Intervention de Christian de Perthuis

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 12 mai 2021 à 9h30
Audition sur le thème : « réussir la transition écologique dans nos territoires : centralités ruralités »

Christian de Perthuis :

La question du rôle respectif des territoires dans la transition écologique doit intrinsèquement se penser avec deux autres transitions : la transition numérique et la transition démographique, cette dernière étant accélérée par la pandémie qui a renforcé les aspirations à vivre en espace périurbain ou à la campagne.

70 % des émissions de gaz à effets de serre sont issues de la production ou de l'utilisation de l'énergie. J'y vois trois défis pour le territoire. Le premier concerne les usages de l'énergie pour tous les secteurs d'activités, dans les transports, dans le bâtiment... À cet égard, la crise de la Covid nous montre à quel point la réflexion sur ces usages doit être liée à la question de la résilience - et non de l'autosuffisance - et de la lutte contre toutes les formes de gaspillage. Alors que depuis un siècle et demi les transitions énergétiques consistent à rajouter des sources d'énergie pour produire plus d'énergie, la transition énergétique bas carbone à laquelle nous contraint le changement climatique nous oblige à faire de la substitution énergétique. Pour cela, il faut agir sur les usages, investir dans les nouvelles ressources, lesquelles peuvent être mobilisées sur des territoires très divers de notre pays plutôt qu'importées.

Le deuxième défi, qui est généralement très sous-estimé, réside dans la question du désinvestissement du fossile et de la reconversion des outils industriels qui lui sont liés. C'est d'ailleurs là que réside le principal coût de la transition énergétique, et il n'est pas suffisamment provisionné dans les budgets publics, tant au niveau européen qu'au niveau français. Le coût de la reconversion sera certes financier, mais il sera aussi humain, car l'économie bas carbone nécessite de nouvelles compétences qui n'étaient pas indispensables à l'économie carbonée d'hier. Il faut en effet plus de compétences pour construire un bâtiment bas carbone à énergie positive qu'un bâtiment traditionnel, de même il faut plus de compétences pour réaliser des mises en valeur agricoles biologiques ou agrobiologiques que dans l'agriculture industrialisée.

Le troisième défi réside dans la biodiversité, que l'on peut appeler le « carbone vivant ». Pour le climat, cela concerne principalement les gaz à effets de serre hors CO2 que sont le méthane et le protoxyde d'azote, dont la première source, et de loin, est l'agriculture. Cela concerne aussi les puits de carbone et la capacité d'absorption du CO2, étant entendu que c'est la biodiversité qui permet l'absorption du CO2. Or l'agroécologie ne peut se décliner qu'à une échelle très locale : sans doute n'êtes-vous pas confrontés aux mêmes contraintes à Mareau-aux-Près que dans la métropole de Lyon, et c'est pourquoi il faut faire jouer les complémentarités.

L'implication de la transition énergétique sur les systèmes agricoles est très importante, car la reconquête de la biodiversité, la diminution des gaz à effet de serre hors CO2 et l'absorption du CO2 dans le carbone vivant imposent sans doute de déspécialiser les zones agricoles, ce qui va à l'encontre de la logique poursuivie depuis 40 ans dans la cadre de la politique agricole commune.

Pour la promotion du « carbone vivant », l'instrument incitatif majeur réside dans la rémunération des services écosystémiques, que ceux-ci soient fournis ou non par les acteurs ruraux. C'est fondamental ; force est de constater qu'à cet égard les règles de partage des fonds publics entre les différentes échelles territoriales reposent plus sur les enjeux d'hier que sur ceux de demain. Une refonte de modèle de redistribution des fonds publics entre les territoires s'impose si l'on veut les inciter à s'engager dans la transition écologique.

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