aménagement et d'entretien de la route, de réduire les impacts environnementaux du transport routier de marchandises, et de prendre en compte ses externalités négatives. Le débat existe depuis la directive Eurovignette de 1999. La contribution s'appliquerait, sur le réseau transeuropéen des transports et sur les autoroutes, aux véhicules dont le poids total est supérieur à 3,5 tonnes. Elle peut être répercutée aux usagers, mais de manière très strictement encadrée par le droit européen. Son montant est limité aux coûts d'infrastructure - exploitation, entretien, maintenance -et aux frais financiers correspondants - ainsi qu'aux externalités qui sont évaluées dans un barème figurant dans les annexes de la directive. Le niveau de la redevance doit être modulé en fonction des émissions du véhicule, et d'autres paramètres, notamment pour remédier aux problèmes de congestion.
La directive impose que les péages et droits d'usage soient appliqués sans discrimination directe ou indirecte en fonction de la nationalité du transporteur. On ne peut donc prévoir une écocontribution qui ne s'appliquerait qu'à des véhicules étrangers. La loi 4D proposera aux régions volontaires une expérimentation de cinq ans de transfert de l'intégralité du réseau routier national de leur territoire à l'exception des axes concédés et de quelques axes que l'État conserverait.