Je suis ravie d'être parmi vous. Je représente l'Institut de l'économie pour le climat, que vous connaissez peut être en raison de ses travaux relatifs à la construction d'un budget vert. Notre institut est un « think tank » qui mène des réflexions sur la façon de mettre l'économie au service du climat, ainsi que sur l'intégration des questions climatiques dans l'activité des institutions financières, et également dans le cadre fixé par la réglementation financière.
Les interventions précédentes ont souligné des expériences intéressantes, telles que les émissions d'obligations vertes souveraines, mais ces sujets restent des sujets de niches. Or, cette approche n'est pas suffisante face aux grands défis posés par le changement climatique. Comment pouvons-nous élargir le champ de cette analyse ? À mon sens, le budget vert peut fournir un exemple pour transformer l'ensemble du secteur financier face aux défis du changement climatique. Dans cette perspective, il ne suffit pas de regarder uniquement les activités dites « vertes », mais l'ensemble des activités du secteur financier, les catégoriser et les rendre compatibles avec les défis auxquels nous faisons face. Cette approche est valable pour le climat, mais elle peut être étendue aux défis plus globaux du développement durable. En somme, la question climatique ne représente qu'une partie de la problématique qui nous occupe.
Un rapport récent de notre institut, publié par Julie Evain et Michel Cardona, a analysé en détails les principaux obstacles au financement de la transition énergétique et les marges de manoeuvre de la réglementation financière afin de donner au secteur financier des incitations nécessaires pour l'aider à se transformer. En effet, ce secteur d'activité comprend des mécanismes désincitatifs, en particulier en matière de gestion des risques, qui visent à répliquer l'économie actuelle plutôt qu'à la transformer. Le rapport rappelle que les enjeux varient selon les entreprises, leur positionnement sur la question de la transition énergétique, leur taille, le secteur d'activité et la localisation. S'il n'y a pas de solution miracle, trois grands leviers d'actions peuvent être évoqués. Premièrement, la compréhension du financement de la transition énergétique avec les acteurs financiers reste limitée. L'expertise en la matière n'est pas assez généralisée. Deuxièmement, l'investissement dans une perspective de long terme doit être davantage encouragé. Enfin, il faut inciter les acteurs financiers à s'intéresser à des projets qui ne sont pas considérés comme étant suffisamment rentables. Le rapport comprend une liste de recommandations des approches qu'on pourrait mettre en oeuvre pour que la France se positionne comme pionnière en la matière.
Certes, sur certains sujets, la France ne peut pas agir seule car ils relèvent des compétences de l'Union européenne. En revanche, il est possible de progresser seuls sur la question de la formation des acteurs financiers. Plusieurs initiatives ont été mises en place, notamment le programme « finance climat », mis en oeuvre par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et financé par la Commission européenne.
Sur la question du court-termisme des acteurs financiers, au détriment des investissements de long-terme, les travaux menés suggèrent que la politique de rémunération pourrait être un levier d'action pour modifier ce biais.
La question de la mobilisation de l'épargne des particuliers, sujet qui intéresse votre commission, est également importante. Au-delà des solutions de facilité, telles que la labellisation de fonds, la question est celle de la prise de risque : est-ce à l'épargnant de l'assumer ? Selon moi, ce n'est pas à lui de prendre ce risque, car la transition énergétique est nécessairement risquée par nature. À l'échelle de chaque épargnant, ce risque serait très élevé. Le rôle de l'État doit être interrogé pour répartir équitablement cette prise de risque entre l'ensemble des acteurs.