La norme, c'est ce que nous produisons ici, en tant que parlementaires, mais c'est également ce que nous chassons. Au-delà du nécessaire nettoyage auquel nous procédons de manière ponctuelle, nous souhaitons participer de manière collective à un changement de culture. Ce changement s'opère autour de ce que j'appelle un objectif d'efficacité de l'action publique et de la norme utile, qui s'oppose à la norme contreproductive, quand elle bloque l'action publique. Nous sommes un certain nombre d'acteurs à intervenir autour de la norme, et il convient que nous échangions sur ce partage de culture, évoqué avec le président du Centre national d'évaluation des normes (CNEN) Alain Lambert, le vice-président Rémi Pointereau et Mme la ministre Amélie de Montchalin, que nous avons vue récemment.
Je dois vous préciser que cette séquence est filmée. Je vous prie d'excuser ceux qui ne sont pas présents. Un collègue sénateur d'Avignon devra nous quitter tout à l'heure en raison du drame qui s'est produit hier. En solidarité avec lui et avec les policiers, je vous propose de respecter une minute de silence.
Les travaux que nous conduisons sur la norme répondent à une demande du président du Sénat, qui a spécifiquement missionné notre délégation. Nos efforts portent leurs fruits. Nous aurons l'occasion de parler également de l'évaluation de l'action publique. En effet, 80% des dispositions portées par notre collègue Rémy Pointereau dans une proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme ont été intégrées dans le champ du droit. De même, les dispositions du Pacte national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs ont été reprises dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Cependant, un long chemin reste à parcourir, notamment du point de vue culturel. Il conviendrait qu'ensemble, nous tous, acteurs gravitant autour de la norme, procédions à un changement de logiciel, pour une frugalité et une excellence normative, plutôt qu'une submersion. Dans ce cadre, parce que beaucoup d'entre nous ont été élus locaux, nous mesurons le rôle clé tenu par vos écoles, qui sont emblématiques de notre système de sélection et d'excellence. Elles se situent au coeur de la question de la simplification car vous formez ceux qui écriront les normes, ceux qui les mettront en oeuvre, ceux qui les interpréteront également dans les prétoires, avec plus ou moins de souplesse et d'intelligence des réalités de terrain. Il nous intéresse de savoir quelle place occupe cette préoccupation dans la pédagogie et les contenus enseignés dans vos écoles.
Lors d'un récent colloque organisé par le président du CNEN, M. Patrick Gérard nous avait présenté les évolutions de l'ENA en matière de légistique. Pouvons-nous dire aujourd'hui que tous les élèves de l'ENA, comme ceux de l'INET, suivent des modules de simplification législative, réglementaire et administrative, sous forme théorique et d'étude de cas, en visant un objectif qui doit être celui de tous ceux qui contribuent à l'action publique : l'efficacité de cette action ?
Très récemment, notre délégation a organisé une consultation nationale des élus, que nous rendrons publique la semaine prochaine. Cette idée de renforcer la simplification a reçu une très large adhésion de la part des élus locaux. Comment l'enjeu de simplification est-il appréhendé ? Des élus locaux sont-ils sollicités pour venir concrètement expliquer les difficultés rencontrées face au foisonnement des normes, leur complexité et leur contradiction ? L'ENA a mis en place des stages en préfecture et en entreprise, ce qui est une excellente chose. Les stages en territoire existent, mais nous avions une idée à suggérer que le président de la République n'a pas du tout évoqué dans son intervention du 8 avril dernier lors de la Convention managériale : pourquoi ne pas prévoir une sortie d'école systématique en collectivité ou en administration déconcentrée, hors des métropoles, pour une durée limitée, mais suffisante ? De son côté, la Conférence des présidents d'université a souligné combien il est important d'organiser la formation à l'Institut du service public (ISP) en se fondant sur une alternance touchant tous les territoires de la République dans leur diversité, et pas seulement les préfectures ou les chefs-lieux où elles sont implantées.
S'agissant de l'INET, le développement d'une culture commune des difficultés de terrain pourrait également s'appliquer. Au-delà des stages d'ouverture d'un mois, ne pourrait-on envisager un passage obligé après la sortie de l'école, ou en tout cas tôt dans la carrière, au service de l'État ?
Enfin, je souhaiterais évoquer la formation continue. La formation tout au long de la vie professionnelle nous semble aujourd'hui constituer une exigence. Comment distinguez-vous les deux volets de la formation et quelle action menez-vous dans le domaine de la formation continue ?
Pour conclure, il ne s'agit pas pour nous d'opposer les fonctionnaires de l'État et ses grands serviteurs, qui sont, je le dis à titre personnel pour avoir exercé des fonctions délocalisées, de très grande qualité : ils accompagnent les élus pour trouver des solutions et ce sont donc des facilitateurs en interprétation de la norme. Cependant, leur action est souvent dépourvue de ce facteur d'efficacité que les élus connaissent, eux, très bien : l'obligation de résultat. Il nous semble qu'il existe un manque de sens concret ou d'étude d'impact de la norme. Quel sera le résultat de la norme et permettra-t-il d'atteindre l'objectif d'efficacité de l'action publique ? Comment peut-on partager ce souci, comment pouvons-nous et pouvez-vous contribuer à propager cette culture professionnelle, afin qu'elle devienne pour nous comme une seconde nature ?