Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi promet la sortie, dès le mois de juin, de l’état d’urgence sanitaire, ce régime juridique exorbitant du droit commun, facteur de restrictions de libertés comme les Françaises et les Français n’en ont jamais vécues.
Comme des millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, nous estimons que les libertés publiques et individuelles, sous cloche depuis trop longtemps, doivent être déconfinées, notamment celle d’aller et venir.
Hélas, d’une gestion de sortie de crise, ce projet de loi n’a que le nom, et de nombreuses interrogations et inquiétudes nous animent encore aujourd’hui. Il en est ainsi des pleins pouvoirs que s’est octroyés l’exécutif dans la gestion de cette crise et dans le processus décisionnel qu’il a choisi de mettre en œuvre, du conseil scientifique au conseil de défense, rendu plus puissant que le conseil des ministres, et mettant au ban le Parlement, qui est réduit, comme nous le dénonçons régulièrement sous ce quinquennat, au rôle dégradé et dégradant de chambre d’enregistrement.
Ce texte l’illustre une fois encore. S’il est nécessaire que le Gouvernement passe pour la huitième fois devant le Parlement, avec sa copie censée ouvrir la voie à la sortie d’un régime d’exception, nous pouvons présumer qu’il ne s’agit pas de la dernière fois, et je pense ne pas beaucoup me tromper, pour peu que je me fie à la lecture de l’amendement n° 53 que vous avez déposé à l’article 4, monsieur le ministre.
Tout d’abord, il s’agit, factuellement, d’un nouveau régime transitoire et non pas d’un régime de sortie de crise. Le Gouvernement demande le blanc-seing du Parlement afin d’agir dans les mois à venir comme bon lui semblera ; il s’offre même le loisir d’esquiver un nouveau passage devant la représentation nationale, en se donnant la possibilité de décréter un nouvel état d’urgence sanitaire territorialisé pour deux mois. Un simple rapport présenté au Parlement entre les deux mois viendrait remplacer la possibilité pour les membres de celui-ci d’exprimer leur vote.
Tout en prorogeant de nombreuses dispositions issues d’ordonnances déjà prises et entrées en application, ce texte reprend toutes les mesures qu’avait introduites la première loi instaurant un régime transitoire. Celles-ci correspondaient finalement aux dispositions permises par l’état d’urgence sanitaire sans les restrictions d’aller et venir.
Or, cette fois-ci, ces dernières restrictions sont incluses dans le texte, et le couvre-feu, prolongé jusqu’à la fin du mois de juin prochain, vient agrémenter le dispositif.
Nous nous y opposerons, comme nous nous opposons depuis le début de la crise à cette manière d’infantiliser les Français, de les tenir pour responsables de la situation, en quelque sorte de les sommer, à chaque expression télévisée, de bien obéir aux consignes édictées, sous peine de se voir de nouveau privés de libertés et d’être un peu plus restreints dans leurs droits.
Restreints, ils le seront, d’ailleurs, encore davantage, comme l’indique ce texte qui prévoit de nouvelles mesures antisociales, telles que la possibilité d’imposer une prise de congés d’une durée que le Gouvernement souhaitait faire passer de six à huit jours. Cette mesure a été supprimée par la commission des lois, mais nous pouvons craindre qu’elle ne soit réintroduite en commission mixte paritaire.
Sous prétexte qu’un grand nombre de salariés souhaitent partir en vacances au moment précis où l’activité économique redémarre, le Gouvernement veut leur imposer à tous de rester au travail. Alors qu’ils ont pourtant été les premiers à être pénalisés par les conséquences de la crise sanitaire, qu’il s’agisse du confinement, du télétravail imposé depuis un an, de l’école à la maison et du travail en première ligne sans masque ni vaccin, les salariés ne pourraient pas décider de leurs dates de congés ! Une fois encore, la situation sanitaire sert de prétexte au Gouvernement pour s’attaquer aux droits des salariés, en autorisant les employeurs à leur imposer leurs congés.
Pendant ce temps, les entreprises peuvent licencier et augmenter les dividendes versés aux actionnaires, tout en bénéficiant des aides publiques, puisqu’elles ont reçu 200 milliards d’euros, depuis un an, sans aucune contrepartie. On entretient ainsi une certaine idée du sens de l’histoire et de la progression sociale à rebours.
En revanche, la marche vers une société de surveillance généralisée est bien enclenchée et s’accélère sans que rien semble pouvoir l’arrêter.
L’instauration d’un pass sanitaire sur le territoire national suscite de nombreuses interrogations, bien que nous soyons comme des milliers de nos concitoyennes et concitoyens des êtres responsables et solidaires. TousAntiCovid nous fichera donc désormais, qu’on le veuille ou non, que l’on soit sain ou pas, comme admis ou exclu, autorisé ou rejeté de tel ou tel grand événement rassemblant plus de 1 000 personnes.
Ce seuil ne pourrait-il pas être réduit à l’avenir et la liste, qui se limite aujourd’hui à des rassemblements festifs, ne risque-t-elle pas d’être étendue ? Nous ne pouvons que le craindre.