Intervention de Franck Périnet

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 6 mai 2021 à 9h30
Audition de Mm. Patrick Gérard directeur de l'école nationale d'administration ena et franck périnet directeur de l'institut national des études territoriales inet

Franck Périnet, directeur de l'Institut national des études territoriales (INET) :

Sur la hiérarchie des grands corps, la sortie de l'INET ne suit pas le même modèle que celle de l'ENA. Cela me permet, par analogie, d'expliquer le modèle de l'INET et ses évolutions.

À leur sortie, les élèves de l'INET ne sont pas affectés ou classés. Ils portent un projet professionnel, une envie, qui dépendent de beaucoup de paramètres. Ils sont donc recrutés en fonction de ce projet, qui aura fédéré une équipe d'élus et l'exécutif dans les territoires. Ce recrutement permet à la fois un travail sincèrement collectif durant la scolarité et un champ moins normé à la sortie de l'école.

Un autre point important concerne l'évolution constatée quant aux postes occupés par les élèves de l'INET. Il y a quelques années, les élèves souhaitaient devenir directeur général des services, directeur des finances ou des ressources humaines. Je m'en étais étonné auprès d'eux. Aujourd'hui, tous les champs des politiques publiques de toutes les collectivités locales sont occupés par des élèves qui sortent de l'INET : la protection de l'enfance, l'insertion, les infrastructures, l'éducation, le sport, la culture, sont aujourd'hui investis avec passion et engagement par ces hauts fonctionnaires territoriaux. Cette belle évolution montre que la hiérarchie des corps n'existe pas.

J'en viens à la question de l'universalité de la norme. En travaillant dans différentes collectivités et territoires, nous réalisons que les normes ne sont pas forcément adaptées à telle ou telle situation, géographique ou sociale. Tout ce qui permettra d'améliorer la capacité que nous aurons à différencier la norme, à l'adapter de manière concrète pour un territoire, facilitera l'action et servira la décentralisation, c'est-à-dire la capacité des élus locaux à porter un projet sur un territoire donné.

Quand nous constatons qu'il est possible de s'écarter de l'égalité, au sens où tous les habitants de France ne se voient pas appliquer la même norme, le réflexe est de vouloir recentraliser, comme si la centralisation réglait le problème de l'uniformité. Il n'existe pas davantage de risque vis-à-vis de l'égalité dans la décentralisation que dans la centralisation.

Sur l'absence d'hétérogénéité des élèves de l'INET, nous partageons l'enjeu d'une plus grande diversité sociale et géographique. Pour le CNFPT, le continuum entre la formation à l'INET et la formation dans l'ensemble de la fonction publique territoriale constitue l'un des moyens d'améliorer cette diversité sociale. Cela explique mon insistance à bien considérer que l'INET n'est qu'un élément de l'activité du CNFPT. Notre action doit s'inscrire comme un continuum permettant aux fonctionnaires territoriaux dans les plus petites communes d'accéder au concours d'ingénieur en chef ou d'administrateur pour pouvoir occuper des fonctions plus importantes, s'ils le souhaitent.

Ce continuum permet d'améliorer la diversité. C'est dans ce même objectif de diversité que nous sommes engagés dans les classes préparatoires « talents » à Nantes et à Strasbourg avec l'ENA. La création par ordonnance du 3 mars 2021 de ce nouveau concours spécial permettra assurément une voie complémentaire permettant la diversité.

Sur la diversité, je me permets d'ajouter un élément. La diversité comprend plusieurs champs, dont le champ des disciplines. Celui-ci permettrait d'enrichir le profil de nos élèves. Le concours externe est assurément conditionné par la maîtrise des questions économiques, macro-économiques ou juridiques. C'est nécessaire, intéressant et utile. L'évolution des épreuves des concours permettrait d'ouvrir plus largement le champ des disciplines, permettant à d'autres étudiants ayant suivi d'autres parcours dans d'autres disciplines de venir enrichir les bancs de l'INET. Surtout, elle permettrait d'avoir auprès des élus des regards croisés, pas seulement issus de raisonnements juridiques, économiques, sociologiques, géographiques, historiques ou psychologiques. Toute discipline peut servir l'action publique locale.

La dernière question a trait à la capacité que nous avons à faire remonter l'incohérence ou l'imperfection de la norme. Quand je disais que nous apprenons à nos élèves à agir en milieu complexe, c'est presque un paradoxe qui peut les conduire à se satisfaire de la complexité. Nous devons garder cette capacité à douter, à remettre en question, à ne pas nous satisfaire de la complexité qui peut valoriser. Ce paradoxe invite à plus d'observation et de dialogue dans les territoires, entre les départements, les intercommunalités et les communes, afin de faire remonter les incohérences ou les imperfections.

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