Intervention de Monique de Marco

Réunion du 20 mai 2021 à 10h30
Œuvres culturelles à l'ère numérique — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié et d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le numérique bouleverse nos vies. Le monde de la culture ne fait pas exception.

Ce projet de loi présente quelques évolutions, dont certaines sont bienvenues. Toutefois, je ne peux que souligner son manque d’ambition. Il est difficile de se saisir d’un sujet aussi majeur sur la base d’un texte comme celui-ci, qui laisse de côté des questions cruciales, comme l’évolution de l’audiovisuel public et son financement, mais aussi le partage de la valeur ajoutée entre les acteurs du secteur culturel, ainsi que la juste rémunération des artistes et des auteurs.

Ce débat aurait pu être l’occasion de réfléchir à de nouveaux modèles économiques et de soutenir la production culturelle, afin de favoriser l’accès de tous et de toutes à la culture, dans un monde aux usages numériques grandissants. Dix ans après la création de la Hadopi, il aurait été bienvenu de rouvrir le débat sur la licence globale, à l’aune de ce que nous avons appris pendant cette décennie. Malheureusement, nous ne débattrons pas ici d’une grande loi audiovisuelle. C’est une petite loi, qui introduit essentiellement des ajustements au modèle existant, sans vision politique ambitieuse.

La fusion du CSA et de la Hadopi au sein de l’Arcom a du sens. Mais la loi manque d’une véritable réflexion sur l’évolution des missions et des moyens attribués à cette nouvelle agence de régulation.

S’agissant de ses missions, je regrette que la future Arcom reprenne intégralement celles de la Hadopi. L’ambition du texte est de prioriser et de renforcer la lutte contre les sites contrevenants, ceux qui tirent profit du piratage. C’est plus efficace et plus juste que le ciblage d’internautes individuels.

Les nouveaux moyens prévus dans ce texte pour améliorer la réactivité concernant le blocage des sites sont tout à fait bienvenus. Dès lors, pourquoi conserver le système de la réponse graduée et les « avertissements de la Hadopi » au sein de la nouvelle Arcom ? Ce système est contraire à la philosophie du texte et coûtera plusieurs millions d’euros par an. Surtout, il est inefficace : le nombre de téléchargements en peer to peer détecté par la Hadopi a diminué. Pourquoi ? Parce qu’il est contourné par les internautes avertis et largement compensé par le boom d’autres méthodes de piratage. Nous pourrions être honnêtes, mes chers collègues, et admettre que la réponse graduée de la Hadopi était déjà dépassée au moment de sa création. C’est un système qui prend le problème par le mauvais bout et dont les effets réels sur les revenus du secteur culturel sont, au mieux, très incertains.

Ce projet de loi ne s’attaque pas au problème de la concentration des médias et risque au contraire de le renforcer. Un amendement déposé en commission a relevé le seuil de diffusion des chaînes locales à 30 millions d’habitants, ce qui permettra à certaines chaînes d’information en continu de s’imposer sur la majorité du territoire. Peut-on encore parler de chaînes locales à ce niveau ?

Alors que nous assistons aujourd’hui au projet de fusion entre TF1 et M6, alors que la majorité des médias sont possédés par une poignée de milliardaires, alors que la diversité et l’indépendance sont essentielles pour la démocratie, ce texte n’offre aucune réponse. C’est une occasion manquée.

J’espère que nous en retirerons pourtant quelques évolutions positives, notamment au travers des amendements portant sur l’audiovisuel public, telles que le renforcement de la visibilité des chaînes publiques et, surtout, la pérennisation de la seule chaîne de l’audiovisuel public consacrée à la jeunesse, à savoir France 4, dont la disparition aurait été dommageable pour notre service public.

Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une chaîne publique dédiée à la jeunesse. L’idée de pérenniser le programme Culturebox sur le même canal en soirée est également un geste fort à l’égard des acteurs culturels, particulièrement sinistrés par la crise sanitaire.

Je remercie M. le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, ainsi que M. le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, d’avoir été à l’initiative d’une tribune transpartisane demandant le maintien de France 4. Il semble que cet appel ait été entendu par le Président de la République. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir confirmé aujourd’hui son maintien.

Quoi qu’il en soit, en l’état actuel du texte, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oriente vers une abstention sur ce texte.

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