Je ne crois donc pas, monsieur le garde des sceaux, que vous souhaitiez le faire, mais vous devrez le faire, et ce pour une raison simple : c’est que le Conseil constitutionnel recherche l’effet utile d’une révision, en vertu du principe d’effectivité.
La rédaction de l’article unique adoptée par l’Assemblée nationale vise à permettre au Conseil constitutionnel de placer au-dessus des autres principes classiques, en particulier des principes de l’article 6 de la Charte de l’environnement, ce que vous avez appelé la « plus-value », monsieur le garde des sceaux.
Si nous sommes en désaccord avec la rédaction qui nous est proposée, c’est parce qu’elle entre en contradiction avec l’article 6 de la Charte, lequel repose sur une conciliation entre la préservation de l’environnement, le développement économique et le progrès social ou humain. Cette conciliation, nous y tenons.
Cette conciliation entre des principes d’un même niveau est au cœur de la décision politique, laquelle consiste à trouver un équilibre entre des considérations différentes, sur le fondement d’un bilan entre les avantages et les inconvénients. Vous connaissez bien cela, mes chers collègues ! Ne glissons donc pas d’un système de conciliation constitutionnel vers un système de hiérarchisation, dans lequel une norme écraserait les autres.
J’en viens à la défense de notre conception des droits dits « subjectifs ». Notre pays a une histoire, qui s’est incarnée, ciselée, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, laquelle protège dans son préambule « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme ». Cela signifie que, en France, nous protégeons les droits individuels, dits « subjectifs ». Telle est notre tradition.
Cette conception est aujourd’hui attaquée. Les pays d’Europe centrale, et ils ne sont pas les seuls, expliquent que les droits collectifs doivent primer les droits des personnes. Or la volonté de placer la protection de la nature au-dessus des droits humains, même si nous comprenons bien ce raisonnement, monsieur le garde des sceaux – il s’agit de protéger l’environnement pour préserver l’avenir des hommes – va à l’encontre de notre définition du droit. Je suis donc réservé sur ce point.
Finalement, l’amendement proposé par la majorité sénatoriale vise à prendre en compte l’attente sociétale qu’a exprimée la Convention citoyenne pour le climat, tout en empêchant l’établissement d’une hiérarchie des normes constitutionnelles et en préservant les droits subjectifs, auxquels nous accordons une grande importance. Il constitue donc une proposition équilibrée, réfléchie, argumentée, robuste.
À ceux qui nous écoutent, au-delà de notre hémicycle, je dirai simplement que l’amendement de la majorité sénatoriale n’est pas un prétexte et qu’il témoigne d’un dialogue sérieux entre les deux assemblées. Le groupe Union Centriste le soutiendra de façon quasi unanime.