Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 10 mai 2021 à 17h30
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

La bataille des mots n’est donc pas essentielle. Le débat sémantique – faut-il préférer « agit pour », « favorise », « préserve », « garantit » ? – serait le signe d’un grand débat politique : il est permis d’en douter. Ces quatre mots nous ont successivement déjà été proposés par le Président de la République et le Gouvernement depuis 2018. Le Gouvernement peut donc difficilement les qualifier de « conservateurs » en 2021. Relativisons donc la bataille des mots : que l’on retienne « garantit » ou « préserve » ne changera pas fondamentalement l’interprétation du Conseil constitutionnel.

Ce qui est un effet important pour lui, c’est non pas l’intensité plus ou moins marquée d’un verbe, mais les principes constitutionnels en présence : il vérifie qu’ils peuvent être conciliés avec des motifs d’intérêt général et qu’ils sont proportionnels à l’objectif visé. Telle est la mission du Conseil constitutionnel.

La protection de l’environnement occupe déjà dans le préambule de notre Constitution, cela a été indiqué, la plus haute place dans la hiérarchie de nos normes : la plus haute, certes, mais pas la seule, et c’est sur ce point que portera le débat.

Chers collègues, « préserve » offre certes une sécurité supplémentaire par rapport à « garantit » en diminuant l’incertitude juridique. Je serai assez mesuré sur les risques de judiciarisation accrue et de contentieux de masse dus à l’obligation de quasi-résultat. En revanche, je crains davantage l’insécurité, monsieur le garde des sceaux.

La règle veut en effet que le Conseil constitutionnel s’autorise à réexaminer, par le biais des questions prioritaires de constitutionnalité, en cas de changement des circonstances de droit, ce qui serait le cas, l’ensemble des dispositions législatives, même celles dont il aurait déjà approuvé la conformité. On créerait là une insécurité importante, qui, à mon sens, monsieur le garde des sceaux, irait très au-delà de la simple question de la charge de la preuve, à laquelle vous avez fait référence.

Par ailleurs, nous ne souhaitons pas de hiérarchie des normes constitutionnelles. Tel est le sens de l’amendement que nous avons déposé et que vous devriez approuver, monsieur le garde des sceaux.

Votre propos est explicite : « Le Gouvernement n’entend toutefois pas introduire d’échelle des valeurs entre les principes constitutionnels. » Si telle est bien votre conviction, l’article unique doit alors être rédigé comme nous vous le proposons. Si vous en restez à la rédaction issue de l’Assemblée nationale, vous introduisez un « rehaussement », pour reprendre le mot que vous avez employé. Dans votre propos liminaire, vous avez évoqué le renforcement du poids constitutionnel, mais aussi la notion de forces nouvelles.

Chers collègues, le droit est logique et il emprunte assez souvent à la géométrie. Si les principes constitutionnels sont sur la même ligne horizontale et sont de même valeur

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion