Intervention de Anuschka Hilke

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 mai 2021 à 10h05
« finance durable » — Audition de M. Thierry Déau président de finance for tomorrow Mme Anuschka Hilke directrice du programme « institutions financières » de l'institute for climate economics i4ce M. Anthony Requin directeur général de l'agence france trésor et Mme Laurence Scialom professeure d'économie de l'université paris nanterre

Anuschka Hilke, directrice du programme « institutions financières » de l'Institute for climate economics (I4CE) :

À travers son étude « Finance fit for Paris », I4CE avait fait un état des lieux de l'environnement réglementaire en France. La question est de savoir si la situation s'était améliorée depuis. Nous n'avons pas actualisé cet exercice. Nous pouvons néanmoins considérer qu'il y a probablement eu certaines avancées notables. On peut citer notamment le premier exercice pilote de stress test climat de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Il y a eu des avancées mais nous sommes toujours loin d'avoir une vision globale. L'exercice pilote de stress test était très intéressant quand bien même il n'avait pas d'impact direct sur les besoins en capitaux des banques. C'était un véritable exercice pédagogique pour pousser les réflexions relatives au climat au-delà des seules directions consacrées à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ou à la communication.

Il faut désormais utiliser la réglementation prudentielle pour obliger les institutions financières à avoir des stratégies compatibles avec les objectifs climatiques. Il faut un objectif climat contraignant. Si une stratégie d'alignement avec les objectifs climatiques ne va pas régler la question des risques financiers à court terme, elle sera utile, à plus long terme, pour éviter d'accroître les risques futurs. La réglementation prudentielle bancaire pourrait donc être utilisée en ce sens plutôt que le second pilier.

Il y a beaucoup de réflexions autour du premier pilier. L'idée d'une taxonomie brune est notamment discutée dans ce cadre. Nous ne sommes pas très favorables à ce type d'instruments car il pourrait avoir des effets négatifs sur la résilience des institutions bancaires. Nous préférons réfléchir, dans le cadre du second pilier, à intégrer directement ces questions dans les systèmes de gestion du risque des institutions financières. Par ailleurs, si elle pourrait tout de même présenter quelques avantages, une taxonomie brune serait beaucoup plus difficile à négocier qu'une taxonomie verte car les intérêts sont forts et les ajustements nécessaires qui en résulteraient pourraient se révéler brutaux. Ce qui nous paraît plus important et plus facile à mettre en place, c'est une taxonomie de transition au niveau de l'entreprise et non pas au niveau de l'activité. Nous avons besoin de transformer l'entreprise dans sa globalité et pas seulement telle ou telle activité. Il est nécessaire que la stratégie de l'entreprise dans son ensemble soit réellement compatible avec les objectifs climatiques.

Je ne suis pas du tout convaincue que les produits d'épargne durables soient aujourd'hui suffisants. Il y a un déficit de lisibilité pour les épargnants qui ne comprennent pas les stratégies utilisées derrière ces produits. Par exemple ils ne comprennent pas pourquoi ces produits contribuent à financer l'entreprise Total alors que ce sont des instruments durables. Il est nécessaire de concevoir des produits plus lisibles pour les épargnants et potentiellement plus risqués. La question se pose alors de savoir qui assume ce surcoût de risque ? Une partie du risque devrait peut-être être assumée par l'État pour permettre de lever davantage de fonds pour de véritables produits de transition.

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