Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, mardi, en première lecture, après plus de 200 heures de débat, les députés ont adopté le projet de loi Climat et résilience, avec 332 voix « pour ».
Près de 400 voix s’étaient déjà exprimées quelques semaines auparavant en faveur du texte constitutionnel dont nous allons débattre ce soir. Celui-ci vise à compléter par voie référendaire l’article 1er de la Constitution en y introduisant la préservation de l’environnement, la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique.
Ainsi, en moins de deux mois, il y a eu deux larges majorités. La première s’est constituée sur un texte qui fera entrer l’écologie dans notre quotidien, sans la réduire à des objectifs lointains ou lui faire revêtir une dimension punitive. La seconde concerne le renforcement de l’intégration juridique du volet environnemental. Elles ont pour visée principale d’obliger les pouvoirs publics nationaux et locaux à agir. Ces deux projets complémentaires, sur lesquels nous devons nous prononcer, ont un seul objectif, aussi nécessaire qu’ambitieux : agir plus vite et plus fort pour sauvegarder notre biodiversité, alors que nous assistons à une nouvelle extinction de masse des espèces animales et végétales.
J’évoquerai d’ailleurs un troisième pilier, financier celui-là, de la démarche politique résolue qui est la nôtre : le budget record supplémentaire de 30 milliards d’euros sur deux ans dédié à la transition écologique et rendu possible par l’adoption du plan de relance. Si la moitié du chemin vers un référendum a donc été faite à l’Assemblée nationale avec la majorité présidentielle et des élus du parti radical de gauche, des socialistes et même des communistes, la seconde, qu’il nous faut parcourir aujourd’hui, semble difficile.
Avec les sénateurs du groupe RDPI, nous le regrettons. Pourquoi ? Parce que la volonté du Gouvernement, nous la partageons. Il s’agit, en quelque sorte, de construire l’étage supérieur. Pour ce faire, il nous faut au préalable en bâtir la nouvelle fondation. La protection de l’environnement est un principe inscrit dans la Charte de l’environnement résultant de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Elle fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité. La jurisprudence cumulative a atteint son maximum de portée en début d’année dernière. Depuis lors, la protection de l’environnement constitue un objectif non plus simplement d’intérêt général, mais de valeur constitutionnelle. Elle se rapproche ainsi d’autres exigences constitutionnelles dans la conciliation et le contrôle du juge. Pourquoi ne pas franchir une nouvelle étape dans cette intégration par le droit sur les enjeux absolument essentiels et poser la question aux Françaises et aux Français ? Il n’est plus question de faire de la préservation de l’environnement un moment dédié ici ou là ! Cela doit irriguer toutes nos politiques.
À ce propos, je fais un aparté. Dans le cadre d’une mission confiée par le Premier ministre, je m’intéresse avec la députée Sophie Beaudouin-Hubiere à la commande publique comme levier social et environnemental. Et nous constatons la nécessité pour les acheteurs d’une sécurisation juridique lorsqu’ils souhaitent faire prévaloir ces dimensions dans leurs marchés. Je ferme cette parenthèse, que nous rouvrirons lors des discussions sur l’article 15 du projet de loi Climat et résilience, puis de la remise de notre rapport.
Mon collègue Thani Mohamed Soilihi a évoqué plus longuement les réactions face à la modification envisagée de l’article 1er. Vous iriez « trop loin », monsieur le garde des sceaux. La portée juridique serait « insuffisamment maîtrisée ». Elle viendrait « en surplomb » des autres principes. Elle empêcherait au final « toute possibilité d’action publique ». Mais, pour d’autres, vous n’iriez pas assez loin, puisque le Président de la République n’a pas donné suite à la proposition de modification du Préambule de la Constitution. S’il est tout à fait vrai qu’il faut toucher à la Constitution avec prudence, vous avez été clair en audition : il s’agit avant tout de défendre un véritable principe d’action pour les pouvoirs publics.
Le texte proposé est donc un point d’équilibre : un dispositif mieux-disant, plus efficace, à la hauteur des enjeux environnementaux, loin du monstre radical et contraire aux objectifs de progrès et de développement durable que l’on nous présente ici ou là.
Enfin, ne nous trompons pas : si nos débats aujourd’hui s’inscrivent dans le prolongement d’un exercice démocratique inédit de consultation, ils doivent surtout permettre de rendre possible un exercice de démocratie encore plus directe : la tenue d’un référendum. Le dernier remonte à seize ans. Il s’agit de faire en sorte que les Françaises et les Français répondent à la question suivante : « Pensez-vous qu’il nous faille aller plus loin ensemble ? »