Mes chers collègues, à quelques semaines de l'examen du projet de loi « Climat et résilience », le Sénat s'est fixé pour ligne de conduite d'aborder la question de la transition écologique sous l'angle territorial. C'est cette volonté qui a poussé notre commission à organiser une consultation des élus locaux sur plusieurs dispositions du projet de loi. C'est également le sens de la table ronde qui nous réunit aujourd'hui et que nous avons décidé d'intituler « Réussir la transition écologique dans nos territoires : centralités, ruralités ».
Pour aborder avec nous ce thème de l'écologie territoriale, nous accueillons aujourd'hui :
- M. Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Près, commune française de près de 1 500 habitants, située dans le Loiret. Vous représentez également l'association des maires ruraux de France (AMRF) ;
- M. Christian De Pethuis, économiste, professeur associé Paris-Dauphine, où vous avez fondé la chaire « ?économie du climat? ». Vous êtes notamment spécialiste des enjeux liés à la fiscalité et au prix du carbone.
- M. Philippe Huthwohl, directeur général adjoint - Urbanisme Immobilier Travaux à la ville de Lyon.
Nous vous remercions vivement pour votre présence ce matin.
La transition écologique constitue un enjeu crucial pour l'aménagement de notre territoire, susceptible de redéfinir en profondeur les équilibres entre zones urbaines, périurbaines et rurales. Le retour à une forme de localisme induit par cette transition sonne tout à la fois comme une opportunité, mais aussi comme un défi. Opportunité, en ce que la transition écologique contribuera à « re-territorialiser » de nombreux pans de notre vie économique et collective, par le rapprochement des lieux de production du consommateur ou par l'inévitable renforcement des capacités décisionnaires des territoires. Transition écologique et revitalisation territoriale pourraient alors s'alimenter mutuellement. Mais le verdissement de nos modes de vie constitue également un défi pour ces mêmes territoires, le renchérissement du transport, notamment par la fiscalité, étant par exemple susceptible d'accroître les enclavements par rapport aux centres urbains et les phénomènes de désertification, préoccupations qui ne sont pas étrangères à l'émergence du mouvement des « Bonnets rouges » et à celui des « Gilets jaunes ».
Se pose dès lors la question de la capacité de nos territoires à tendre vers une forme d'autonomie - tout aussi nécessaire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre que pour renforcer notre résilience face aux effets du changement climatique. Nous souhaiterions ainsi identifier avec vous les leviers qui permettront à nos territoires d'atteindre cette autonomie et cette résilience, tant en matière énergétique, qu'alimentaire et de transports.
Autonomie ne doit cependant être synonyme d'autarcie. De nouvelles solidarités entre villes et ruralités doivent ainsi émerger, pour créer des pôles de résilience territoriaux.
Comment les territoires peuvent-ils créer les conditions de cette autonomie et de ces solidarités, pour transformer la crise climatique en opportunité ? Telle est la question préliminaire que je souhaiterais vous poser, avant de passer la parole à mes collègues pour une série de questions-réponses.
L'espace rural est multiforme : les solutions en matière de transition écologique seront donc nécessairement différenciées entre les communes comme la mienne, qui est proche d'une métropole, et celles qui relèvent de ce que l'on appelle « le rural profond ». Il est important que tous ces espaces puissent être vivifiés.
Les manifestations des « Gilets jaunes », mais aussi les mouvements de grève de 2019 et la crise du Coronavirus plus récemment ont montré combien le « tout métropole » était remis en cause, et combien l'espace rural devenait très important pour l'aménagement du territoire. Aussi les solutions ne doivent-elles pas jouer le rural contre l'urbain, ou l'urbain contre le rural, mais travailler dans la continuité et dans la complémentarité.
Pour répondre à votre question, j'aimerais évoquer le concept des aménités rurales, c'est-à-dire des richesses de ces territoires qui ne sont pas monnayables, telles que les paysages, l'équilibre énergétique grâce aux parcs éoliens, à la méthanisation, à la géothermie ou à la biomasse, mais aussi la biodiversité. C'est pourquoi les acteurs ruraux ont un rôle très important à jouer, en complémentarité de l'urbain et des métropoles. Il s'agit de trouver les moyens de donner aux territoires ruraux la capacité de mettre en valeur leurs potentialités ; sachant que la vie en milieu rural a beaucoup évolué et ne concerne plus seulement les agriculteurs, notamment du fait de l'émergence du télétravail, ce qui nous amène à réfléchir à des mobilités différenciées.
La question du rôle respectif des territoires dans la transition écologique doit intrinsèquement se penser avec deux autres transitions : la transition numérique et la transition démographique, cette dernière étant accélérée par la pandémie qui a renforcé les aspirations à vivre en espace périurbain ou à la campagne.
70 % des émissions de gaz à effets de serre sont issues de la production ou de l'utilisation de l'énergie. J'y vois trois défis pour le territoire. Le premier concerne les usages de l'énergie pour tous les secteurs d'activités, dans les transports, dans le bâtiment... À cet égard, la crise de la Covid nous montre à quel point la réflexion sur ces usages doit être liée à la question de la résilience - et non de l'autosuffisance - et de la lutte contre toutes les formes de gaspillage. Alors que depuis un siècle et demi les transitions énergétiques consistent à rajouter des sources d'énergie pour produire plus d'énergie, la transition énergétique bas carbone à laquelle nous contraint le changement climatique nous oblige à faire de la substitution énergétique. Pour cela, il faut agir sur les usages, investir dans les nouvelles ressources, lesquelles peuvent être mobilisées sur des territoires très divers de notre pays plutôt qu'importées.
Le deuxième défi, qui est généralement très sous-estimé, réside dans la question du désinvestissement du fossile et de la reconversion des outils industriels qui lui sont liés. C'est d'ailleurs là que réside le principal coût de la transition énergétique, et il n'est pas suffisamment provisionné dans les budgets publics, tant au niveau européen qu'au niveau français. Le coût de la reconversion sera certes financier, mais il sera aussi humain, car l'économie bas carbone nécessite de nouvelles compétences qui n'étaient pas indispensables à l'économie carbonée d'hier. Il faut en effet plus de compétences pour construire un bâtiment bas carbone à énergie positive qu'un bâtiment traditionnel, de même il faut plus de compétences pour réaliser des mises en valeur agricoles biologiques ou agrobiologiques que dans l'agriculture industrialisée.
Le troisième défi réside dans la biodiversité, que l'on peut appeler le « carbone vivant ». Pour le climat, cela concerne principalement les gaz à effets de serre hors CO2 que sont le méthane et le protoxyde d'azote, dont la première source, et de loin, est l'agriculture. Cela concerne aussi les puits de carbone et la capacité d'absorption du CO2, étant entendu que c'est la biodiversité qui permet l'absorption du CO2. Or l'agroécologie ne peut se décliner qu'à une échelle très locale : sans doute n'êtes-vous pas confrontés aux mêmes contraintes à Mareau-aux-Près que dans la métropole de Lyon, et c'est pourquoi il faut faire jouer les complémentarités.
L'implication de la transition énergétique sur les systèmes agricoles est très importante, car la reconquête de la biodiversité, la diminution des gaz à effet de serre hors CO2 et l'absorption du CO2 dans le carbone vivant imposent sans doute de déspécialiser les zones agricoles, ce qui va à l'encontre de la logique poursuivie depuis 40 ans dans la cadre de la politique agricole commune.
Pour la promotion du « carbone vivant », l'instrument incitatif majeur réside dans la rémunération des services écosystémiques, que ceux-ci soient fournis ou non par les acteurs ruraux. C'est fondamental ; force est de constater qu'à cet égard les règles de partage des fonds publics entre les différentes échelles territoriales reposent plus sur les enjeux d'hier que sur ceux de demain. Une refonte de modèle de redistribution des fonds publics entre les territoires s'impose si l'on veut les inciter à s'engager dans la transition écologique.
La crise sanitaire actuelle a mis en valeur la thématique de la ville productive, car elle a fait naître des attentes et des inquiétudes au sein de la population sur la manière dont les circuits d'approvisionnement pouvaient permettre de servir les consommateurs, et cela même pour les biens essentiels, et notamment alimentaires. Pour y répondre, la ville de Lyon développe les productions intra-muros, bien que celles-ci, qu'elles soient énergétiques ou alimentaires, ne permettent pas d'accéder à l'autonomie ni à un niveau élevé d'autosuffisance. C'est néanmoins une première étape dans l'évolution de certaines pratiques urbaines.
Certaines démarches relèvent de pratiques citoyennes, comme les jardins partagés et les jardins de rue, qui contribuent, à côté des jardins familiaux, à des formes collectives de productions alimentaires, dont celle de légumes. Des initiatives vont être prises dans les prochains mois pour favoriser la création de jardins partagés au sein de logements sociaux, en reconvertissant certaines parcelles en pied d'immeuble. En parallèle, la production solaire individuelle est encouragée.
Les initiatives communales vont dans le même sens : accompagner l'agriculture urbaine, permettre que des lieux de la ville, comme les toits des bâtiments, puissent être utilisés pour faire du maraîchage. Ces choses existent déjà à petite échelle, mais pourraient être amenées à se développer : pourquoi par exemple ne pas imaginer de cultiver des produits alimentaires sur le toit des Halles Bocuse ?
La ville de Lyon a mis en place fin 2020 des vergers urbains, au nombre de neuf, soit un par arrondissement. C'est le début d'un programme permettant un libre-service afin à terme que les habitants accède à des fruits qui auront poussé dans l'agglomération.
En matière d'énergie, la collectivité s'engage dans un programme de développement de l'énergie solaire à travers la mise à disposition de ses toits de bâtiments, soit pour des associations susceptibles de relayer des initiatives citoyennes, soit pour mener en propre de la production d'énergie. À l'échelle de la métropole de Lyon, nous sommes en recherche de terrains sur lesquels on pourrait mettre en place des fermes solaires au-dessus de bâtiments existants, par exemple en couvrant des parkings de panneaux solaires.
Nous encourageons aussi la géothermie comme source d'énergie locale et nous travaillons à l'optimisation des usages des réseaux de chaleur. Il s'agit aussi d'utiliser le recyclage comme ressource au travers du compostage, qui bénéficiera de nouvelles incitations de la métropole de Lyon dans les prochains mois, car il peut servir de substrat pour les plantations, mais surtout au travers de la récupération des déchets pour produire de la chaleur.
Ces initiatives ne permettant pas d'envisager une autonomie énergétique du territoire métropolitain lyonnais, il nous faut travailler avec les territoires alentour pour disposer de ressources, dans une logique de complémentarité entre ville et campagne. Dans ce cadre, l'idée est de favoriser les circuits courts alimentaires entre les producteurs et les consommateurs. Deux actions peuvent être citées à ce sujet : d'une part, la refonte des règlements des marchés alimentaires municipaux pour faire une meilleure place aux producteurs ; d'autre part, la mise en lien des producteurs locaux avec la restauration collective ou la restauration plus traditionnelle, que ce soit grâce à la création d'une halle alimentaire ou par l'organisation de speed datings destinés à faire se rencontrer producteurs et consommateurs ou acheteurs.
En matière d'énergie, nous réfléchissons avec la métropole de Lyon, à des moyens de développer des énergies renouvelables en dehors de notre territoire, par exemple en prenant des participations financières dans des parcs de production éoliens, et cela non plus dans une optique de placement, mais de développement, par effet de levier, de projets sur notre territoire de proximité.
Sur le plan de la coordination ville-campagne, nous voulons construire des jumelages entre ville et campagne au-delà du territoire de notre métropole.
Notre réflexion sur le développement de la ville a longtemps privilégié une logique d'attractivité ayant conduit à ce que la ville soit toujours plus grosse et plus concentrée. Il ne s'agit pas aujourd'hui d'arrêter la croissance des villes, mais de s'interroger sur la forme qu'elle peut prendre, à l'heure où les attentes des habitants d'une ville comme Lyon tendent vers moins de densité, davantage de qualité de vie et plus de végétalisation. Il en résulte une compétition sur l'espace foncier entre les espaces verts, les espaces productifs et les espaces tertiaires ou de logement. Il faut donc inventer un nouveau modèle de développement urbain. La question de la croissance de la périphérie, en première couronne, interroge aussi, de même que celle du maintien des terres agricoles et du développement des transports publics. Ces problématiques appellent un modèle plus équilibré, plus polycentrique, construit autour de logiques de réseaux de villes, avec des territoires se partageant le développement économique, le développement démographique et le développement écologique, dans une logique de solidarité et avec l'appui d'un réseau de transport plus efficace, afin de contribuer à un rayonnement plus important de la ville de Lyon sur les territoires qui l'entourent.
Je donne à présent la parole à nos deux référentes aménagement du territoire, Mesdames Demas et Filleul.
La résilience de nos territoires face aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique ne peut s'appréhender de la même façon pour les territoires urbains et les territoires ruraux. Quelles devraient être, selon vous, les priorités à cet égard ? Faut-il travailler sur la résilience des logements, des infrastructures de transport, des ouvrages d'art ou des grands réseaux comme l'eau ou le numérique ? Comment informer le public sur ces enjeux ? Comment financer la prévention des risques ?
Au-delà des normes qui permettent la gestion des événements climatiques exceptionnels, nos collectivités ont besoin d'un soutien technique et financier pour identifier leurs faiblesses et les corriger. Le projet de loi « 4D », qui sera examiné par le Sénat au mois de juillet, comporte une habilitation à légiférer par ordonnance pour faire évoluer les statuts et les missions du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et ainsi renforcer son rôle d'expertise et d'assistance aux projets des collectivités territoriales : quel regard portez-vous sur cette évolution ? Selon vous, comment ce rapprochement entre le Cerema et les collectivités doit-il être appréhendé ? Quel peut être le rôle de l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) ? Quels sont, selon vous, les principaux acteurs à mobiliser pour apporter un soutien le plus efficace possible à nos collectivités ?
Enfin, pourriez-vous préciser vos propositions en faveur de la défense de la biodiversité, notamment dans le milieu rural ?
La politique alimentaire est un levier important pour ancrer nos territoires dans la transition écologique et améliorer la résilience de notre modèle de production et de consommation. À cet égard, la crise sanitaire et le premier confinement ont révélé des failles dans cette organisation. Notre commission travaillant déjà sur le sujet de l'alimentation, en lien avec la commission des affaires économiques, nous voyons bien que si la problématique est très différente selon que sont considérés les grands espaces urbains dépendants d'approvisionnements parfois lointains et les espaces ruraux mieux connectés au tissu agricole local, il semble nécessaire de mieux penser la complémentarité entre nos territoires et d'organiser les réciprocités au bénéfice des populations. Quelles devraient être, selon vous, les priorités et les principales mesures à mettre en place pour concilier la transition écologique et la localisation de notre alimentation, tout en préservant et en valorisant les revenus des agriculteurs ?
La création d'un chèque alimentation est évoquée depuis plusieurs mois et il me semble que c'est une bonne chose que de soutenir la demande locale pour des produits de qualité respectueux de l'environnement. Toutefois, il semble qu'il faille continuer à travailler sur l'offre et la structuration des activités de production, notamment dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT). Le plan de relance prévoit des moyens concernant le maillage des abattoirs, d'une stratégie protéines et du soutien renforcé aux PAT. Toutefois, selon vous quels leviers supplémentaires devons-nous activer pour donner une autre dimension à cette organisation territoriale alimentaire ?
Enfin, comment peut-on lutter plus efficacement, à une autre échelle, avec plus d'ampleur, contre un égoïsme territorial qui s'est fait jour depuis plusieurs décennies, inspiré par cette fameuse idéologie de la compétition entre les territoires ?
La résilience des territoires ruraux au changement climatique varie évidemment selon les situations. Ma commune étant située au bord de la Loire, elle se trouve à 85 % en zone inondable. Nous avons mis en place des plans de prévention contre le risque inondation depuis longtemps, mais sans doute n'avons-nous pas encore suffisamment anticipé le déplacement de la population dans le cas d'une inondation majeure, qui ne s'est pas encore produit. Nous n'avons pas beaucoup avancé sur le renforcement de la résilience face au réchauffement climatique et je suis prêt à écouter vos idées sur ce sujet, car l'accroissement de la fréquence des sécheresses semble inéluctable, et celles-ci causent des fissures dans les habitations, ce qui nous a valu d'être déclarés en zone de catastrophe naturelle il y a deux ans.
Par ailleurs, nous avons lancé sur la commune une initiative intitulée « un fruit à la récré » qui incluait la distribution de lait, mais les normes à respecter sont telles pour obtenir des subventions minimes qu'elles en deviennent dissuasives, sans compter qu'il nous a fallu expliquer à un contrôleur des services que les Gala et les Golden étaient bien des pommes... Dans ce domaine, on aboutit à des aberrations : après avoir été déclarés inéligibles à une aide en raison de l'exclusion d'un type de fromage, nous avons dû recevoir et héberger aux frais de la commune un contrôleur, qui plus est pendant les vacances alors que nos cantines étaient fermées, pour vérifier que les quelques centaines d'euros que nous avions déjà perçus sur le lait étaient bien justifiées...
Ce message sur la complexité normative et le caractère tatillon de certains contrôles méritait d'être passé.
L'expérience m'a également prouvé qu'il ne faisait pas bon être novateur dans le monde rural. Après qu'un conseiller municipal chef de service au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) nous a signalé que notre commune avait un fort potentiel en géothermie, nous avons souhaité chauffer ainsi notre salle polyvalente de 1 000 m2. Le projet a été retardé de six mois du fait que notre architecte n'avait non seulement pas pris en compte la rénovation impérative de l'alimentation électrique, de sorte que l'installation n'a pu être activée qu'en février, mais aussi parce qu'il avait omis le raccordement nécessaire du site d'extraction de l'eau chaude à la chaudière... Quant aux études de l'Ademe, elles tablaient, sur un amortissement de l'installation, grâce aux gains énergétiques, sur quelque 105 ans, alors qu'étant mathématicien j'ai constaté qu'une très faible variation du dénominateur réduisait cette durée à 15 ans... Ce genre d'obstacles ne nous a pas empêchés de réaliser notre projet et le BRGM nous présente désormais comme les pionniers de la géothermie dans le Loiret.
Lorsque j'ai voulu créer un observatoire de la biodiversité sur la Loire à vélo, j'ai été chaleureusement encouragé par l'Office français de la biodiversité. Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d'État est même venue sur place assister à une présentation du projet, accompagnée notamment de la députée Barbara Pompili. Par la suite le préfet nous a imposé une étude hydraulique à 18 000 euros visant à prouver que notre observatoire n'allait pas abimer le milieu, dont les conclusions n'ont même pas permis de savoir si le projet était faisable ou non. J'y ai finalement renoncé... Il est dommage que l'Ademe, qui ne nous a accordé aucun financement, contrairement à la Région et à l'État, ne nous ait pas davantage sensibilisés en amont aux contraintes techniques et environnementales, pour nous aider à lever les obstacles administratifs.
La contrainte des normes est réelle, mais il existe des moyens de l'assouplir.
La crise sanitaire a démontré la résilience des collectivités, car elles ont su s'organiser pour y faire face. La ville de Lyon a mis en place une mission gestion de crise pour se préparer à ce type de situation, étant entendu que l'on ne connaît pas la nature de la crise qui surviendra le lendemain. Le fait est qu'une nouvelle crise génère de nouvelles normes, parfois utilement comme dans le cas des inondations, mais souvent par souci de verrouiller certains risques au détriment de la capacité d'initiative locale.
Pour la ville de Lyon, le Cerema est davantage un partenaire de recherche qu'un organisme de soutien opérationnel, puisque nous disposons de nos propres équipes d'ingénierie.
En matière de politique alimentaire, il s'avère difficile de s'approvisionner pour les cantines avec des produits de qualité locaux, ne serait-ce que parce que les clauses de fourniture locale sont interdites en matière de commande publique. Il est toutefois possible d'introduire des critères relatifs à la transition énergétique dans les marchés publics.
Beaucoup d'initiatives ont vu le jour pendant la crise sanitaire en matière de chèques alimentaires, et l'État s'est beaucoup impliqué dans ce domaine, notamment dans un département comme la Seine-Saint-Denis. Ces chèques ont été utiles, car des familles étaient en rupture alimentaire. Dans certaines communes ils étaient destinés à réaliser des achats dans certains commerces locaux uniquement, ce qui pourrait être éventuellement contestable sur le plan juridique. À Lyon, la monnaie locale, la Gonnette, peut servir de support à des aides alimentaires pour favoriser les productions locales.
Il me semble que le premier investissement à faire est un investissement de connaissance des impacts. À cet égard, Météo France dispose d'un capital incroyable de connaissances, mais nous manquons cruellement d'études permettant de traduire les modèles prévisionnistes en données exploitables sur le plan opérationnel par les décideurs. J'ai constaté pourtant en Aquitaine, avec le climatologue Hervé Le Treut la richesse des initiatives que de telles approches pouvaient susciter.
Dans le domaine alimentaire, la question de la proximité est importante, mais ce n'est pas la seule. On ne fera pas l'économie d'une remise en cause fondamentale de la place de l'animal dans le modèle de production et le modèle de consommation, puisqu'en France et dans le monde la très grosse majorité des gaz à effet de serre est d'origine agricole. Cet enjeu ne doit pas être abordé de manière polémique, en opposant les vegans aux consommateurs de viande. C'est une question qui fâche, mais je l'ai déjà évoquée au congrès de la FNSEA il y a deux ans.
Les économistes préfèrent généralement les incitations économiques par les prix et la fiscalité à la production de normes. Il me semble que celles-ci devraient être moins nombreuses, mais plus contraignantes et que leur nécessaire durcissement progressif devrait être davantage affiché, afin que les acteurs puissent s'y préparer et aménager des transitions.
J'ai constaté dans mon territoire picard à quel point les lourdeurs bureaucratiques pouvaient anesthésier les bonnes volontés lorsque 23 agriculteurs ont décidé de se lancer dans un projet d'unités de méthanisation. Il leur a fallu déposer un dossier ICPE donnant lieu à autorisation, enregistrement et déclaration de site. Pour remplir ce document 5 bureaux d'études ont été nécessaires : étude paysagère, étude de sol, étude environnementale, architecte, chambre d'agriculture, le tout pour 120 000 euros. Une analyse de sol leur est également imposée tous les 20 hectares, soit plus de 30 000 euros pour les 4 000 hectares concernés.
Comme les terrains des agriculteurs relèvent de 78 communes, une enquête publique est demandée sur chacune d'entre elles, comme si les déchets épandus pouvaient être nocifs, alors même qu'un digestat issu de la méthanisation peut être utilisé en agriculture biologique.
Concernant le ruissellement, comme le site va être construit en amont d'un bassin versant il faut construire des bassins de rétention. C'est normal, mais il leur est demandé de dimensionner ces bassins non pas en fonction d'une pluie décennale, mais pour une pluie centennale, alors même que les fossés ne déborderont sans doute jamais parce que le bassin en cause est de nature crayeuse. Cela accroît considérablement les emprises et impose la construction d'un véritable quai, capable d'accueillir - le cas échéant - l'arche de Noé !
Enfin, le temps d'instruction, qui est au minimum de 10 mois, peut aller jusqu'à 18 mois en cas de recours. Un technicien de la chambre d'agriculture m'a d'ailleurs confié que deux tiers des projets s'arrêtent en cours de route à cause des difficultés rencontrées.
Nous avons par ailleurs un projet d'installation photovoltaïque et la lourdeur administrative est la même et les délais encore plus longs : le porteur de projet doit faire face à un délai de quatre ou cinq ans, afin de compléter son dossier et d'obtenir toutes les autorisations nécessaires.
En bref, les projets ne manquent pas dans nos territoires, les idées sont là, les ressources mobilisables sont là, les motivations sont là, les capacités à investir sont également là, mais l'abnégation a ses limites. Comment faciliter l'action de ces acteurs locaux qui s'engagent en faveur de la transition écologique et de l'emploi dans nos territoires ?
En matière de transition écologique, on assiste à des initiatives intéressantes de territoires qui font preuve de résilience face à la crise. Certaines d'entre elles émanent de régions, d'autres de départements, d'EPCI ou de communes, comme en témoigne souvent des documents cadres comme les SRADDET. Trop peu de collectivités ont encore une feuille de route qui articule une vision revendiquée et opérationnelle. Pensez-vous qu'il y ait des niveaux de collectivités plus pertinents et efficaces que d'autres, en matière de transition écologique, pour mobiliser des partenaires et les acteurs de terrain, dans la mise en place de politiques publiques et de programmes d'investissement ? À mon sens, le niveau départemental est le plus propice du fait de sa puissance et de sa proximité.
Je ressens à la fois beaucoup de confusion et une certaine profusion.
Confusion parce qu'on demande à chacun de réfléchir et de faire alors qu'en réalité, et c'est la grande leçon du sommet COP 3 à Kyoto, il faut penser global et agir local. Toutes les collectivités devant être concernées et exemplaires sur ces questions, il leur manque des référentiels, à l'image du Plan d'environnement des collectivités qu'avait publié l'Ademe dans les années 1990 pour leur permettre de s'engager volontairement sur un grand nombre d'axes de développement écologique, ou à l'image des Agendas 21. Nous étions dans une démarche qualité de type ISO, de même qu'il existe la démarche HQE pour les bâtiments. Cela permettait aux collectivités d'aller à leur rythme en choisissant des cibles prioritaires et de s'engager avec leur population sur un certain nombre d'actions, car une démarche qualité, c'est écrire ce que l'on fait et faire ce que l'on a écrit.
À cet égard, certaines des mesures mises en oeuvre à Lyon sont de nature sinon cosmétique, du moins pédagogique, avec un impact anecdotique sur notre environnement et notre climat. Ces démarches conduisent, en suscitant des projets tous azimuts, à une forme de profusion souvent illisible qui risque d'occulter des actions de fond autrement plus efficaces. Elles ne sont pas intégrées dans une démarche claire, organisée dans la durée, avec des impacts mesurés.
Nous avons montré que c'était possible à Poiré-sur-Vie à partir de 2001 et pendant les quinze ans au cours desquels j'en ai été le maire, pourvu que l'on en ait la volonté et que l'on dispose d'un guide et de référence. Il est trop facile d'être dans une logique d'appels à projets permanents et de se donner bonne conscience parce que l'on a construit un écoquartier sur deux hectares alors que l'on a fait tout et n'importe quoi sur le reste de sa commune, comme avant.
La réduction de notre consommation d'énergie et notre production de déchets conduit nécessairement à une certaine forme de sobriété. Comment mobiliser tous les acteurs de nos territoires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et obtenir une société plus résiliente ?
S'agissant du coût de l'abandon du fossile, nous manquons d'une volonté de formation et de reconversion des personnels travaillant dans les domaines concernés en premier lieu par la transition écologique, à commencer par les ouvriers travaillant dans les centrales à charbon.
Dans mon département du Lot, nous avons fait de gros efforts pour aider les gestionnaires de collège à mettre en place des circuits courts. J'ai notamment organisé avec une collègue conseillère départementale un speed dating pour faire se rencontrer les producteurs et les gestionnaires d'EHPAD et de restauration collective. Cela a permis à certains d'opter pour des produits locaux plus chers, mais meilleurs, quitte par exemple à renoncer au petit gâteau qui accompagnait habituellement le dessert.
Je tiens également à souligner l'importance des ilots de chaleur urbains, qui résultent de la densité des immeubles et dont on a constaté l'existence jusque dans l'Arctique.
Enfin, je rejoins M. Hauchecorne pour recommander aux producteurs de normes et aux décideurs centraux d'aller davantage sur le terrain, en privilégiant les contacts directs.
Étant président du comité d'orientation du programme national d'adaptation au changement climatique, je travaille avec Météo France à l'information précise des territoires aux risques à court, moyen et long terme et nous allons proposer des outils facilement utilisables dans ce domaine, et pas uniquement par ceux qui ont à construire un quai pour l'arche de Noé...
Il est essentiel pour des métropoles comme Lyon ou Nantes de réfléchir à la sortie d'une partie de leur activité économique de leur territoire, ne serait-ce que pour recouvrer une capacité à produire du logement. Cet impératif est nouveau, comme le renoncement au logiciel de compétition. Encore faut-il trouver la gouvernance qui corresponde à ce nouveau paradigme, au-delà du département et de la région au travers du SRADDET, étant entendu que les monstres technocratiques que sont les méga-régions ne jouent pas ce rôle. Ce nouvel outil de gouvernance capable d'organiser la sortie des emplois de la métropole centrale vers les villes moyennes puis vers les territoires ruraux a pris à Nantes la forme d'une conférence des intercommunalités.
Alors que le stock de rénovations de bâtiments dans l'optique de la transition écologique est gigantesque, les collectivités ne sont pas encore dotées des outils financiers adaptés correspondant au temps de retour sur investissement des projets de gain énergétique, par exemple des prêts à taux zéro sur 40 ans. La période est pourtant favorable à de tels prêts puisque l'on sait que les taux d'intérêt souverains sont aujourd'hui particulièrement bas. Le besoin se chiffre en centaines de milliards d'euros à l'échelle nationale, ce qui excède les moyens pourtant importants du plan de relance. Une réflexion doit être engagée à ce sujet avec la Caisse des Dépôts et les instances européennes. Les financements évoqués doivent aussi permettre de financer la rénovation de parcs privés de centre-bourg indispensable pour éviter la destruction d'espaces naturels.
La métropole de Lyon compte environ 1,5 million d'habitants et sachant qu'il faut une surface agricole de 1 000 m2 par habitant pour assurer l'autosuffisance alimentaire, 350 000 hectares sont nécessaires pour nourrir cette population. Comme le département du Rhône et la métropole de Lyon disposent de surfaces très limitées, l'objectif de se nourrir dans la proximité suppose de tisser des liens très étroits avec les départements de l'Ain, de l'Isère, de la Loire, voire de la Drôme. Je souhaite demander à Philippe Huthwohl si la ville de Lyon et sa métropole se sont lancées dans des discussions avec ces départements voisins pour qu'ils procèdent à une adaptation de leur agriculture à leur service, et selon quels dispositifs.
Les vergers urbains évoqués par Philippe Huthwohl relèvent d'une politique du symbole.
Monsieur Blanc, nous n'allons pas planter des vergers pour que leurs fruits ne servent à rien et nous trouverons les modalités pour que ces fruits soient mis à la disposition de la population.
S'agissant de l'alimentation de proximité sur notre territoire extra-métropolitain, les contacts avec les chambres d'agriculture se feront à l'échelle de la région. Une ville comme la mienne n'a cependant pas de levier d'action sur les pratiques agricoles. Je ne suis pas sûr que nous parviendrons à remettre en cause les stratégies de monoactivité ou de spécialisation des territoires, sachant que les agriculteurs ont aussi leurs objectifs de production et de rentabilité.
À mon sens, tous les niveaux de collectivités doivent se mobiliser autour de la transition écologique. Quant à savoir si cela doit passer par des schémas, je ne sais pas répondre à cette question.
Je conseille à Monsieur Mandelli et à tous ceux que cela intéresse de se rendre sur le site de la ville de Lyon pour découvrir la variété de nos projets en matière de bâtiments, d'énergie, de mobilité, de biodiversité ou de végétalisation, dont je n'ai pu donner que des exemples pouvant paraître anecdotiques.
Je m'interroge comme vous, Monsieur Demilly, sur les normes et sur les moyens de créer une confiance entre les métropoles et les porteurs de projets sur les territoires qui les entourent, afin d'être en capacité de dialoguer avec transparence.
Les délais d'instruction sont effectivement très longs. J'avais imaginé à la COP en 2005 avec des collègues allemands la mise en place d'un système de crédit carbone. L'année suivante, l'Allemagne avait mis en place son dispositif, alors qu'il a fallu quatre ans pour que ce soit le cas en France, en se battant contre tous, à commencer par l'administration écologique. Il faut dire toutefois que derrière cette complexité administrative se posent parfois de vraies questions d'acceptabilité de certains projets, comme je l'ai constaté dans le cadre de la commission nationale du débat public pour des projets d'éolien en mer. La méthanisation divise les partisans de la « grande méthanisation industrielle » et ceux de la « petite méthanisation ».
Alors que nous faisons face à une accélération nécessaire de la transition énergétique et agroécologique, l'Europe va nous imposer des objectifs beaucoup plus contraignants et ambitieux. L'une des difficultés sera de mettre à jour les documents d'accompagnement sans que le nouveau rende obsolète l'existant. L'Ademe en particulier devra être réactive à ce qui change sans périmer ce qui existe déjà.
Je partage l'opinion de Mme Préville sur la modération des usages et des consommations énergétiques. Le fait est qu'il est beaucoup moins valorisant pour des élus, y compris sur le plan électoral, de piloter des économies sur la ressource ou une réduction des déchets que d'aller inaugurer un verger ou un bel outil industriel innovant.
Le département n'est sans doute pas, Monsieur Gold, le meilleur échelon pour parler aux maires. Pour ma part, je préconise une conférence des maires dans le cadre des communautés de communes ou des PCAET (plan climat énergie). Si j'ai appris beaucoup de choses en participant à des comités de pilotage de schémas, j'ai constaté qu'il était compliqué de les articuler avec de véritables actions.
Il faut insister sur le rôle exemplaire des communes. Par exemple, le fait d'isoler tous les bâtiments communaux peut ne représenter qu'une fraction des surfaces habitables, mais cela donne un véritable signal, dont des supports comme le bulletin communal se font l'écho. Une mairie peut aussi contribuer au recensement et à la promotion des circuits courts. Dans un esprit encore plus pédagogique, nous avons lancé dans ma commune un inventaire de la biodiversité communale dont les élèves de CM1 et CM2 et leurs enseignants se sont emparés, en lien avec une association environnementale du département. Enfin, nous avons été sélectionnés, avec six autres communes, par le Cerema lors d'un appel à projets à l'horizon 2030 dans le domaine de la participation citoyenne.
Les organismes qui prescrivent des normes ne doivent pas oublier qu'ils peuvent aussi donner des conseils aux élus plutôt que de se borner à leur dire qu'ils n'ont pas fait ce qu'il fallait faire.
Pour être chefs d'orchestre, métropole et ruralité ne jouent pas dans la même cour, ne serait-ce que parce que les territoires, notamment les plus modestes, ne possèdent pas de service d'ingénierie développé pour bénéficier des politiques adaptées de transition écologique. Les leviers existent, les cadres sont là, mais les territoires ruraux manquent d'accompagnement pour monter les dossiers nécessaires.
J'ai organisé en 2019 au Sénat, avec l'Agence française pour la biodiversité, une réunion sur l'engagement des collectivités locales pour la préservation et la reconquête de la biodiversité. Nous avions constaté qu'avec la liberté d'action des collectivités locales, de nombreux projets se mettaient en oeuvre pour que la population s'approprie cet enjeu, mais nous avions aussi identifié des problèmes de moyens financiers et d'ingénierie. Quel regard critique portez-vous sur le plan de relance proposé dans le domaine de la transition écologique ? Va-t-il permettre une décarbonation de l'économie en lien avec les territoires ?
La transition écologique constitue un levier important de mobilisation des acteurs locaux sur des territoires ruraux qui revendiquent la recherche d'une autonomie énergétique en produisant plus d'énergie qu'ils n'en consomment. À ce titre, un certain nombre de territoires ont été labellisés « territoires à énergie positive pour la croissance verte ». Cela a été le cas d'un territoire dans mon département en 2014, ce qui illustre bien la vivacité écologique de la ruralité dans ce qu'elle peut faire de mieux en matière de transition : groupement d'achat de panneaux solaires photovoltaïques, filière Bois Bocage Énergie, réflexion sur la construction d'unités de méthanisation ou financement de parcs éoliens. Encore faut-il qu'il y ait une acceptation sociale de ces projets, notamment, comme cela a été dit, en ce qui concerne la méthanisation et l'éolien, d'autant qu'il s'agit souvent de projets d'origine privée dont la viabilité économique n'est pas garantie.
L'initiative publique ne pourrait-elle pas aussi s'emparer de ces sujets, étant entendu que les collectivités locales sont aussi en capacité de piloter des projets citoyens ? Que pensez-vous des financements participatifs des projets d'énergie renouvelable ? Ne pensez-vous pas que l'implication citoyenne devrait être l'une des clés d'une transition écologique réussie ? Des conventions citoyennes locales pourraient-elles y contribuer ? Avez-vous des exemples de financements participatifs à nous proposer ? Comme vous le voyez, on revient toujours au précepte : « penser global, agir local ».
Représentant ici le Nouveau-Rhône et de la métropole de Lyon, il me semble évident qu'il existe une très grande complémentarité entre ces deux territoires. Périurbain et disposant encore de zones rurales, mon département est aussi complémentaire de l'Ain et avec la Saône-et-Loire. Si le consensus a été général, lors de la dernière campagne sénatoriale, pour reconnaître cette complémentarité, on peut regretter que le département du Rhône ait été scindé en deux. Nous sommes aussi confrontés à un problème de transport, alors que la loi d'orientation des mobilités a prévu la création d'un syndicat commun entre la métropole de Lyon et le reste du département du Rhône dont la présente commission devrait suivre la mise en place et l'action.
Un autre enjeu de notre territoire est celui du logement, car les professionnels de « première ligne » sont contraints d'aller habiter hors du centre-ville en raison de l'inflation des prix immobiliers, dans des zones où les transports n'ont pas été conçus en conséquence.
Sur la question alimentaire, il faut savoir que notre territoire ne consomme que 8 % de ce qui est produit sur la métropole de Lyon et dans le Nouveau-Rhône. Pourtant le fait que les deux tiers des repas ne sont pas pris à la maison et relèvent souvent de la restauration rapide est un facteur favorable à la consommation de produits locaux, pourvu que l'on se préoccupe de la logistique, et particulièrement de la chaîne du froid. Comment envisagez-vous d'y participer, Monsieur Huthwohl, en tant que directeur de la ville de Lyon ?
La métropole de Lyon faisant travailler le Cerema, dont son service des ouvrages d'art, j'espère que l'État ne continuera pas à en réduire les effectifs. Ne pourrait-on pas mutualiser le recours à ses services avec les collectivités locales environnantes ?
Un vice-président chargé de l'agriculture a été nommé à la métropole de Lyon lors du récent changement de majorité et il a organisé la semaine dernière un débat très stimulant avec les représentants des agriculteurs locaux et les autres acteurs. Un plan d'action très intéressant a été lancé pour développer l'agriculture biologique dans lequel les agriculteurs de moins de quarante ans s'avèrent désireux de s'engager, avec la compréhension de leurs aînés, pourvu que la méthode et les outils proposés leur soient accessibles.
Pour mémoire, la ville de Villeurbanne, qui jouxte celle de Lyon, a déjà créé des vergers urbains dans les années 90 : au bout de deux ans, nous avons dû remplacer les arbres parce qu'ils étaient saccagés dès l'apparition des premiers fruits... Malgré cela, l'expérience fait boule de neige, au point que l'on pense l'étendre aux toits.
En vous écoutant, Monsieur Huthwohl, j'ai eu l'impression que l'on est en train de redécouvrir l'organisation de la ville de Lyon dans les années 30, où l'on trouvait de nombreux jardins ouvriers et lorsque les déchets biologiques étaient acheminés chez les maraîchers pour faire de l'engrais. Ne pourrait-on pas revenir à un développement en « grappe de raisins » en utilisant l'outil qu'est le pôle métropolitain, soit une association qui va de Bourgoin jusqu'à Saint-Etienne en passant par Lyon et Villefranche, et j'espère demain Mâcon et Bourg-en-Bresse ?
Enfin, pourrait-on définir le mot « résilience », qui revient sans cesse et dont manifestement le sens est différent de son origine en physique, soit la capacité d'un objet à retrouver son état initial après un choc ou une pression continue, car je doute que nous puissions revenir à l'état initial en matière de changement climatique...
Réussir la transition écologique dans nos territoires est un sujet fondamental, qui a été au coeur de mes mandats locaux depuis plus de dix ans. S'agissant de la végétalisation des centres urbains et de l'agriculture urbaine, peut-être que certains leviers doivent être activités et certains freins levés. Je ferai des propositions dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience » et j'ai pris connaissance du pré-rapport Shift Project sur la résilience des territoires pour tenir le cap de la résilience écologique. J'en retiens beaucoup de choses, mais j'insiste sur un objectif : rendre possible l'autonomie et la résilience alimentaire d'un territoire passe par la préservation des terres agricoles, avec notamment une plus grande maîtrise du foncier, par le développement de l'agroécologie et par la constitution d'une assiette équilibrée, plus végétale. Citons le développement d'une stratégie légumière riche en apports protéiques par l'accompagnement des initiatives locales et le rapprochement entre le consommateur et la zone de production. L'éloignement entre ces deux bouts de la chaîne explique en effet un dialogue parfois un peu difficile entre agriculteurs, associations et population. C'est pourquoi je pense, et j'aimerais avoir votre avis à ce sujet, qu'une agriculture urbaine complémentaire doit être envisagée. Cela pose des questions d'urbanisme pour favoriser d'une part son implantation dans les grandes métropoles et d'autre par sa visibilité, notamment à destination des scolaires.
En matière de limitation et de gestion des déchets, la ruralité me semble être un modèle pour les centres urbains. Dans ma communauté de communes du Bas-Rhin, notre Syctom qui regroupe 83 communes a mis en place des bornes de biodéchets, une incitation au composte et de multiples collectes spécifiques. Il apparaît pourtant que le coût de la gestion des déchets ne cesse d'augmenter, au point que notre politique coûte finalement plus cher, malgré la bonne volonté de tous les acteurs, que dans les grandes agglomérations où les efforts demandés sont bien moindres.
On constate aussi que nos investissements dans des infrastructures de recyclage, comme ceux des industriels de la pétrochimie, génèrent finalement, pour être rentables, une demande de déchets, de sorte qu'ils pourraient paraître relever d'une forme d'éco-blanchiment. Le label recyclage présent sur nos emballages donne bonne conscience aux populations, aux industriels et aux collectivités, alors que finalement le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas. Or nous produisons 374 kilos de déchets par an et par habitant d'ordures ménagères et ce chiffre ne cesse d'augmenter. Une véritable remise en cause du modèle économique du recyclage des déchets est sans doute nécessaire.
Comment récompenser les territoires qui parviennent à réduire à la source le volume de déchets produits ?
Nous sommes tous d'accord pour dire que le local est un point de passage nécessaire pour la transition écologique et que les initiatives citoyennes doivent être encouragées. Ces dernières ne devraient-elles pas toutefois être encadrées ou régulées au nom du principe d'égalité républicaine ? En effet, si l'on prend l'exemple des associations qui gèrent les jardins ouvriers, on constate qu'elles sont constituées par les personnes les plus dynamiques, les plus volontaires et les plus « agiles » et que l'on n'y trouve pas de mixité sociale. De même, on observe que l'autoproduction de l'énergie, parfois au travers des communautés locales de l'énergie, permet à cette même population agile et aisée d'échapper au financement du réseau d'électricité.
Je conseille aux collectivités et aux particuliers d'avoir recours à l'ingénierie gratuite qui existe dans tous les départements grâce au Conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) qui regroupe des architectes, des paysagistes et des spécialistes de la transition écologique et énergétique. Cette structure, qui comporte aussi un volet de sensibilisation et d'éducation, est insuffisamment connue et manque de moyens, puisqu'elle est financée par la taxe d'aménagement dont le rendement est très variable selon les départements.
Je suis lassé d'entendre les agriculteurs être accusés par les bien-pensants en écologie d'être les plus grands pollueurs. En effet, les agriculteurs ont fait des efforts considérables sur le plan environnemental, au travers de la réduction de leur consommation d'eau, des plans Ecophyto, de l'abandon de nombreuses molécules, de l'installation de bandes enherbées le long des cours d'eau ou de l'implantation de haies. Leur bilan carbone est par ailleurs largement compensé par l'absorption du CO2 par leurs cultures. Et n'oublions pas que l'on ne pourra pas nourrir notre planète, dont la population ne cesse d'augmenter, avec la seule agriculture biologique. Les filières que sont l'agriculture raisonnée, l'agriculture de conservation des sols et l'agriculture biologique seront nécessaires. Ce point est crucial à l'heure où la Russie est en train de remettre en culture des millions d'hectares en Sibérie, où la Chine fait de même en Afrique et alors que nous allons être confrontés à des productions agricoles pour lesquelles nous n'aurons aucune traçabilité.
Par ailleurs, on soigne les plantes avec des produits phytosanitaires comme on soigne les humains avec des médicaments, mais a-t-on mesuré d'impact sur l'environnement de ces derniers ? Qu'en est-il des produits ménagers ?
Pour avoir travaillé dix ans dans le secteur agricole et six ans dans les chambres d'agriculture, je me garde de mettre en accusation les agriculteurs. Indépendamment de la question des produits phytosanitaires, il n'en reste pas moins que les principales sources de méthane et de protoxyde d'azote sont d'origine agricole et qu'il faudra y remédier par des transformations du monde agricole, comme il faudra faire des transformations dans le secteur énergétique.
Il est vrai que la tarification du secteur électrique est aujourd'hui socialement injuste. Le fait de la baser sur la consommation et non sur la puissance favorise de fait les ménages qui ont les moyens de s'équiper pour produire de l'énergie renouvelable avec l'argent de ceux qui vivent en HLM. La même problématique se pose pour le traitement des déchets : il faudrait le facturer en fonction de la quantité de déchets produits par chacun.
Il est vrai qu'on redécouvre des solutions qui relevaient de l'évidence dans les années 30, avant le développement massif de l'automobile. De nombreuses villes ont ainsi redécouvert les tramways dans les années 1990, en remettant en service d'anciens tracés ferroviaires.
Notre syndicat des transports doit effectivement accroître son périmètre à l'échelle départementale, pour développer un réseau de villes.
La logistique urbaine constitue un vrai enjeu, sachant qu'un véhicule de livraison est rempli en moyenne à seulement 35 %. C'est pourquoi la Compagnie nationale du Rhône est en train d'expérimenter avec La Poste un hub de logistique urbaine sur le port Édouard Herriot afin d'utiliser uniquement des véhicules légers pour livrer le centre-ville.
En réponse à madame Havet, je dirai que le modèle économique de l'agriculture urbaine n'est pas encore assuré, de sorte que les porteurs de projets qui nous sollicitent dans ce domaine sont rares.
Le plan de relance représente un volume financier important et des intentions affichées qui pourraient permettre de contribuer à la sobriété énergétique, mais ses modalités de mise en oeuvre restent complexes. Les délais de mise en oeuvre très courts donnés conduisent à ce que l'on ne finance pas de nouvelles opérations : on améliore seulement le financement de celles qui étaient déjà prévues.
On constate actuellement sinon une pénurie, du moins une raréfaction des compétences dans le domaine de l'ingénierie. Nous peinons à recruter sur les métiers de la transition écologique. Il manque aussi des compétences au sein des entreprises pour la mise en oeuvre des systèmes, des dispositifs et des bâtiments relevant de la transition énergétique et écologique.
Je confirme que les dispositifs du plan de relance sont inabordables pour une petite commune rurale comme la mienne, faute de disposer des ressources nécessaires pour monter des projets en deux mois, sauf à recycler un projet déjà existant.
S'agissant de l'implication citoyenne, j'ai organisé une réunion sur notre agenda écologique 2021 qui n'a mobilisé que 4 % de la population de ma commune, et ce sont pratiquement toujours les mêmes habitants qui participent à de tels événements.
Si le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de ma commune est supérieur à celui des grandes communes environnantes, c'est parce que les bases fiscales sont inférieures en zone rurale. D'autre part, cette taxe joue un rôle de redistribution : une famille avec quatre enfants dans un logement modeste paiera moins qu'un célibataire habitant un château, bien que celui-ci génère moins de déchets. Quant à l'instauration d'une taxe incitative, elle a suscité manifestation de protestation de 2 000 personnes à Châteauneuf-sur-Loire.
Comme je suis trésorier du CAUE du Loiret, je vous prie de croire que ma commune a eu largement recours à ses services pour démarrer des projets, dont la rénovation de mon centre-bourg. La modification de la perception de la taxe d'aménagement va toutefois occasionner 6 mois de retard dans sa perception, soit un manque à gagner immédiat de 400 000 euros pour notre CAUE.
Je remercie nos intervenants et chacun des participants pour la qualité de ce débat.
La réunion est close à 11 h 35.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous examinons maintenant le rapport sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances (Ddadue).
Je rappelle que notre commission est chargée d'en examiner les chapitres Ier, II et IV, qui comprennent l'article 1er à l'article 27 et les articles 29 à 32. Le chapitre III, relatif aux minerais de conflit, a été délégué au fond à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le chapitre V, comportant diverses dispositions économiques et financières, à la commission des finances.
À ce titre, je salue la présence de M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et de M. François Bonneau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Je remercie également M. Cyril Pellevat, qui a effectué un travail significatif dans un laps de temps très contraint - le projet de loi a été déposé par le Gouvernement il y a tout juste un mois !
Pour préparer l'examen de ce texte particulièrement dense, technique et hétéroclite, huit auditions ont été organisées durant la période de suspension des travaux parlementaires. Elles ont permis d'entendre près de trente personnes, notamment des acteurs de terrain, comme les gens de mer ou des représentants du personnel navigant aérien, pour lesquels ce texte a des implications concrètes.
Nous avons à examiner 28 amendements ; un amendement a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
Comme cela vient d'être rappelé, nous devons examiner le chapitre Ier, ainsi que les chapitres II et IV, soit 31 articles sur 42. Le projet de loi qui nous est soumis est hétéroclite, mais il s'inscrit, à mon sens, dans quatre logiques distinctes, qui lui confèrent une grande actualité.
Premièrement, il tend à préparer, dans les meilleures conditions possibles, la présidence de la France au Conseil de l'Union européenne qui débutera au premier semestre 2022. Il s'agira d'un moment exceptionnel pour notre pays qui, six mois durant, sera au tout premier plan de la scène européenne. La France bénéficiera d'une visibilité forte ; il est donc essentiel de lui permettre d'endosser cette responsabilité européenne avec exemplarité.
Ainsi, ce texte a vocation à réaménager des pans divers de notre droit, afin d'assurer une conformité parfaite de la France à ses engagements européens : il vise à parachever la transposition de 12 directives et à mettre le droit français en conformité avec 15 règlements européens. À ce titre, il concerne un large éventail de sujets : protection des cétacés, télépéage sur les autoroutes, sécurité aérienne, pollution liée au mercure, etc.
Il vise autant à tirer les conséquences de réglementations récentes, comme le paquet Mobilité, adopté en 2020, qu'à procéder à la transposition de textes anciens tels que la directive dite « habitats » de 1999.
Deuxièmement, ce texte cherche à nous prémunir contre toute procédure contentieuse engagée à l'encontre de la France. Deux articles ont précisément pour objet de répondre à une mise en demeure prononcée par la Commission européenne : l'article 31, qui introduit un système de suivi des captures et des morts accidentelles d'espèces protégées causées par certaines activités anthropiques, telles que la pêche ou le bâtiment et travaux publics (BTP) ; l'article 32, qui définit la notion d'« information environnementale ».
Troisièmement, le projet de loi comporte des mesures destinées à atténuer les effets de la crise sanitaire et du Brexit sur certains secteurs. Ainsi, l'article 19 vise à maintenir la possibilité pour les ferries qui naviguent entre la France et le Royaume-Uni d'exploiter des casinos. À terre, les casinos ne peuvent exploiter des machines à sous qu'en association avec des tables de jeu.
En 2016, lors de l'examen de la loi pour l'économie bleue par le Sénat, une dérogation avait été introduite pour les navires. Cette mesure visait à placer la flotte française dans des conditions de concurrence équitables avec la concurrence étrangère, notamment britannique.
Les machines à sous sont essentielles à l'équilibre financier des compagnies de ferries françaises, qui ont été fortement fragilisées par la crise. Je vous propose le maintien de cette mesure, car elle s'inscrit dans la continuité de la position manifestée par le Sénat lors de son introduction initiale en 2016.
L'article 21, quant à lui, prévoit d'atténuer l'impact de la crise sur la pension des marins : ils sont nombreux à avoir été placés en situation d'activité partielle du fait de l'épidémie de covid-19. Je me réjouis de cette avancée sociale, mais regrette que le Gouvernement n'ait pas souhaité aller plus loin en l'étendant à l'ensemble des marins placés en activité partielle depuis mars 2020.
Au cours des auditions, les gens de mer, qui affrontent avec un courage exceptionnel une situation générale très difficile, m'ont fait état de la situation de certains de leurs collègues, contraints de retarder leur départ en retraite de plusieurs mois afin de bénéficier du montant de pension auquel ils auraient eu droit si la crise sanitaire ne les avait pas frappés.
Enfin, quatrièmement, j'identifie un ultime axe : l'articulation de ce texte avec le projet de loi Climat et résilience - nous l'examinerons dans les prochaines semaines -, en tant qu'il comporte sept articles relatifs à la prévention des risques liés à la pollution et à la protection de l'environnement.
Comme son intitulé l'indique, ce projet de loi a de nombreuses facettes. Dans son avis, le Conseil d'État a signalé le niveau de difficulté du texte, indiquant que ses dispositions sont à la fois « nombreuses, complexes et spécifiques ». Cela permet d'ailleurs d'atténuer un peu la réticence habituelle du Sénat à accepter des habilitations à légiférer par ordonnances, car il y a peu d'intérêt pour le législateur à explorer le labyrinthe des actualisations de références européennes ou des ajustements purement techniques de certains dispositifs. Parmi les 42 articles qui composent ce texte, 7 d'entre eux comportent des habilitations à légiférer par ordonnances et 5 d'entre elles relèvent du périmètre de notre commission. Toutefois, dans les interstices de la complexité de ce projet de loi, j'ai pu déceler des sujets de fond et des points potentiellement sensibles, sur lesquels je vous proposerai des solutions de sagesse sénatoriale.
J'en viens désormais au contenu des articles.
Afin d'éviter de dresser un inventaire à la Prévert, et compte tenu de la longueur du texte, je vous propose de procéder par chapitre, en m'arrêtant sur certains points saillants.
Le chapitre Ier concerne l'aviation civile. Nombre de ses dispositions sont destinées à renforcer la sécurité aérienne.
L'article 1er prévoit d'instaurer des tests d'alcoolémie et de substances psychoactives pour le personnel navigant, en réaction au drame du crash de la Germanwings, survenu dans les Alpes en 2015. Je vous soumettrai un amendement destiné à appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en place un dispositif efficace et respectueux de la vie privée des personnels.
Comme l'a montré la pandémie, les tests ne sont pas infaillibles : la consigne que je préconise est d'appliquer le principe de précaution avec intelligence et pragmatisme à l'aérien, ce secteur de transports demeurant le moins accidentogène au monde.
Nous ne pouvons qu'être frappés par les statistiques qui enregistrent un décuplement du nombre d'incivilités et de violences imputable aux passagers indisciplinés (PAXI) durant les vols aériens. Le Gouvernement propose une réponse à ce qui peut s'apparenter à une forme d'insécurité, tant pour le personnel navigant que pour les passagers, par ricochet.
Les personnels navigants nous ont certifié que l'aggravation était bien réelle. Ils approuvent pleinement le renforcement des sanctions, y compris celle de l'interdiction de prendre l'avion, inspirée de l'interdiction de fréquentation des stades.
Enfin, l'article 10 vise à renforcer la sécurité des aéroports, en aggravant la sanction des intrusions illégales en zones sensibles, à savoir le « côté piste » des aéroports. Sur ce point, notre droit semble beaucoup moins dissuasif que celui de plusieurs de nos voisins européens. En outre, il s'agit d'aligner la sanction des intrusions aéroportuaires sur le régime applicable aux zones portuaires, ce qui ne paraît pas incohérent.
Le chapitre II, qui est relatif aux transports terrestres et maritimes, vise à transposer le paquet Mobilité européen, qui renforce l'encadrement des conditions de travail des conducteurs routiers et de leur détachement, ainsi que du cabotage, pratique par laquelle le transporteur d'un État membre de l'Union européenne opère un transport domestique sur le territoire français.
L'intégration de ces mesures en droit national constitue une avancée très positive : elle permettra de prendre le chemin d'une concurrence plus saine et équitable sur le marché du transport routier et de réduire de nombreuses dérives.
Par ailleurs, six articles concernent le monde maritime. L'article 16 a une forte dimension environnementale en ce qu'il permet de sanctionner les capitaines de navires ne respectant pas les seuils de teneur en soufre des combustibles marins, tels que fixés par la réglementation européenne. L'article 18 possède une dimension économique et sociale, car il vise à mettre les titres professionnels délivrés aux marins en parfaite conformité avec les exigences internationales - l'employabilité de nos marins à l'international sera ainsi garantie.
Le chapitre IV est consacré à la protection et à l'information environnementales. L'article 32 étend le champ des informations environnementales détenues par les autorités, auxquelles toute personne doit avoir accès. La France a été mise en demeure par la Commission européenne, à ce sujet, car elle ne garantissait pas l'accès à un périmètre assez large d'informations environnementales. C'est d'autant plus regrettable que l'accès à ces informations est garanti par la Charte de l'environnement et que ce sujet, qui relie démocratie participative et environnement, est des plus actuels.
Enfin, le texte comprend quelques articles relatifs à la prévention des risques. À titre d'illustration, l'article 26 vise à garantir le respect du système de quotas conçu par l'Union européenne, afin de réduire la circulation de fluides frigorigènes. Ces substances, que nous retrouvons quotidiennement dans nos réfrigérateurs et nos systèmes de climatisation, ont un pouvoir de réchauffement climatique 1 000 à 15 000 fois plus puissant que le CO2.
Permettez-moi de vous présenter brièvement les amendements que je souhaite vous soumettre. Ils s'inscrivent dans trois logiques.
Premièrement, une série d'amendements vise à assurer une plus stricte conformité de notre droit à la réglementation européenne, afin de garantir l'exemplarité de la France.
À l'article 16, qui prévoit de réduire la teneur en soufre des combustibles marins, un amendement tend à clarifier la rédaction proposée par le Gouvernement, de manière à préciser, conformément à la directive européenne, que les navires fonctionnant en système ouvert et rejetant du soufre dans la mer n'ont pas le droit de dépasser une teneur en soufre maximale de 3,5 %.
À l'article 20, je vous proposerai de définir un temps de pause obligatoire pour les jeunes travailleurs à bord des navires de pêche, en vertu de ce qu'impose la réglementation européenne. Ces dispositions existaient jusqu'en 2010, mais elles ont été abrogées par erreur, par voie d'ordonnance... Je souhaite donc les rétablir.
Deuxièmement, je vous proposerai plusieurs amendements ayant pour objet de garantir une meilleure protection des acteurs concernés par ce projet de loi, ainsi qu'une prise en compte approfondie de l'environnement.
À l'article 1er, je suggérerai de préciser que les tests d'alcoolémie auxquels les personnels aériens peuvent être soumis doivent être mis en oeuvre dans le respect du secret médical. Mon objectif est de garantir la confidentialité de ces tests, qui peuvent porter sur des substances faisant l'objet de prescriptions médicales.
À l'article 6, un amendement confortera les pouvoirs de l'Autorité de régulation des transports (ART), en prévoyant un pouvoir de collecte des informations dans le domaine aérien analogue à celui qui existe pour le transport ferroviaire. Cet amendement sera propice à garantir une meilleure transparence économique du secteur aéroportuaire et ira dans le sens d'une sécurisation des relations entre les compagnies aériennes et les grands aéroports, comme Aéroports de Paris (ADP).
À l'article 22, relatif aux transports routiers, je vous proposerai de préciser que l'obligation de conserver les documents permettant d'attester du respect du droit au retour des conducteurs étrangers dans leur pays d'établissement, par les entreprises de transport, ne s'applique que pendant une durée limitée, laquelle sera fixée par voie réglementaire.
S'agissant de la prise en compte de l'environnement, je soumettrai un amendement, à l'article 16, prévoyant que, lorsqu'un navire se dote d'équipements permettant de déroger aux plafonds de teneur en soufre, il ne peut avoir d'incidence négative sur l'environnement. Au travers de cette proposition, je souhaite lutter plus efficacement contre les scrubbers, ces épurateurs de fumée installés à bord de certains navires qui permettent de respecter les normes de pollution de l'air en rejetant le soufre à la mer, avec toutes les conséquences désastreuses que cela implique pour les écosystèmes marins.
Troisièmement, enfin, je présenterai plusieurs amendements destinés à mieux garantir l'effectivité du texte.
À l'article 17, relatif à la formation des marins, et à l'article 23 qui concerne le détachement des conducteurs routiers, je proposerai de corriger des erreurs de référence.
Dans la même logique, à l'article 24 qui prévoit de pérenniser l'autorisation des installations construites au niveau du tunnel sous la Manche, pour tirer les conséquences du Brexit, je propose d'apporter une clarification juridique en introduisant une référence au code de l'urbanisme.
S'agissant de la partie sur la prévention des risques, je vous proposerai de regrouper les articles 25 à 27 au sein d'un chapitre spécifique, afin de clarifier l'architecture du texte. Je vous soumettrai, par ailleurs, un amendement opérant des améliorations rédactionnelles à l'article 25 relatif aux sanctions en matière de pollution au mercure : cela permettra de consolider les dispositions proposées dans le code de l'environnement.
Enfin, dans un souci de garantir un bon ordonnancement juridique, je soumettrai un amendement portant article additionnel après l'article 24, prévoyant la ratification de diverses ordonnances dans le domaine du transport maritime, publiées en 2020 et en 2021.
J'indique qu'un amendement déposé par M. Lahellec à l'article 21, portant sur la soumission des périodes d'activité partielle au versement de cotisations vieillesse pour les marins, a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.
Concernant le périmètre pour l'établissement du texte, en application de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du Règlement du Sénat, je vous propose de retenir l'adaptation de notre droit au droit de l'Union européenne, en particulier concernant le contrôle d'alcoolémie ou d'autres substances psychoactives sur les équipages dans le transport aérien ; la limite d'âge des pilotes dans le transport aérien commercial ; la déclaration de certaines activités aériennes ; l'usage de drones civils et la surveillance du marché des drones ; le transport de marchandises dangereuses ; les redevances aéroportuaires ; l'organisation de liaisons aériennes soumises à des obligations de service public ; la vérification des antécédents des personnels du secteur aérien ; le régime de responsabilité des transporteurs aériens ; les sanctions édictées en cas d'intrusion sur le « côté piste » d'un aéroport ou à l'encontre des passagers indisciplinés.
Par ailleurs, je vous propose de prendre aussi en compte le télépéage, le contrôle de la teneur en soufre des combustibles marins, les exigences de qualification et d'expérience pour la formation des gens de mer, la surveillance du marché des équipements marins, le travail des jeunes à bord des navires, le temps de conduite et de repos des conducteurs routiers et les modalités d'accès au marché du transport routier, ainsi que le détachement des conducteurs routiers.
Nous retiendrons également la mise en oeuvre de sanctions au règlement européen relatif au mercure et de sanctions au règlement européen relatif aux fluides frigorigènes ; les polluants organiques persistants, les échéances d'atteinte du bon état des eaux ; la procédure d'agrément des installations d'assainissement non collectif ; les captures et les mises à mort accidentelles d'espèces protégées ; l'accès du public à l'information environnementale ; les transports et l'environnement ; le contrôle des obligations liées au devoir de diligence des importateurs à l'égard de la chaîne d'approvisionnement de l'étain, du tantale et du tungstène, de leurs minerais et de l'or provenant de zones de conflit ou à haut risque et la fixation des règles applicables aux infractions ; la lutte contre les abus de marché ; les règles applicables en matière de prestations de services de lettres recommandées électroniques ; les compétences des autorités européennes de surveillance et les obligations des autorités nationales de contrôle envers celles-ci ; la promotion de l'accès aux marchés de capitaux.
Je vous propose enfin d'inclure les sujets suivants : le champ de compétences de l'Autorité de régulation des transports en matière de régulation du secteur aéroportuaire et la mise en oeuvre de ces compétences ; les pouvoirs des organismes ou des personnes habilités par le ministre des transports en matière de constatation des infractions aux règles de sécurité aérienne ; le champ de compétences de l'ART en matière de télépéage ; les adaptations de notre droit aux conséquences du Brexit en matière d'exploitation de casinos en mer, ainsi qu'en matière d'activité partielle et de droits à pension des marins pour atténuer les effets de la crise sanitaire ; la facilitation des échanges avec le Royaume-Uni au niveau de la liaison fixe transmanche ; l'identification des actionnaires ; les règles applicables aux systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers ; le contrôle du respect des dispositions des actes législatifs de l'Union européenne en matière de marché européen des paiements unifié ; l'adaptation de notre droit aux actes législatifs de l'Union européenne modifiant les compétences des autorités européennes de surveillance et les obligations des autorités nationales de contrôle envers celles-ci ; les règles applicables aux dépositaires centraux de titres ; les règles relatives au financement participatif ; la ratification d'ordonnances prises en matière de transports ou d'environnement.
Hier matin, la commission des affaires étrangères a examiné l'article 28 relatif aux minerais de conflit que vous avez bien voulu nous déléguer au fond.
Il vise à adapter, en droit national, les obligations liées au devoir de diligence à l'égard de la chaîne d'approvisionnement, pour les importateurs de l'Union qui importent de l'étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais ou de l'or provenant de zones de conflit ou à haut risque. C'est un sujet qui concerne à la fois notre diplomatie et notre industrie de défense. Ce règlement européen marque l'aboutissement d'une décennie de négociations internationales et européennes dans le cadre de la lutte contre le financement des guerres civiles et des groupes armés non étatiques, par le trafic de ces minerais.
En imposant un devoir de diligence aux importateurs, il instaure un système de traçabilité sur la chaîne d'approvisionnement de métaux dont les usages sont très variés dans l'industrie, l'électronique et les équipements civils. Le tungstène et le tantale constituent des matériaux stratégiques pour la Base industrielle et technologique de défense (BITD).
Ces dispositions étant d'application directe en droit national, le périmètre de l'adaptation se limite donc à l'organisation des contrôles et à la fixation des règles applicables aux infractions.
L'article 28 met en place un système de contrôles a posteriori du respect du devoir de diligence par les importateurs. En cas de manquement, l'autorité administrative peut enjoindre les intéressés à appliquer des mesures correctives sous peine d'exécution d'office et d'astreintes administratives pouvant aller jusqu'à 1 500 euros par jour de retard.
Le règlement privilégie l'incitation à la sanction. De ce fait, il peut soulever certains points de vigilance. Mais il ne nous est pas apparu souhaitable d'introduire un arsenal plus répressif, car ce n'est ni l'esprit ni la lettre du règlement : cela reviendrait à suradapter la législation nationale. D'ailleurs, la Commission européenne examinera, en 2023, l'efficacité du dispositif et appréciera s'il faut ou non renforcer le règlement et imposer des dispositions plus contraignantes.
Les amendements que la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter s'en tiennent donc strictement au périmètre de l'adaptation. Ils visent, d'une part, à préciser le périmètre des contrôles effectués par les agents habilités sur la documentation devant être tenue par les importateurs et, d'autre part, à s'assurer de la proportionnalité du montant des astreintes administratives à la gravité des manquements constatés et à la situation financière des importateurs concernés.
La commission des affaires étrangères a adopté quatre amendements.
L'amendement COM-6 permet aux agents chargés de contrôler le respect du devoir de diligence des importateurs de s'assurer que les intéressés tiennent la documentation démontrant qu'ils respectent leurs obligations.
Les amendements COM-7 et COM-8 sont rédactionnels.
L'amendement COM-9, quant à lui, vise à s'assurer de la proportionnalité du montant de l'astreinte administrative à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de l'importateur. En effet, les entreprises concernées sont principalement des petites et moyennes entreprises (PME), voire des très petites entreprises (TPE). Nous devons donc conforter les entreprises, dans le respect du devoir de diligence, sans les fragiliser.
La commission des finances est saisie au fond sur le dernier des cinq chapitres, qui rassemble les dix articles portant sur le droit économique et financier. Il me semble que l'on peut distinguer deux catégories d'articles.
La première catégorie comporte des dispositions techniques visant à corriger des erreurs et omissions ou à remédier à des difficultés survenues postérieurement à leur entrée en vigueur. Elles font donc suite à de précédentes transpositions en droit interne des évolutions du droit de l'Union européenne ou à des aménagements décidés pour préparer la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est le cas des articles 33, 37, 38, 39, 40 et 42.
Après un examen approfondi, ces articles, de nature essentiellement technique, ne nous ont pas paru poser de difficultés et ont donc uniquement fait l'objet de trois amendements rédactionnels et de coordination.
La seconde catégorie rassemble à l'inverse des dispositions visant à adapter notre droit économique et financier à de nouvelles évolutions du droit de l'Union européenne. C'est le cas des articles 34, 35, 36 et 41.
Alors que notre pays s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne, il a manifestement la volonté de démontrer qu'il est exemplaire en matière de transposition du droit communautaire, ce qui me paraît légitime.
Sur les quatre articles, deux procèdent à des transpositions « en dur », tandis que deux autres sollicitent une habilitation à légiférer par ordonnances.
Ainsi, les articles 34 et 35 transposent directement deux articles d'une même directive de 2019, qui mettent en oeuvre les conclusions de l'exercice de revue des autorités européennes de supervision mené en 2019. Ils ne soulèvent pas de difficultés et ont seulement fait l'objet de deux amendements rédactionnels. Sur les deux articles sollicitant une habilitation à légiférer par ordonnances, nous avons fait preuve d'une grande vigilance et vérifié qu'ils se justifiaient par l'absence de marge de manoeuvre du législateur et par l'impossibilité d'intégrer directement dans la loi les mesures de transposition. Il nous a semblé que ces deux conditions étaient remplies pour l'article 36, qui vise à transposer la série de mesures de relance par les marchés des capitaux portée par la directive 2021/338 du 16 février 2021. À l'inverse, l'article 41 nous a paru emporter un risque majeur de dessaisissement du Parlement. Il prévoit d'habiliter le Gouvernement non seulement à mettre notre droit national en conformité avec le nouveau règlement européen sur le financement participatif adopté en octobre 2020, mais également à « adapter et moderniser » les dispositions encadrant les activités de financement participatif ne relevant pas du droit européen.
En effet, le règlement européen n'encadre qu'une partie des activités de financement participatif aujourd'hui admises en droit interne. En particulier, son champ exclut les dons et les prêts sans intérêt, les minibons, les projets non lucratifs des collectivités ou des associations ou encore les projets lucratifs d'un montant supérieur à 5 millions d'euros.
Or il ressort de nos auditions que le Gouvernement pourrait profiter de cette habilitation très large pour durcir les conditions d'exercice, voire supprimer certaines activités de financement participatif n'entrant pas dans le cadre européen. De tels choix, lourds de conséquences pour les acteurs concernés, et nullement imposés par le législateur européen, doivent faire l'objet d'un débat public et nous semblent relever par essence d'un vote du Parlement.
Aussi, afin d'éviter tout dessaisissement du Parlement, la commission des finances a adopté un amendement visant à restreindre le champ de l'habilitation à la mise en conformité avec le règlement européen et à des évolutions ciblées des activités nationales attendues de longue date par les acteurs. Concrètement, une telle restriction aurait pour conséquence de contraindre le Gouvernement à préserver les activités non régulées par le droit européen. Si un besoin de simplification apparaissait à l'usage, il serait toujours temps de revenir devant le Parlement pour procéder aux aménagements nécessaires.
En complément, un deuxième amendement vise à modifier directement les conditions d'accès au financement participatif des collectivités territoriales, afin d'apporter des clarifications et des assouplissements attendus avec impatience par l'Association des maires de France et les plateformes de financement participatif.
Au total, la commission des finances a adopté sept amendements, dont cinq rédactionnels - COM-35, COM-36, COM-37, COM-38 et COM-41, et deux amendements de fond - COM-39 et COM-40.
Ce qui vient de nous être dit concernant l'article 41 renforce notre conviction qu'il faut faire preuve de la plus grande vigilance lorsque l'on autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances.
Un certain nombre de mesures prévues dans ce texte nous paraissent liberticides. Je pense à l'article 9, qui aurait pu figurer dans la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Je pense également aux dispositions relatives à l'invasion des pistes, car on préjuge des intentions de l'auteur des faits. Ces dispositions ont justifié le dépôt de deux amendements.
Nous avons également déposé un amendement sur l'article 21, qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Permettez-moi néanmoins d'évoquer le problème que pose cet article.
La transposition en l'état de la disposition à compter du mois de mai 2021 aboutit en réalité à ne pas prendre en compte les activités professionnelles partielles intervenues depuis seize mois et à sanctuariser la non-satisfaction d'une revendication pourtant reconnue comme légitime, si l'on s'en réfère aux déclarations de Mme Borne sur le chômage partiel. M. le rapporteur a bien voulu rappeler l'avancée sociale que constitue la reconnaissance de ce dispositif, mais l'inscrire en l'état dans la loi, alors que les mesures de chômage partiel sont réputées être éligibles pour le droit à la retraite, me paraît être un problème, surtout dans le contexte que nous connaissons. Je ne comprends pas que le Gouvernement n'ait pas pris de dispositions pour le régler.
Ce projet de loi est particulièrement dense et disparate. Si l'harmonisation des régimes de responsabilité des transporteurs aériens, le dépistage de l'alcool et des substances psychotropes des équipages, l'extension de l'application des règles sur le transport aérien des matières dangereuses sont des mesures positives, le renforcement de la répression des intrusions sur les pistes nous paraît excessif et démesuré. Il vise des manifestations peu fréquentes. Il nous semble qu'il s'agit là d'envoyer un signal politique outrancier plutôt que de répondre à un problème de sécurité.
Les autres dispositions sur l'aérien nous paraissent aller dans le bon sens.
En matière de transports terrestres et dans le domaine maritime, les dispositions sur les jeunes travailleurs des navires restreignant leur repos obligatoire sont une régression. Ce n'est pas le cas des dispositions sur les temps de conduite et de repos des conducteurs routiers et en matière de lutte contre les pratiques abusives de cabotage, qui sont positives.
Nous approuvons les dispositions visant à faire respecter par les entreprises qui importent des minerais provenant des zones de conflit leurs obligations liées au devoir de diligence.
Enfin, le groupe écologiste, sur l'initiative de Ronan Dantec, a proposé un amendement visant à instaurer une clause de rattrapage permettant de soumettre à une évaluation environnementale les projets pouvant avoir une incidence notable sur l'environnement, même s'ils sont en-deçà des seuils et critères requis.
J'ai les mêmes interrogations que vous sur l'article 9, mais ce dernier a davantage sa place dans le présent texte que dans la loi Sécurité globale, qui porte sur les transports intérieurs, compte tenu du caractère plus global et européen du secteur aéroportuaire.
Je suis également d'accord avec vous sur l'article 21 : il était possible de trouver un équilibre, compte tenu des annonces du Gouvernement depuis mars 2020. Malheureusement, comme vous, on m'a opposé l'argument de l'article 40 de la Constitution. D'après les informations recueillies en audition, entre quarante et cinquante personnes pourraient être concernées. J'attends sur ce point une liste détaillée, que je n'ai pas obtenue. Il est clair toutefois que ce vecteur législatif est nécessaire afin de permettre au Gouvernement de répondre rapidement à ces personnels.
Nous avons examiné les repos obligatoires avec les syndicats, pour qui ils ne posent pas de difficultés. Ces mesures, qui permettent de tenir compte de l'organisation du travail maritime et de la formation, font consensus.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-21 rappelle la nécessité de respecter la vie privée et le secret médical lors de la mise en oeuvre des tests, notamment des tests de dépistage des substances psychoactives pouvant faire l'objet de prescriptions médicales. Cela va mieux en le disant ! Nous avons été alertés par divers syndicats de personnels navigants et de pilotes sur ce point, sachant que de faux positifs sont possibles.
Quand un pilote est contrôlé positif, a-t-il une possibilité de recours ?
Un deuxième test pourra être effectué, mais je demanderai que cela nous soit confirmé.
L'amendement COM-21 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM -22.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
La rédaction de l'article 2 ne me semble pas claire : que se passe-t-il, lorsque les deux pilotes ont plus de 60 ans ? Est-ce une situation possible ?
Article 3
L'amendement rédactionnel COM-25 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 4 et 5
Les articles 4 et 5 sont adoptés sans modification.
Article 6
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'amendement COM-31 vise à permettre à l'Autorité de régulation des transports de collecter régulièrement des données économiques et financières auprès des aéroports relevant de son champ de compétence, afin d'exercer efficacement sa mission d'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires.
L'amendement COM-31 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
L'article 7 est adopté sans modification.
Article 9
Article 10
Même avis pour l'amendement COM-11.
Par rapport aux éléments que j'ai indiqués tout à l'heure, j'ajoute que plusieurs pays, en particulier l'Espagne et l'Allemagne, ont adopté des mesures encore plus répressives que celles qui sont prévues à cet article et que ces mesures reprennent en fait ce qui existe pour les intrusions sans autorisation dans une zone d'accès restreint d'un port. Il ne me semble donc pas pertinent de supprimer cet article.
Je suis troublé par le caractère disproportionné de certaines mesures contenues dans cet article. Par exemple, le fait de s'introduire dans la zone « ?côté piste » d'un aéroport et les tentatives de le faire sont sanctionnées par les mêmes peines.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
Les amendements rédactionnels COM-28, COM-29 et COM-30 sont adoptés.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 11 et 12
Les articles 11 et 12 sont adoptés sans modification.
Article 13
Articles 14 et 15
Les articles 14 et 15 sont adoptés sans modification.
Article 16
L'amendement COM-13 vise à clarifier les plafonds de teneur en soufre applicables aux navires mettant en oeuvre des méthodes de réduction des émissions. Il s'agit, comme je le disais tout à l'heure, de la dérogation liée à la teneur maximale en soufre de 3,5 %.
L'amendement COM-13 est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 17
Articles 18 et 19
Les articles 18 et 19 sont adoptés sans modification.
Article 20
L'amendement COM-12 vise à supprimer l'alinéa 4 de cet article afin de maintenir une période de repos obligatoire allant de minuit à 5 heures du matin pour les jeunes travailleurs à bord des navires. Avis défavorable.
Je ne crois pas qu'on puisse dire que réduire la période de repos des jeunes à bord des navires de minuit à 4 heures au lieu de minuit à 5 heures constitue un grand progrès social... En outre, il n'est pas certain que cette mesure soit conforme au droit européen.
J'ai parlé de cette question dans mon intervention liminaire. En tout cas, la mesure visée par cet amendement est parfaitement conforme à la directive 94/33/CE relative à la protection des jeunes au travail.
Je maintiens quand même cet amendement parce qu'on ne peut vraiment pas dire que cette mesure soit une avancée...
L'amendement COM-12 n'est pas adopté.
Article 21
L'article 21 est adopté sans modification.
Article 22
Article 23
Article 24
L'amendement COM-20 opère une précision rédactionnelle. L'amendement COM-2 vise à créer une dérogation à la loi littoral s'agissant des infrastructures liées au tunnel sous la Manche. Avis défavorable. L'amendement de repli COM-4 concerne le même sujet. L'avis est également défavorable.
L'amendement rédactionnel COM-20 est adopté.
Les amendements COM-2 et COM-4 sont sans objet.
L'article 24 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 24
Article 25
Articles 26 et 27
Les articles 26 et 27 sont adoptés sans modification.
Article 28
L'examen de l'article 28 a été délégué au fond à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Articles 29 à 32
Les articles 29, 30, 31 et 32 sont successivement adoptés sans modification.
Article additionnel après l'article 32
L'amendement COM-3 vise à introduire dans le droit français une clause de rattrapage afin de soumettre des projets de petite taille à une évaluation environnementale.
L'avis est défavorable parce que le Conseil d'État n'appelle pas le législateur à intervenir. Il revient selon lui au Gouvernement de prendre des mesures réglementaires pour mettre en conformité notre droit avec la directive 2011/92/CE.
Pour autant, je souhaite interroger le Gouvernement sur les conséquences qu'il entend tirer de la décision du Conseil d'État d'avril dernier.
J'avais déjà déposé un amendement de ce type, lorsque Mme Borne était ministre de la transition écologique. Or il se trouve que, le 15 avril dernier, le Conseil d'État a annulé le décret du 4 juin 2018 modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l'évaluation environnementale.
Dans le droit actuel, l'autorité environnementale est saisie selon des critères quantitatifs qui ne sont pas toujours pertinents : la localisation d'un projet, quelle que soit la taille de celui-ci, peut être tout aussi importante en termes d'impact sur l'environnement.
C'est pourquoi cet amendement prévoit la mise en place d'une clause que j'appellerais « ?filet ». Je comprends l'argument du rapporteur sur la hiérarchie des normes, mais à ce stade du dossier, il me semble préférable de passer par la loi pour régler le problème.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Article 33
Les articles 33 à 42 du projet de loi ont été délégués au fond à la commission des finances.
Article 34
L'amendement rédactionnel COM-36 est adopté.
L'article 34 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 35
L'amendement rédactionnel COM-37 est adopté.
L'article 35 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 36 et 37
Les articles 36 et 37 sont adoptés sans modification.
Article 38
Articles 39 et 40
Les articles 39 et 40 sont adoptés sans modification.
Article additionnel après l'article 40
Article 41
L'amendement COM-39 vise à clarifier et assouplir les conditions d'accès des collectivités territoriales au financement participatif.
L'amendement COM-39 est adopté.
L'amendement COM-40 vise à restreindre le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances prévu à cet article.
L'amendement COM-40 est adopté.
L'article 41 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.