Lorsque nous avons lu le projet de loi présenté par le Gouvernement, et notamment les deux articles dont nous parlons aujourd'hui, nous avons pensé qu'il s'agissait uniquement de cocher une case pour 2022, en réalisant deux objectifs proposés par la Convention citoyenne. On voit toutes les difficultés d'application, qui ont été évoquées par ceux qui sont intervenus avant moi. J'ai suivi les débats à l'Assemblée nationale, où de nombreux amendements ont été déposés pour supprimer ces deux articles. Nous pensons qu'il ne faut pas les supprimer, mais qu'il faut essayer de les améliorer, sans illusions sur les difficultés d'application. L'objectif, ne l'oublions pas, est de réduire l'impact carbone des transports, pour éviter des catastrophes, qui ne manqueront pas de se produire dans quelques dizaines d'années, si ce n'est avant - on voit déjà tous les dérèglements climatiques qui surviennent.
Notre position sur les transports de marchandises est qu'il faut transporter moins, mieux, et autrement. Il faut transporter plus local ; utiliser au mieux les capacités des infrastructures et des moyens de transport ; et favoriser le report modal, ferroviaire mais aussi fluvial. Le fluvial a aussi besoin d'aide pour profiter du report modal. Je ne ferai pas de bashing contre le transport routier, qui sera toujours nécessaire à notre vie. Si on atteint les objectifs ambitieux qu'a fixés le gouvernement, il conservera toujours au moins 75 % de parts de marché.
L'article 30 prévoit l'abandon de l'avantage fiscal du gazole professionnel pour le transport routier de marchandises. Il est lié à deux conditions, qui seront difficiles à réunir. La première est l'accélération du processus de convergence des fiscalités au niveau européen : la France a annoncé que, lors de sa présidence européenne en 2022, elle allait faire tout son possible - mais l'unanimité est loin d'être acquise ! On pourrait déjà remonter le plafond du minimum de perception, de 33 centimes à 40 ou 45 centimes par litre. Ce serait déjà une belle réalisation. La France, du reste, n'est pas le pays qui taxe le plus le gazole professionnel en Europe. L'Allemagne et les Pays-Bas le taxent davantage. La seconde condition est le développement d'une offre suffisante de motorisations alternatives. Il est bienvenu d'accompagner financièrement les entreprises qui voudraient faire évoluer leur motorisation. Pour accélérer la mise en oeuvre de cet objectif, il faudrait supprimer l'exonération de la contribution climat énergie pour tous les carburants qui en bénéficient.
Le représentant de la Fédération nationale des transports routiers nous dit qu'en 2014 le Gouvernement s'était engagé à ce que l'augmentation de 4 centimes des taxes sur le gazole vaudrait solde de tout compte, mais si l'on considère les milliards d'euros qui devaient être perçus avec l'écotaxe, on voit que l'on est loin du solde de tout compte. C'est pourquoi nous sommes pour une trajectoire de rattrapage de la taxe carbone, dès le PLF 2022.
J'ai suivi les débats sur l'eurovignette depuis 2005, puis ceux de l'écotaxe - que vous aviez votée à l'unanimité. L'écotaxe a été supprimée très rapidement en 2014, malgré les investissements importants qui avaient été réalisés, c'est d'autant plus un gâchis qu'une compensation avait été accordée en amont, avec la diminution de moitié de la taxe à l'essieu en 2011 et l'autorisation, à compter du 1er janvier 2013, de la circulation des poids lourds de 44 tonnes, au détriment des transports ferroviaire et fluvial.
Nous savons les difficultés que pose cette contribution spécifique, qu'on ne nomme plus écotaxe, ses modalités pratiques sont encore à définir. Un amendement à l'Assemblée nationale a utilement prévu une prise en compte des externalités négatives du transport routier, ce qui est conforme à la directive eurovignette. Notre pays est encore bien frileux sur ce point, voilà des années que nous demandons une telle prise en compte des coûts externes, en particulier sur les péages autoroutiers, sans jamais être entendus.
Des régions sont favorables à la contribution proposée à l'article 32- je demande à voir, car il me semble y avoir beaucoup d'incompréhensions. Je pense que le plus simple aurait été de revenir au dispositif du Grenelle 1, pour faire prendre en charge les infrastructures routières plus directement par le transport routier - et je crains fort que le mécanisme imaginé aujourd'hui posera de nombreuses difficultés juridiques.
Nous n'ignorons pas non plus le problème de la concurrence européenne. Il faut en conséquence que les transporteurs étrangers participent davantage à l'entretien de nos infrastructures routières. Dès lors qu'ils utilisent principalement le réseau autoroutier, nous avions proposé d'augmenter les péages des véhicules lourds et d'abonder à due concurrence l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour qu'elle investisse dans les modes de transport alternatifs.