Intervention de Cédric Vial

Réunion du 20 mai 2021 à 10h30
Engagement associatif — Vote sur l'ensemble

Photo de Cédric VialCédric Vial :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devons nous prononcer ce matin sur une proposition de loi en faveur de l’engagement associatif. Quel important sujet !

Nous vivons dans une société qui a une tendance naturelle au repli sur soi et dans laquelle l’individualisme est un comportement de plus en plus partagé. Les interactions avec les autres de nos concitoyens se développent au travers du filtre des écrans et des réseaux dits « sociaux ». Ces relations numériques favorisent bien souvent une forme d’agressivité individuelle et permettent à tout un chacun de se bercer de l’illusion qu’il n’a pas besoin de collectif pour s’exprimer ou pour faire.

Nous vivons dans une société où la violence et même l’hyperviolence se développent à une vitesse inimaginable. Cette violence prend de court notre entendement, mais aussi nos autorités, incapables de réactions adaptées. L’issue vers laquelle ce glissement violent de notre société nous entraîne semble tellement irréelle qu’il est plus facile de la nier que d’essayer de l’éviter ou de se préparer à y faire face.

Nous vivons dans une société où les inégalités sociales et économiques se creusent. Les divisions entre les gagnants de la mondialisation, de l’ubérisation ou de la nouvelle économie et ceux qui s’en estiment les victimes ou qui en paient réellement les conséquences n’ont jamais été aussi grandes.

Nous vivons dans une société dans laquelle de nouvelles fractures territoriales apparaissent : entre le monde urbain et le monde rural, entre les villes et leurs périphéries… Tout le monde se sent oublié. En réalité, beaucoup vivent leur situation comme le résultat d’un mauvais traitement, d’une politique qui sépare les territoires et voudrait leur imposer des modes de vie différents des leurs. Bref, ils se sentent injustement considérés.

Nous vivons dans une société qui ne distingue bientôt plus les valeurs des principes, qui ne considère plus l’autorité et n’a que trop peu recours au respect de l’autre, qui pose les croyances individuelles au-dessus des règles de la vie collective.

Derrière ce diagnostic, pessimiste – je vous l’accorde, mes chers collègues – et pas assez nuancé – je vous l’accorde également –, il existe tout de même des points positifs auxquels se raccrocher, des comportements à encourager, des valeurs humaines et humanistes, qui laissent à penser que la seule solution n’est pas le déclin si nous savons nous appuyer sur ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous. Le fait est que l’engagement pour l’intérêt général et l’altruisme sont encore des notions vivantes, qu’il convient de soutenir et de développer. L’avenir de notre monde – ce que certains appellent « le monde d’après » – dépendra pour beaucoup de la générosité dont nous saurons faire preuve dans le monde actuel et face à ses réalités.

La vie associative est l’une des principales richesses de notre pays. On estime à 13 millions le nombre de bénévoles présents dans au moins une des quelque 1, 3 million d’associations aujourd’hui actives en France. Chaque année, 70 000 associations sont créées, et le nombre de bénévoles était en augmentation ces dernières années. Ces quelques éléments éclairent d’un espoir nouveau le tableau de notre société que j’ai dressé de manière un peu sombre.

Pourtant, depuis un an, une partie de ce monde associatif est pratiquement à l’arrêt. La crise sanitaire que nous traversons a révélé à la fois un aspect peu glorieux de notre humanité, mais aussi une capacité à la solidarité, à l’innovation sociale et à la bienveillance sans précédent. Il est de notre devoir d’élus et de citoyens d’encourager ces comportements civiques et solidaires, qui se retrouvent le plus souvent sous la forme d’un engagement associatif.

Retrouver, à la prochaine rentrée, un niveau d’engagement bénévole au moins équivalent à ce qu’il était avant la crise, faire retrouver le chemin des clubs aux jeunes licenciés du monde sportif ou culturel : voilà des enjeux majeurs. Il est à notre portée d’y répondre.

S’appuyer sur les expériences et les nouvelles solidarités qui se sont également exprimées durant cette période, pour construire un monde meilleur et tourné vers les autres, est un autre des enjeux auxquels nous nous devons de répondre.

Cette proposition de loi a pour objectif de faciliter et d’encourager l’exercice de fonctions associatives, en atténuant la responsabilité financière des dirigeants associatifs bénévoles en cas de faute de gestion, en sensibilisant les élèves de l’enseignement secondaire à la vie associative ou en relevant de dix à vingt le seuil à partir duquel une association peut bénéficier du dispositif « impact emploi ». Ce programme semble bien maigre par rapport aux enjeux de la vie associative, mais toute avancée doit être prise en considération.

L’engagement désintéressé de millions de bénévoles contribue à donner du sens à notre vie collective. Donner de son temps, de son expérience ou de ses compétences au profit d’une cause, qu’elle soit sociale, caritative, sportive, culturelle ou civique, c’est faire don aux autres d’une partie de soi, et c’est justement cela « faire société ».

Il est aisé de réunir un consensus autour de ces valeurs d’engagement, pour favoriser le bénévolat ou le volontariat, pour reconnaître l’engagement associatif ou bénévole, au sein des sapeurs-pompiers par exemple, bien que la proposition de loi n’aborde pas les engagements de ce type, qui auraient probablement eux aussi mérité que l’on s’y attarde. Nous partageons donc la motivation et les intentions de ce texte, tout en regrettant l’extrême modestie de son contenu. Même s’il est raisonnable de penser que la situation de l’engagement associatif ne sera guère différente après son adoption, l’intention est bonne : toute avancée, aussi minime soit-elle, mérite d’être engrangée ; tout signe de reconnaissance envers l’engagement associatif, aussi minime soit-il, mérite d’être considéré. C’est si peu, mais c’est déjà quelque chose !

Pour ces raisons, malgré quelques réserves et les regrets que le texte lui a inspirés à l’issue de la première navette parlementaire, notre groupe votera cette proposition de loi.

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