Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 3 juillet 2008 à 22h00
Modernisation de l'économie — Article 39, amendement 557

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Cet amendement s’inscrit dans l’objectif d’une loi de modernisation de l’économie et du respect de la concurrence non faussée ; je pense que vous y serez sensible.

L’appellation « livret A » est une marque déposée par la Caisse d’épargne en 1999, soit trente-trois ans après que le nom a été donné à ce produit d’épargne défiscalisé et bien connu du grand public. Depuis, La Poste – puis la Banque Postale – en ont obtenu le droit d’usage.

De fait, la Caisse d’épargne est donc la seule détentrice des droits sur cette appellation. C’est pourquoi les banques qui voudront proposer ce type de livrets devront développer leur propre appellation commerciale. C’est ce qu’a fait, en 1971, le Crédit Mutuel avec le livret bleu, qui, dans les textes, figure sous le nom de « compte spécial sur livret du Crédit Mutuel ».

Avec le texte que vous nous présentez, cette désignation législative disparaîtra au seul profit du livret A. Le rapport de notre collègue Marini précise : « Le paragraphe III […] porte ainsi nouvelle rédaction du 7° de l’article 157 du CGI pour tenir compte de la nouvelle désignation législative des différents livrets, livrets A et livrets bleu, désormais regroupés sous l’appellation livret A ». Comme dans le régime fiscal actuel, ces livrets continueront de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu pour leurs intérêts ; on l’espère, en tout cas. De même, il est prévu que, jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme, au 1er janvier 2009, les intérêts des comptes spéciaux sur livret du Crédit Mutuel – les livrets bleu – soient exonérés d’impôt sur le revenu. Après cette date, le Crédit Mutuel distribuera des livrets A, même si, en pratique, il sera libre de conserver l’appellation commerciale livret bleu.

Si, dans les textes, ce livret d’épargne sera visé par l’appellation livret A, à charge pour chaque groupe bancaire de créer et de faire connaître son propre nom commercial d’usage.

Cet amendement visant à réserver le droit d’usage du terme livret A aux deux distributeurs actuels éviterait toute distorsion de concurrence et tout effet de « passager clandestin ». La Caisse d’épargne a pris à sa seule charge de créer, de développer et d’investir dans la publicité en faveur du livret A. Elle a incontestablement consacré des moyens substantiels à promouvoir le livret A et lui a conféré ce que l’on peut appeler un « effet marque », en tout cas, une image de marque certaine ; c’est d’ailleurs ce qui suscite la convoitise des autres banques.

Madame la ministre, chers collègues, quel que soit le secteur d’activité, l’image d’une marque a toujours une valeur économique. C’est la raison pour laquelle on ne peut impunément se prévaloir des bulles d’une eau de source ou d’un modèle d’un couturier sans l’autorisation des marques concernées. Ce n’est pas parce que l’on fait une boisson pétillante à partir de cépages champenois et d’une méthode de vinification dite « champenoise » que l’on a le droit d’appeler cette boisson Champagne ! On pourrait ainsi multiplier les exemples.

Il est raisonnable de conserver à ceux qui ont construit une marque le bénéfice exclusif de l’utiliser. Un choix contraire remettrait en cause quelques fondements de la propriété industrielle et introduirait, l’air de rien, une incertitude pouvant se révéler majeure pour de nombreuses entreprises ayant développé des politiques de marque. Quelle sera leur sécurité juridique si demain Peugeot peut être autorisée à commercialiser des Kangoos ou des Clios ? Nous sommes dans un cas de figure identique.

De même, pour le livret A, on pourra parler de véritable institutionnalisation des comportements de passager clandestin si des établissements bancaires peuvent bénéficier de l’effet marque issu de dizaines d’années de promotion sans débourser un centime d’euro !

S’ils veulent distribuer le livret d’épargne réglementé, à eux de contractualiser avec la Caisse nationale des caisses d’épargne – comme l’a fait la Banque Postale – pour utiliser l’appellation livret A moyennant rémunération ou bien de développer leur propre ingéniérie de promotion en faveur d’un produit d’épargne ayant son intitulé spécifique.

Madame la ministre, chers collègues, l’amendement n° 557 est finalement un amendement de respect des logiques et identités économiques.

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