Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 10 mai 2021 à 21h30
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Article unique, amendement 13

Éric Dupond-Moretti :

Et de talent, naturellement !

Pourquoi pas ? Pour autant, 150 citoyens qui se réunissent et disent un certain nombre de choses, il faut les entendre. Le Président de la République les a entendues et a repris ces mots. À qui les a-t-il proposés d’abord ? Naturellement à l’Assemblée nationale. Cette dernière a également fait un travail, d’essence purement démocratique.

Pardonnez-moi, mais l’Assemblée nationale compte dans ses rangs des juristes. M. Bas disait que personne n’avait le monopole de l’écologie. C’est vrai, mais personne non plus n’a le monopole de la perfection juridique ! D’ailleurs, Mme la sénatrice Boyer a souhaité d’autres mots que ceux que la commission a retenus. Cela fait partie du débat démocratique. Chacun vient ici avec ses mots, et vous-même, monsieur le sénateur Retailleau, aviez proposé, avec M. Bas, d’ailleurs, une modification de la Constitution qui tournait autour de la laïcité, et vous étiez attaché aux mots que vous proposiez. Il est donc bien normal que le Gouvernement soit attaché aux siens. Que voulez-vous que je vous dise de plus ?

J’en viens au fond. Je vais d’abord essayer de répondre aux amendements identiques n° 2, 3 et 5 rectifié, lesquels ont pour objet de remplacer l’article en débat par un autre projet, en réalité, avec l’emploi de la formule « préserve l’environnement ».

Je ne peux qu’être défavorable à ce projet s’il tend, comme je le crains, à vider de sa substance l’avancée proposée par la Convention citoyenne sur le climat.

Vous reprochez au Gouvernement de faire une réforme inutile, que vous qualifiez aussi de dangereuse, ce qui est un oxymore, d’une certaine façon.

Avec cette rédaction, vous risquez de priver de toute portée la révision constitutionnelle que nous entendons mener en la rendant purement symbolique. En effet, cela n’ajouterait rien à ce que prévoit déjà la Charte de l’environnement, hormis la notion de dérèglement climatique, que nous proposons nous-mêmes. Vous considérez que l’intérêt de votre rédaction est d’opérer un renvoi à la Charte de l’environnement, mais un tel renvoi existe déjà dans le préambule de notre Constitution.

Ces amendements, s’ils étaient adoptés, fragiliseraient le droit applicable en matière environnementale en affirmant que la France préserve l’environnement « dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement ». Vous semblez exclure toute autre norme, et en particulier le code de l’environnement : or les règles applicables en matière de protection de l’environnement ne sont pas toutes prévues dans la Charte.

À l’inverse, le projet du Gouvernement apporte une véritable plus-value au droit actuel grâce à l’emploi du verbe « garantir », qui a précisément pour vocation de renforcer les engagements de la France en matière environnementale. Il s’agit là d’introduire une véritable obligation d’action positive à la charge des pouvoirs publics. Ainsi, l’emploi de ce verbe revient à imposer à l’État, selon les termes mêmes de l’avis du Conseil d’État, une quasi-obligation de résultat à assurer la préservation de l’environnement, ou, si vous préférez, une obligation de moyens renforcée.

L’intensité de l’engagement ainsi créé pourrait être la source d’un élargissement de la responsabilité pour faute de l’État, mais c’est à ce prix que le renforcement de l’action des pouvoirs publics se concrétisera. C’est une exigence impérieuse au regard de la dégradation actuelle de la situation, que vous soulignez vous-mêmes.

Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut être, en l’état, que défavorable à ces amendements.

Puisque j’ai introduit mon propos en rassurant tout le monde sur le fait que la démocratie était bien présente dans le cadre de ces débats, je termine en précisant que la démocratie suivra son cours à travers la navette parlementaire, et, si nous ne sommes pas d’accord, nous nous plierons, monsieur le sénateur, aux aspirations du Parlement.

C’est vrai que c’est utile de lire le journal le dimanche. J’avais lu notamment que ce n’était pas la peine de venir ici. Je suis quand même venu, parce que je crois dans la démocratie, et je crois, comme je l’ai d’ailleurs déjà démontré, que l’on peut se rejoindre sur un certain nombre de textes, au-delà de ce qui peut nous séparer, grâce à un véritable travail constructif. Pour autant, je suis défavorable à ces trois amendements identiques.

Je suis également défavorable à l’amendement n° 13, présenté par M. Benarroche, qui veut intégrer le principe d’amélioration constante, aussi appelé principe de non- régression. Je me suis expliqué longuement déjà sur cette question.

Enfin, avec l’amendement n° 11, M. Kanner souhaite intégrer dans la Constitution la notion de « biens communs mondiaux ».

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