Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 18 mai 2021 à 14h30
Gestion de la sortie de crise sanitaire — Discussion générale

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour un énième débat sur l’état d’urgence sanitaire. Dans ce domaine, quels qu’aient été nos désaccords et nos divergences, quelles qu’aient été les contestations que les méthodes du Gouvernement aient pu nous inspirer, nous avons toujours considéré au Sénat que notre devoir était d’être aux côtés des Français pour faire en sorte que les décisions du Gouvernement soient aussi adaptées que possible à la crise qui s’est abattue sur notre pays.

Ce que vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, est un peu différent des nombreux cas de figure que vous nous avez présentés au fil des derniers mois. Il s’agit en partie d’une répétition du texte qui nous avait été soumis l’été dernier, c’est-à-dire l’instauration d’un régime transitoire de sortie de l’état d’urgence, un régime qui n’est ni un état d’urgence ni le droit commun.

Ce texte est en fait un trompe-l’œil ; plusieurs orateurs l’ont déjà relevé. Il l’est d’abord – je veux le souligner encore – parce que tout a été annoncé. Les Français croient que la loi est déjà en vigueur, ils croient que les étapes du déconfinement auront lieu à telle date puis à telle autre, ils croient que le pass sanitaire sera en place dans les établissements de plus de 1 000 personnes, alors que rien de cela n’a été voté et que tout n’est pas exact.

C’est aussi un trompe-l’œil parce que le Premier ministre va conserver des prérogatives considérables. Le texte déposé au Sénat contenait des restrictions de circulation, des interdictions de rassemblement, des fermetures d’établissements recevant du public jusqu’au 30 septembre. Une confusion certaine y était entretenue quant au couvre-feu : dans un même article, deux alinéas indiquaient des horaires différents ! Cela montre bien, comme l’a relevé notre rapporteur tout à l’heure, la précipitation et, parfois, l’approximation dont ont fait montre le Gouvernement et l’Assemblée nationale.

Il y a ensuite le fameux pass sanitaire, sur lequel reviendra ma collègue Sylvie Robert, qui est d’ailleurs commissaire de la CNIL, tout comme Loïc Hervé.

Finalement, quelles différences y a-t-il entre ce qui était proposé dans le texte transmis au Sénat par l’Assemblée nationale et l’état d’urgence sanitaire ? Je n’en vois qu’une : l’impossibilité à venir de prononcer un confinement généralisé, alors même que le Gouvernement peut le faire par un simple décret.

Vous proposiez même d’aller plus loin, monsieur le ministre, en se passant de l’avis du Parlement durant l’été, sans doute pour préserver ce que vous pensez être de longues semaines de désarroi des parlementaires. Sur ce point, nous allons vous rassurer : la commission des lois va proposer que nous puissions statuer plus rapidement lorsque ce serait nécessaire.

Notre groupe a toujours proposé des solutions pour mieux encadrer les restrictions apportées aux libertés publiques. En effet, si la situation est grave, le droit commun est protecteur et le droit d’exception problématique. Certes, les Français ont envie de reprendre une vie plus normale, mais acceptent-ils avec facilité les entraves considérables imposées depuis plus d’un an à leurs libertés, notamment à la liberté d’aller et venir ? Je ne le crois pas : ils les ont acceptées, comme nous, parce qu’ils n’avaient pas le choix. Nous avons, tous ensemble, fait des efforts, mais il est d’autant plus difficile d’accepter que vous dénommiez désormais ces mêmes efforts « sortie de l’état d’urgence sanitaire ».

Nous continuons donc de vous demander, monsieur le ministre, comme nous le faisons depuis un an, de vous appuyer sur les élus, qui ont tout de même montré, jusque dans la phase vaccinale, l’utilité de leur présence, et nous vous faisons des propositions.

Sur ce point, la commission des lois a trouvé – ce n’est pas la première fois ! – des points de convergence avec nos propositions. Peut-être serait-il plus courtois de dire que nous avons trouvé des points de convergence avec son rapporteur. §En tout cas, une convergence politique s’est trouvée sur la préservation des libertés publiques et, par exemple, sur la limitation de la durée de ce régime dit « de sortie de l’état d’urgence » au 15 septembre. Certaines garanties supplémentaires ont également été apportées par la commission sur le pass sanitaire ; elle a également interdit de se préoccuper de manière intrusive de la façon d’occuper les lieux d’habitation et a introduit des mesures de protection des données personnelles.

Certains de nos amendements ont été adoptés en commission, par exemple la suppression de l’activation de l’état d’urgence territorialisé pour deux mois sans consultation du Parlement, la suppression du relèvement de six à huit jours du nombre de jours de congé pouvant être imposés aux salariés, ou encore l’obligation pour le service public audiovisuel de mener des débats électoraux.

Toutefois, le texte issu des travaux de la commission n’est toujours pas satisfaisant à nos yeux, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il prévoit la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 30 juin plutôt que jusqu’au 2 juin : en sortant de cet hémicycle, nous allons dire aux Français que les sénateurs souhaitent prolonger l’état d’urgence d’un mois, ce qui est très contradictoire avec la démarche que nous voulons adopter. Nous proposerons donc la suppression de cette disposition.

Nous nous opposerons également à la possibilité offerte au préfet de s’opposer au lieu de quarantaine choisi. Nous proposerons l’anonymisation des données personnelles et nous défendrons les droits sociaux qui ont été préservés pendant cette période, notamment au travers de la prolongation de la trêve hivernale.

Enfin, sur les élections, notre groupe fera plusieurs propositions. Elles n’ont pas encore recueilli l’assentiment de la commission des lois, mais nous gardons espoir !

C’est évidemment sur le pass sanitaire que nous serons les plus vigilants et les plus exigeants. Les modifications apportées par la commission ne sont pas suffisantes, comme vous l’expliquera Sylvie Robert.

Nous proposerons donc au Sénat des modifications importantes, voire essentielles, de ce texte. Nous ne doutons pas que vous les écouterez avec intérêt. C’est en fonction des positions adoptées par notre assemblée sur nos exigences, notamment en matière de pass sanitaire, que nous déterminerons notre vote sur l’ensemble, car nous ne considérons pas qu’il faille donner par principe donner un blanc-seing au Gouvernement dans cette affaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion