Cet article 38 du présent projet de loi vise, concrètement, à instituer une nouvelle autorité administrative indépendante appelée, selon les cas, Haute Autorité ou Autorité de la statistique publique. Ce dispositif a pourtant été remis en cause par les députés, qui ont préféré renforcer le rôle du Conseil national de l’information statistique.
À vrai dire, l’article 38 est présenté comme devant traduire dans notre droit français la logique qui préside aux pratiques statistiques des autres pays de l’Union européenne où, contrairement à la France, ce ne sont en général pas des organismes publics comme l’INSEE qui assurent l’essentiel de la production statistique.
Le grief que l’on semble d’ailleurs faire à l’INSEE serait de souffrir d’un manque d’indépendance au regard de la puissance publique, ce qui nuirait à la qualité de ses prestations.
Au contraire, nous pensons que c’est justement parce que l’INSEE et les services statistiques des ministères, administrations et institutions spécialisées sont publics qu’ils sont indépendants. L’action des services publics de statistique est en effet guidée par ces missions essentielles que sont la transmission et la diffusion au public d’informations objectives, documentées, qui sont une source utile de réflexion et d’action pour chacun. Au lieu de constituer un handicap, le caractère public de ces organismes apparaît au contraire comme un atout, qui est d’ailleurs validé par les études internationales comparant la qualité des appareils statistiques.
Ainsi, malgré l’absence de toute inscription formelle de l’indépendance des organismes de statistiques dans les textes juridiques, on a toujours considéré que l’indépendance était réalisée de façon satisfaisante en France. De plus, cela n’a pas empêché la statistique publique d’évoluer très profondément, et ce sans difficulté majeure, à l’exception de quelques tensions assez vives de temps en temps.
La comparaison avec d’autres pays doit d’ailleurs être regardée à la lumière de deux traits profondément originaux de la statistique française dans le paysage européen : premièrement, elle est la seule à disposer d’un système formalisé et effectif de concertation approfondie de ses programmes grâce au CNIS ; deuxièmement, elle est la seule où existe une forte tradition d’articulation entre production statistique et études économiques et sociales au sein même des principaux organismes statistiques.
Il est certes possible de débattre du contenu même de l’information statistique et, surtout, de son interprétation par l’usager. Mais, de la même manière que ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera tomber la fièvre, ce n’est pas en mettant l’INSEE, et la statistique publique en général, sous la coupe d’une énième autorité administrative indépendante, que l’on réglera les questions récurrentes que se pose naturellement l’opinion sur des sujets aussi sensibles que l’indice des prix à la consommation ou encore le chômage.
C’est donc au bénéfice de ces observations que le groupe CRC vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l’article 38, ne serait-ce que pour signifier clairement le rejet de toute mise en cause de la qualité de l’intervention du service public de la statistique.