Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 mai 2021 à 9h00
Proposition de loi tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits et proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Je remercie notre rapporteur pour son travail.

J'ai partagé le sentiment de stupéfaction de nos concitoyens au prononcé de l'irresponsabilité pénale de l'assassin de Mme Sarah Halimi et je m'interroge sur les éléments retenus par le juge. L'auteur du crime est certes toxicomane, mais il n'aurait pas agi sous la seule emprise des stupéfiants, il aurait également été sous le coup d'une bouffée délirante. Une distinction semble donc être faite par le juge entre drogue et pathologie.

Une clarification est sans doute nécessaire pour prévoir expressément que l'alcoolisme et, plus généralement, la toxicomanie ne peuvent à eux seuls justifier l'irresponsabilité pénale. Cette précision serait une première étape dans notre travail pour envoyer une consigne législative au juge. Cela n'aurait toutefois pas empêché le prononcé de l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Mme Halimi...

Je m'interroge encore sur le réglage du dispositif législatif qui nous est proposé. Il est fait mention à l'article 1er du « fait fautif » de l'auteur du crime, qui provoquerait l'abolition temporaire de son discernement et dont il ne pourrait se prévaloir pour échapper à une condamnation pénale. Mais mettons-nous du côté du juge qui va devoir appliquer ces textes : être drogué est-il un fait fautif ? Cela peut s'examiner sous un angle moral, mais aussi sanitaire : l'addiction est-elle un fait fautif ou une maladie ? Quand il y a abolition de la volonté, comme dans le cas d'une addiction, la caractérisation de la faute et de l'intention devient très difficile. Nous tâtonnons, sans encore trouver de dispositif véritablement opérationnel.

Je suis également troublé par une sorte de miroitement à l'article 2 : le maximum de la peine privative serait relevé dans le cas où l'individu serait sous l'emprise d'une addiction. Mais que se passe-t-il si l'individu est de surcroît sous l'emprise d'un trouble psychique aigu, comme ce fut le cas pour le meurtrier de Mme Halimi ? J'ai des doutes sur l'applicabilité de ce dispositif.

Je tenais à exprimer mes doutes très sincèrement : je veux aller dans votre sens, mais il me semble que notre dispositif n'est pas encore abouti.

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