Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, demain matin, la réouverture des terrasses symbolisera le retour progressif à la vie normale. Ce retour est attendu depuis longtemps, alors que depuis près d’un an et demi une crise sanitaire sans précédent a bouleversé la vie de chacun.
C’est donc un moment de joie que nous allons vivre. Ne boudons pas notre plaisir de voir la vie peu à peu reprendre ses droits ! Restons en même temps pragmatiques, lucides et responsables, car, pour citer Jacques Prévert, « on reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va ».
Le projet de loi de sortie de crise sanitaire n’est certes pas un point de bascule. Il ne marque pas une rupture nette entre les contraintes qu’impose l’épidémie et le retour à la vie d’avant. Il fixe une destination vers laquelle il nous tarde d’arriver, et ce depuis longtemps.
Ce projet de loi dessine des perspectives sur le long terme. Il installe, de manière progressive, les conditions d’un déconfinement sûr, efficace et durable.
Notre objectif commun – il est évidemment partagé par tous –, c’est de sortir une bonne fois pour toutes de cette crise sanitaire. Nous avons tous conscience de la lassitude des Français. Elle est tout à fait légitime après plus d’un an d’une crise sanitaire qui a exigé de chacun tant de sacrifices. Cette lassitude, vous la partagez et je la partage, parce que l’on ne renonce pas de gaieté de cœur à toutes les choses qui font le charme de notre mode de vie.
Imaginez, il y a un an et demi, si l’on nous avait dit qu’un jour prendre un café en terrasse aurait des airs de liberté retrouvée ! Pourtant ce que nous avons vécu n’est ni un mauvais rêve, ni une illusion d’optique, ni un roman dystopique.
Tous ensemble, depuis le premier jour, nous avons cherché le juste équilibre pour que l’épidémie ne balaye pas nos valeurs les plus fondamentales. Le juste équilibre, ce n’est pas un équilibre parfait, ce n’est pas la décision unanime qui n’existe pas en démocratie ; le juste équilibre, c’est celui de l’intérêt général et c’est notre mission collective.
L’état d’urgence sanitaire n’a pas été une fantaisie. Il n’a pas été un excès de zèle ou de prudence, comme je l’ai souvent entendu dire. Il a permis de donner un cadre juridique et démocratique à des décisions sans précédent qui se sont toujours appuyées sur les données de la science, sur notre connaissance du virus et sur nos moyens de lutte contre celui-ci, avec pour seule boussole de protéger la santé des Français. L’état d’urgence sanitaire a surtout permis de contenir autant que possible la propagation d’un virus qui a déjà tué plus de 100 000 de nos concitoyens.
Qu’en est-il aujourd’hui et que devons-nous faire ?
Le virus est toujours présent : il faudrait être naïf ou manquer de mémoire pour croire à un retour immédiat à la vie d’avant. La tension hospitalière reste forte dans de nombreux territoires métropolitains et ultramarins. La tendance est certes favorable, mais, à l’heure où je vous parle, tous les leviers restent mobilisés pour permettre aux régions de répondre aux besoins des établissements de santé, notamment face au risque du maintien d’un plateau haut.
Le projet de loi que nous examinons tient compte d’une tendance favorable. Cependant, s’il crée un régime de sortie de crise sanitaire, c’est pour que le retour à la vie normale soit non pas un slogan, mais un projet sérieux, raisonnable et réaliste.
L’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est à mon sens un bon équilibre. Le calendrier proposé repose sur une sortie de l’état d’urgence sanitaire dès le 2 juin prochain. Cette sortie ne sera pas sèche, elle sera progressive et elle prendra fin le 30 septembre prochain. Autrement dit, nous ne confondons pas vitesse et précipitation : nous avançons avec un optimisme à la fois raisonnable et prudent.
Aller dans le bon sens et choisir la bonne direction, éviter les accélérations trop brutales et les sorties de route, telle est la seule ambition de ce projet de loi. Si nous souhaitons conserver le couvre-feu pendant quelques semaines encore, c’est pour permettre cette sortie adoucie du régime d’état d’urgence, au regard de la situation épidémique qui n’est pas la même qu’à l’été 2020.
Ce texte tire également les leçons de l’expérience. Depuis plus d’un an, nous savons que la circulation du virus n’est pas la même d’un territoire à un autre, ce qui a d’ailleurs justifié que nous prenions des mesures territorialisées à de nombreuses reprises, et vous y avez toujours été très sensibles.
Les travaux en commission ont révélé certains désaccords sur la possibilité de renforcer les mesures sanitaires sur une petite fraction du territoire, pour une durée initiale de deux mois, avant d’avoir à solliciter une prorogation par la loi.
Je voudrais convaincre les sénatrices et les sénateurs présents de l’intérêt de ce dispositif, qui ne doit pas être négligé, parce qu’il est indispensable de garder à notre disposition des outils permettant de juguler une reprise épidémique, en concertation étroite avec les élus locaux, avec les services déconcentrés de l’État, sous le contrôle du juge des référés, au besoin, dans les quarante-huit heures, et en tenant évidemment dûment informées les assemblées, sans qu’il soit nécessaire de les amener à légiférer, au cœur de l’été, pour cela.
Ce dispositif est un sas de sécurité et une protection indispensable prévue pour une courte durée, soit deux mois tout juste, du 1er juillet au 31 août prochains.
Cette crise a prouvé l’efficacité et la pertinence des mesures territoriales. Il faut tirer profit de ce que nous avons appris et nous souvenir de ce qui a bien fonctionné. On ne peut pas, d’un côté, critiquer le centralisme étatique, et, de l’autre, s’opposer à des mesures qui tiennent compte de la situation de chaque territoire, en donnant toute leur place aux responsables locaux. C’est un enjeu de cohérence et d’efficacité sanitaire.
Par ailleurs, et vous êtes nombreux à y tenir, ce texte permet de verser les données pseudonymisées des systèmes d’information dédiés à la lutte contre le covid au sein du système national des données de santé. Celles-ci pourront ainsi être conservées après la fin de la crise sanitaire, mais uniquement à des fins de recherche et dans le respect de toutes les garanties que les droits européen et national prévoient, sans qu’il soit nécessaire d’alourdir les règles applicables, au risque de renforcer leur complexité et leur obscurité plutôt que la protection concrète de nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la campagne vaccinale progresse, et avec elle nos espoirs grandissent. Comme vous le savez, plus de 20 millions de Français ont reçu au moins une injection. Je crois que nous pouvons collectivement nous en féliciter, et surtout féliciter les quelque 150 000 professionnels de santé, pompiers, élus et agents des collectivités locales, des agences régionales de santé (ARS) et de l’assurance maladie, qui sont mobilisés au quotidien, semaine et week-end, et parfois même la nuit.
De nouvelles questions se posent et je n’esquiverai pas celle du pass sanitaire, qui recouvre non seulement des enjeux de santé publique, mais aussi, plus profondément, je crois, des enjeux de solidarité.
En effet, cette épidémie a prouvé, si besoin était, que la santé de chacun était indissociable de celle de tous. Se protéger, protéger les siens, protéger toutes celles et tous ceux que l’on croise de manière anonyme, c’est indispensable.
Il est donc justifié de soumettre l’entrée sur le territoire, l’accès à certains événements ou la possibilité d’effectuer des déplacements sur de longues distances à un test, comme c’est déjà le cas. Il l’est tout autant d’exiger, désormais, aussi, une attestation de vaccination ou de rétablissement du covid.
Faire cela, c’est profiter des progrès que nous avons réalisés en matière de tests et de vaccination, pour autoriser davantage d’activités, notamment la tenue d’événements sportifs et culturels. Si nous ne le faisions pas, nous prendrions le risque de prolonger encore les fermetures ou les restrictions.
En revanche, ce dispositif ne sera évidemment pas étendu aux activités du quotidien.
Le projet de loi que nous examinons tient compte de la situation économique du pays. Depuis plus d’un an, l’État a prouvé qu’il était capable d’accompagner les entreprises. Des dispositifs d’aides ont été mis en œuvre, qui sont parmi les plus favorables d’Europe. Des plans spécifiques ont été amplifiés dans certains secteurs.
Le Gouvernement souhaite que les mesures de soutien s’appliquent jusqu’au 30 septembre 2021, pour permettre à chacun de reprendre ses marques et de repartir du bon pied, pour limiter les conséquences de la crise sanitaire et pour soutenir la reprise progressive de l’activité.
S’il est une chose qui ne s’est pas arrêtée pendant cette épidémie, c’est la vie démocratique. Le débat que nous tenons l’illustre une fois encore, et le fait que ce projet de loi soit le huitième consacré à l’état d’urgence sanitaire le démontre.
La vie démocratique est indissociable des rendez-vous électoraux : au mois de juin prochain doivent se tenir les élections régionales et départementales. Ce projet de loi permet de sécuriser tant la campagne que le scrutin proprement dit durant les deux journées consacrées au vote.
Ce texte de sortie de crise sanitaire, applicable à compter du 2 juin et jusqu’au 30 septembre 2021, est la condition d’un optimisme raisonnable. Chacune de ses lignes tient compte de la persistance du virus, chacune de ses lignes tient compte du rapport de force toujours évolutif dans le combat que nous menons contre lui.
Nous ne sommes pas d’accord sur tout et nous sommes là précisément pour en débattre. Je sais pourtant que nous arriverons à nous rejoindre sur l’essentiel, à savoir la santé des Français et la victoire définitive dans un combat que nous menons collectivement depuis bientôt un an et demi.
Le projet que nous construisons de sortir une bonne fois pour toutes de la crise sanitaire, exige que nous posions des jalons et que nous trouvions ensemble les conditions par lesquelles la vie pourra redevenir ce qu’elle était. C’est à ce prix, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’aurai plus besoin de venir au Sénat pour débattre d’autres textes portant urgence sanitaire.
Voilà ce que je vous propose dans ce texte et je sais que vous serez là pour en débattre, ce dont je me réjouis.