Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 3 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Article 39

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

La décision de la Commission européenne de banaliser la distribution du livret A en France, pour mettre fin à la situation de monopole actuelle, a – dois-je le rappeler ? – fait l’objet d’un recours déposé le 23 juillet 2007 par l’État français. À ce jour, la décision de justice n’a toujours pas été rendue.

En fait, ce recours n’avait pour objet, du point de vue du Gouvernement, que de gagner du temps, ce dernier ayant renoncé, parallèlement, à défendre les spécificités de l’épargne réglementée des Français, tout en élaborant une réforme, dans l’urgence – d’ailleurs le projet de loi a été déclaré d’urgence –, d’un livret A dont l’histoire ancienne a marqué autant nos concitoyens que les vénérables institutions que sont La Poste, les Caisses d’épargne et le Crédit mutuel.

Le livret A, c’est l’épargne populaire. Mais le Gouvernement a saisi l’occasion qui lui était donnée pour mettre en œuvre, dans le domaine de l’épargne – il le fait d’ailleurs aussi dans d’autres domaines –, une politique de dérèglementation et de remise en cause d’un dispositif ancien, qui a pourtant fait ses preuves de service public et de solidarité.

Les mesures contenues dans l’article 39 du projet de loi de modernisation de l’économie vont bien plus loin que la simple généralisation de la distribution du livret A par les banques, car elles remettent en cause la centralisation complète des fonds collectés auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Or, rien ne justifie l’abandon de ce mécanisme de centralisation. En tout cas, l’Union européenne n’a pas demandé l’adoption d’une telle disposition.

Remettre en cause cet équilibre est dangereux pour l’avenir du financement du logement social, car rien ne garantit, à terme, un niveau de collecte suffisant. L’expérience de la transformation de l’ancien livret CODEVI en livret de développement durable le démontre.

En outre, aucune garantie réelle n’est apportée en ce qui concerne le renforcement ou, simplement, le maintien de l’accessibilité bancaire des plus démunis : seule la Banque Postale serait transformée en banque des plus fragiles, alors que les autres établissements bancaires n’auraient à assumer aucune véritable contrainte et pourraient choisir leur clientèle !

Enfin, le recours intenté par l’État français ne sera pas interrompu par l’adoption éventuelle du projet de loi. À moins que l’État ne retire ce recours, nous verrons alors comment la juridiction saisie jugera la législation française éventuellement modifiée !

La Commission européenne n’a rien demandé d’autre que de mettre fin au monopole de la distribution. Jamais elle n’a demandé de remettre en cause la centralisation des fonds collectés, ni la rémunération des opérateurs bancaires. Elle a même reproché au Gouvernement français de ne pas l’avoir associée à sa démarche et de passer par pertes et profits les services d’intérêt économique général, auxquels concourt le livret A, dans sa configuration actuelle.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de renoncer à remettre en cause le livret A et à tout ce qu’il permet, tout ce qu’il représente, tout ce qu’il signifie.

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