Je vous remercie pour cette invitation. Finance for Tomorrow constitue la branche de Paris Europlace qui s'occupe de la finance durable. Nous représentons quatre-vingt institutions - des émetteurs aux entreprises en passant par les institutions financières - et les pouvoirs publics sont représentés au sein de notre gouvernance. C'est un lieu de dialogue et de coopération du marché et des pouvoirs publics, avec un objectif de transformation des pratiques du secteur de la finance pour atteindre nos objectifs de développement durable. Nous cherchons par ailleurs à faire de la place de Paris un centre financier de référence en la matière, dans une logique d'attractivité.
Dans le contexte de la pandémie et de la crise économique que nous connaissons, les enjeux de la finance durable consistent à mettre en place les moyens de notre résilience économique sur le long terme.
La finance durable, c'est d'abord un plan d'investissement public et privé à l'échelle mondiale pour permettre une transition juste - car il ne faut pas oublier les aspects sociaux de l'Accord de Paris. Pour donner quelques chiffres, l'Organisation des Nations Unies estime à 5 000 milliards de dollars les besoins d'investissement annuels à l'échelle mondiale pour respecter nos objectifs de développement durable. Au niveau européen, le Green Deal cherche à déployer plus de 1 000 milliards d'euros d'investissements publics et privés. En France, l'institut I4CE estime entre 13 et 17 milliards d'euros le déficit d'investissement annuel pour respecter la stratégie nationale bas carbone. Il s'agit donc bien de transformer les pratiques de la finance pour flécher les capitaux vers ces usages.
Dans cette perspective, permettez-moi de commencer par rappeler le rôle déterminant de la réglementation. La France est assez avant-gardiste sur ce sujet, avec par exemple l'obligation de proposer des produits labellisés dans les assurances vie. Néanmoins, les autres acteurs mondiaux se mobilisent fortement. La Commission européenne a avancé son plan d'action sur la finance durable, avec de premiers règlements qui ciblent la transparence des acteurs en matière de durabilité sur le plan climatique et social. Tout cela est assez positif mais pour garder le leadership par rapport aux États-Unis, il nous paraît nécessaire d'accélérer la coopération entre le public et le privé et de créer des incitations efficaces, en allant au-delà de l'approche par les risques. Il y a deux sujets majeurs de ce point de vue. D'abord, le prix du carbone à long terme, qui joue un rôle de signal essentiel. Ensuite, il faut aligner les priorités en matière d'investissements et de subventions publics sur les objectifs de l'Accord de Paris.
Le deuxième enjeu est celui de la donnée extra-financière. Il y a là un véritable sujet de souveraineté pour la France et l'Europe. Il est indispensable de pouvoir comparer les données afin de les rendre plus lisibles. Elles doivent être accessibles à un coût raisonnable. Il faut également en protéger l'hébergement et l'utilisation, afin de rester un marché compétitif. La mise en place de bases de données publiques s'organise à l'échelle européenne. Pour donner un exemple de ce qui se fait, nous avons mis en place un observatoire de la finance durable, avec comme première thématique la sortie du charbon. Il permet de présenter de façon claire les engagements des acteurs et de proposer des données sectorielles comparables pour mesurer les progrès et les avancées.
Mon dernier point concerne la finance à impact. Il faut passer de la responsabilité à l'impact, qui cherche à créer des effets positifs dans l'économie réelle et la société. La finance dite « à impact » reste un marché de niche, centré autour de l'économie sociale et solidaire. Elle doit permettre de transformer la finance dans son ensemble. Pour répondre aux aspirations des citoyens, il faut du concret. L'objectif, c'est la transition juste. Dans ce cadre, nous avons lancé la construction de la « maison de l'impact » au sein de la place de Paris, en collaboration avec Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. L'ambition est de fédérer tous les acteurs de la place autour de cet enjeu et de porter cette voix singulière à l'échelle européenne et internationale. Plusieurs groupes de travail ont été mis en place pour s'entendre sur les définitions, la méthodologie et produire des recommandations visant à développer l'activité.