Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le célèbre mot de Churchill à propos de la démocratie pourrait être parfaitement transposable au pass sanitaire : celui-ci est un mauvais système, mais il est peut-être le moins mauvais de tous, s’il s’agit de concilier notre aspiration unanime à retrouver davantage de libertés avec la prise en compte des impératifs sanitaires.
En ce sens, il revient à se confronter à la dialectique permanente entre responsabilité et liberté, sans tomber dans l’écueil du manichéisme.
Ainsi, le caractère a priori nécessaire, mais exceptionnel, du pass sanitaire, lequel s’inscrit aussi dans une perspective européenne, ne signifie aucunement que le Parlement doive accorder son blanc-seing au Gouvernement sur ses modalités de mise en œuvre.
La fin ne justifie pas les moyens, surtout au regard de son caractère inédit et attentatoire aux libertés publiques et du risque de rupture d’égalité. Comme le relève l’avis du conseil scientifique, les conditions de son application conditionnent son acceptabilité et, partant, le soutien ou le rejet de notre groupe politique.
En urgence, c’est vrai, la CNIL s’est prononcée la semaine dernière sur le pass sanitaire. En tant que commissaire, avec mon collègue Loïc Hervé, je puis vous dire que nous en avons largement débattu. La CNIL est claire : parmi ses nombreuses réserves, elle demande que la loi soit précisée et que des garanties supplémentaires soient apportées.
Aussi, la commission des lois a commencé à encadrer le dispositif et, dans son prolongement, nous souhaiterons aller plus loin : d’une part, en inscrivant dans la loi la jauge à partir de laquelle le pass sanitaire sera requis – fixée à 1 000 personnes à l’intérieur et à 5 000 en extérieur –, l’objectif étant bien sûr d’exclure explicitement les activités dites « du quotidien » – il s’agit de l’une des recommandations de la CNIL ; d’autre part, en plus des garanties apportées en commission en matière de protection des données personnelles, en évaluant le pass sanitaire, qui constitue une forme d’expérimentation, sera indispensable.
Vous l’aurez compris, comme les professionnels des secteurs à l’arrêt depuis plus d’un an maintenant – je pense singulièrement au monde culturel, au monde sportif, mais aussi au monde de l’événementiel –, nous attendons des précisions et nous demandons un encadrement législatif vigoureux de ce pass sanitaire.
N’oublions pas non plus que la traduction opérationnelle de ce dispositif interroge fortement, en particulier les organisateurs des événements.
Les lourdes contraintes menacent leur tenue, tandis que des problématiques concrètes sans réponse demeurent légion, par exemple la responsabilité en matière de vérification des justificatifs, le soutien logistique, les soutiens financiers, l’articulation : quelle cohérence d’ensemble avec d’autres impératifs, notamment sécuritaires ?
Vous savez, le risque de décourager et d’asphyxier ces organisateurs est réel. Aussi, il nous faut préciser le dispositif : le pass sanitaire ne peut être que transitoire, exceptionnel, le temps d’un été, car, souvenez-vous, comme disait Simone Weil : « La vérité, c’est […] que la liberté n’est précieuse qu’aux yeux de ceux qui la possèdent effectivement. »