Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 3 juillet 2008 à 22h00
Modernisation de l'économie — Article 39

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler dans la discussion générale, ne pas exiger des autres banques les mêmes conditions d’accessibilité bancaire que celles imposées à la Banque Postale est une vision bien particulière de la banalisation. Si la banalisation est exigée par Mme la commissaire européenne, c’est pour remédier à ce qu’elle considère comme une distorsion de concurrence entre les banques pouvant commercialiser le livret A et les autres produits.

Chacun connaît la position du groupe socialiste sur cette décision : nous en contestons le bien-fondé, car le livret A n’est pas un produit financier comme les autres. Il correspond à un double service d’intérêt économique général : le financement du logement à loyer modéré et l’accessibilité bancaire. À ce titre, il ne devrait pas être soumis aux règles de concurrence qui s’imposent aux produits et services purement marchands.

Nous n’avons d’ailleurs eu de cesse de recommander l’attente de la décision de justice quant au recours déposé par la France devant la Cour de justice des Communautés européennes. Nous avons également œuvré pour que des associations nationales d’élus locaux déposent – elles l’ont fait ! – leur propre recours auprès de la justice européenne.

Néanmoins, maintenant que nous y sommes, en annonçant une uniformisation de la distribution du livret A, vous réalisez en fait une banalisation à géométrie variable. C’est pour le moins paradoxal !

L’objet du présent amendement est d’étendre la mission d’accessibilité bancaire à tous les établissements distributeurs du livret A. Ainsi, toute personne qui en fait la demande pourra bénéficier de l’ouverture d’un tel compte d’épargne dans l’établissement financier de son choix.

Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que cette disposition instituera l’obligation d’ouverture de compte pour le seul livret A, sans se substituer aux dispositions de la charte d’accessibilité bancaire pour les autres comptes ou produits bancaires.

Madame la ministre, nous réfutons, avant que vous ne nous répondiez la même chose qu’à l’Assemblée nationale, votre argument selon lequel déjà aujourd’hui seule la Banque Postale est tenue d’accepter toute demande d’ouverture d’un livret. C’est effectivement la situation actuelle, mais ce n’est pas l’esprit du livret A, outil premier de l’accessibilité bancaire. Ce n’est pas non plus l’objet de votre réforme : vous ne cessez en effet de la justifier par la volonté d’offrir la possibilité d’ouvrir un livret A à un maximum de nos concitoyens. Eh bien, allez au bout de votre logique et permettez qu’il soit accessible à tous ! Pour cela, il est indispensable d’imposer les mêmes conditions de distribution à toutes les banques.

En réalité, ce que traduit la rédaction actuelle de l’article 39, c’est la tentation de creuser davantage le fossé entre nos concitoyens les plus aisés, qui pourront choisir, et les plus modestes, qui seront immanquablement réorientés vers un organisme particulier. Ainsi, vous découragez les clients déjà discriminés à entrer dans une banque lambda : le risque d’essuyer un refus d’ouverture sera trop grand. La concurrence prétendument accrue ne sera que renforcement de la sélection et exclusion sociale.

Il y aura plus que jamais des banques pour les pauvres et des banques pour les autres. Mais il y aura aussi des banques pauvres et les autres établissements financiers ! En effet, les coûts qui seront supportés par les établissements ouvrant un livret sans condition ne seront évidemment pas les mêmes que ceux supportés par les banques sélectives. Dans le premier cas, les opérations auront tendance à être nombreuses, de faible montant et avec des encours modestes. Dans le second cas, notamment les banques en ligne, les opérations seront rares et l’encours souvent élevé. Pourtant, la rémunération entre les deux sera identique. Comprenne qui pourra !

Pour mémoire, je rappelle que la mission d’accessibilité bancaire, à laquelle vient de faire référence Bariza Khiari, est estimée à 500 millions d’euros par la Banque Postale et à 428 millions d’euros par la Commission européenne.

Dans la mesure où la rémunération est identique, le service rendu doit l’être aussi. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.

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