Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, selon les spécialistes, environ 20 % de nos dispositions législatives seraient issues du droit de l’Union européenne. C’est très éloigné des 80 % que martèlent nombre d’eurosceptiques, mais cela n’en reste pas moins substantiel !
Certains secteurs de notre législation conservent une maîtrise essentiellement, voire exclusivement nationale ; je pense à l’éducation, au logement, à l’organisation du territoire, à la justice, à la police – c’est d’actualité ! – ou encore à la défense.
Mais il en est d’autres où l’Europe régule davantage, à l’image de ceux dont nous avons à discuter aujourd’hui, c’est-à-dire les transports, l’environnement ou l’économie.
La discussion n’a pas toujours été de tout repos ! J’ai encore en tête les débats soutenus qui ont émaillé nos échanges autour de l’ouverture à la concurrence de notre secteur ferroviaire. On pourrait y ajouter l’agriculture, qui n’est, certes, pas notre sujet cet après-midi, mais qui est néanmoins d’actualité avec les débats en cours au sein du Conseil de l’Union européenne sur la nouvelle politique agricole commune.
Le projet de loi qui nous est soumis est dense. Il contient quarante-deux articles, pour l’essentiel très techniques. Et pour cause ! Il s’agit pour notre gouvernement d’agir vite – notre pays a déjà été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises, voire condamné –, afin de ne pas apparaître comme un mauvais élève dans la perspective de la future présidence française, qui débutera en janvier 2022. Ce sera un moment historique, puisque nous exercerons la présidence pour la première fois depuis 2009 et le traité de Lisbonne. Il s’agit donc d’une responsabilité importante, qui astreint à l’exemplarité, et d’une occasion unique, qui nous ouvrira des perspectives, pour inscrire à l’agenda européen des sujets chers à nos yeux. La préservation de notre environnement et la lutte contre le changement climatique en font indéniablement partie et ne sont – fort heureusement ! – pas absents du présent projet de loi.
Le texte est donc composite, mais il est surtout ambitieux : il s’agit de transposer pas moins de douze directives et de quinze règlements européens.
L’exercice est complexe, fastidieux, mais nécessaire, afin de nous prémunir d’éventuels contentieux, toujours préjudiciables pour l’image d’un pays qui a compté parmi les fondateurs de l’Union européenne, et je ne parle pas du retard important qui a été pris pour la mise en conformité de notre droit. C’est en particulier le cas en matière de protection de l’environnement, avec les réglementations sur le mercure et les fluides frigorigènes, ou sur la préservation des espèces animales protégées : la France a reçu une mise en demeure pour non-respect de cette directive adoptée voilà près de trente ans, en 1992 !
Cette mise en conformité tardive fait malheureusement écho aux propos que je tenais ici même la semaine dernière, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle.
Gageons que ce projet de loi de transposition sera l’une des nombreuses pierres qu’il nous faudra assembler dans les prochaines années si nous souhaitons être dignes des engagements pris ici ou dans le cadre de l’accord de Paris.
Notre groupe défendra d’ailleurs un amendement visant à renforcer notre droit en matière d’évaluation des conséquences sur l’environnement de certains projets publics ou privés, dans la droite ligne de l’esprit de la directive de 2011 ou de la décision rendue le mois dernier par le Conseil d’État.
Au-delà de l’environnement, le texte contient des dispositions sensibles et décline des aménagements rendus impératifs par le Brexit, afin notamment de préserver les intérêts de nos entreprises, qu’il s’agisse de l’accompagnement des pêcheurs, durement touchés par la crise du coronavirus, ou de la préservation des intérêts de nos compagnies de transport maritime.
Saluons enfin le travail fourni par notre commission, saisie au fond sur trente et un des quarante-deux articles que comporte le texte.
Plusieurs modifications ont été apportées, avec l’objectif de renforcer encore les garanties de conformité de notre droit aux prescriptions de l’Union européenne, comme en matière de teneur en soufre des combustibles marins ou de droit de pause des travailleurs mineurs effectuant un stage à bord de navires, une disposition supprimée de notre droit par erreur en 2010.
Ayant à plusieurs reprises été rapporteur pour avis sur les crédits consacrés au transport routier lors de l’examen de projets de loi de finances, je suis également sensible au renforcement des prérogatives de l’Autorité de régulation des transports, grâce à un amendement adopté sur l’initiative de la commission à l’article 6.
Enfin, je me réjouis de l’ouverture aux collectivités territoriales de la possibilité d’obtenir une délégation de l’État pour l’organisation des lignes d’aménagement du territoire en direction d’autres pays membres de l’Union européenne. Cette préconisation est issue de la mission d’information du Sénat sur les transports aériens, dont notre ancienne collègue Josiane Costes était rapporteure.
La mise en conformité de notre droit avec les réglementations européennes est une obligation. Faisons en sorte qu’elle soit aussi une occasion d’aller plus loin et d’être plus efficace. Notre groupe se prononcera en faveur de ce texte.