ministre déléguée auprès du premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. - Mesdames et Messieurs les rapporteurs, Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs, bonjour à toutes et tous, je me réjouis de vous retrouver.
Permettez-moi de saluer le travail que vous menez sur la situation des femmes dans les territoires ruraux. La France ne saurait délier son histoire, sa culture et ses traditions de la ruralité. L'histoire de notre pays se conjugue avec sa terre, ses reliefs, ses paysages et sa myriade de petites communes. La ruralité en est à la fois l'âme et la mémoire.
Comme vous le savez, l'égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat du Président de la République. Elle se traduit notamment par un travail interministériel important, sous l'autorité du Premier ministre, afin que l'ensemble des politiques publiques que nous menons irrigue tous les secteurs ministériels et tous les territoires.
La question de la situation des femmes dans les territoires ruraux, qui nous réunit aujourd'hui, n'échappe pas à cet enjeu. Cette situation est souvent mal connue. Ces femmes sont confrontées à des formes multiples et croisées de discriminations, d'injustices, de violences, qui sont liées à l'accès à la propriété foncière, au manque d'accès aux services de santé, aux transports, et à un accès plus restreint à la justice, en comparaison avec les femmes des milieux urbains. Dans ce contexte, les femmes des territoires ruraux sont davantage victimes d'inégalités.
Ces inégalités se manifestent aussi dans l'emploi. Les statistiques démontrent que le risque d'être touchée par le chômage et la précarité est plus important pour les femmes vivant dans les territoires ruraux. Si ces territoires sont moins frappés par le chômage, ils enregistrent cependant une différence de taux entre les deux sexes bien plus importante. Les femmes occupent davantage d'emplois précaires. Dans les communes rurales les moins denses, 21 % des femmes salariées ont un contrat précaire contre 13 % dans les communes les plus urbaines. Elles sont davantage concernées par le travail à temps partiel. Les territoires ruraux se distinguent aussi par une offre d'emploi moins mixte qu'en ville. Les femmes sont ainsi concentrées dans certains secteurs, moins valorisés et moins rémunérés.
Cette situation accroît la pauvreté des femmes en milieu rural. Pour pallier cette précarité, mon ministère est très volontariste et promeut l'égalité professionnelle et l'entrepreneuriat des femmes.
Nous avons récemment signé un accord-cadre triennal avec Bpifrance, afin de développer la création et la reprise d'entreprises par des femmes. Il est décliné dans chaque région par l'intermédiaire de plans d'action régionaux proposant des actions spécifiques sur l'ensemble du territoire, notamment en zone rurale.
Nous soutenons le réseau Femmes des territoires, avec lequel j'ai récemment échangé. Cette association réunit toutes les femmes entrepreneures en milieu urbain comme rural, en créant un réseau d'entraide et de partage de bonnes pratiques.
Nous développons également des actions d'insertion par l'activité économique, pour accompagner les femmes vers l'emploi durable. Nous avons créé, avec l'Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) et les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), un grand programme « égalité » permettant aux jeunes en service civique de développer l'accès des femmes aux parcours d'insertion par l'activité économique.
La question de l'emploi pérenne et de la mixité est donc un enjeu clé pour l'autonomisation et l'émancipation des femmes vivant en zone rurale.
Permettez-moi de m'arrêter un instant sur l'agriculture, secteur économique capital de nos territoires ruraux. Si de grands progrès ont été accomplis ces dernières années, si nous sommes passés de la femme d'agriculteur à la femme agricultrice, force est de constater que de fortes inégalités subsistent entre les femmes et les hommes. Seuls 25 % des plus de 460 000 chefs d'exploitations sont des femmes. Certes, elles n'étaient que 8 % en 1970 mais ces chiffres stagnent depuis vingt ans. Les femmes ne représentent que 17 % des salariés de ce secteur. Pourtant, celles qui choisissent cette voie y réussissent parfaitement, à l'instar de Mme Varache, éleveuse et productrice de lait dans l'Yonne, que j'ai rencontrée il y a quelques jours. Qu'il s'agisse des revenus de l'exploitation ou de la surface cultivée, les femmes exploitantes agricoles ont globalement un potentiel économique largement inférieur à celui des hommes.
Si la parité est presque atteinte dans l'enseignement agricole, le choix de l'orientation reste encore très genré. Les filles choisissent majoritairement le secteur des services à la personne alors que les garçons se tournent davantage vers des secteurs d'aménagement, de travaux forestiers ou paysagers, souvent plus rémunérateurs. Cette différenciation a des conséquences négatives sur le parcours professionnel des femmes, encore trop souvent cantonnées dans des secteurs moins rémunérateurs, qui embauchent moins, dans des conditions souvent plus précaires.
Les stéréotypes persistants, qui sont la racine de ces inégalités partout dans notre pays, doivent être combattus avec détermination. Les freins existants sont avant tout sociétaux. Non, il n'existe pas de métier typiquement masculin. Oui, la mixité des filières est une nécessité. Oui, les femmes peuvent exercer toutes les activités du monde agricole. Elles l'ont prouvé par le passé, et le démontrent encore tous les jours. Il s'agit selon moi non seulement d'un enjeu de justice, mais aussi de performance. Le monde agricole, confronté à une crise des vocations, a absolument besoin de ces femmes. Depuis plusieurs années, le ministère de l'agriculture est mobilisé pour attirer davantage de jeunes filles dans les filières de production. Nous avons par exemple signé une nouvelle convention interministérielle à l'égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif pour la période 2019-2024, avec pour optique d'établir une plus grande mixité dans l'orientation et dans la formation.
Le Gouvernement a également ouvert, depuis le 1er janvier 2019, la possibilité pour les exploitantes agricoles de bénéficier d'indemnités journalières en cas de maternité, lorsqu'elles n'ont pas la possibilité de se faire remplacer. La durée minimale du congé maternité est passée à huit semaines pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles, dont deux semaines de congé prénatal, à l'instar de ce qui s'applique aux salariées. Ces progrès visent à permettre aux agricultrices de mieux concilier leurs activités professionnelles et leur vie personnelle, et ainsi faciliter leur quotidien et susciter plus de vocations. C'est une ambition forte que je partage avec le ministre de l'agriculture Julien Denormandie.
Au-delà de l'égalité professionnelle, la question de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue l'un des piliers de la grande cause de quinquennat. Ce pilier s'est notamment concrétisé au travers du Grenelle contre les violences conjugales en 2019. Ce combat est un défi culturel mobilisant l'ensemble du Gouvernement. Il doit mobiliser toute notre société.
Si les violences au sein du couple touchent tous les milieux sociaux, force est de constater que les victimes vivant en milieu rural se heurtent à des difficultés supplémentaires. Elles sont tout d'abord confrontées à un isolement plus accentué, du fait notamment d'une moindre anonymisation. Il est plus difficile pour une victime de porter plainte ou de se confier à un professionnel dans un réseau social d'interconnaissances. Cet environnement a tendance à accroître la peur, la honte, la stigmatisation, et surtout à renforcer le repli des victimes. S'y ajoute le fait que les droits et dispositifs de prise en charge des victimes y sont moins connus qu'en ville. Le tissu associatif dédié est également moins développé et moins accessible. À cette notoriété et ce maillage réduit se conjuguent une disponibilité moindre des services publics et un déficit de professionnels, notamment de la santé. S'y ajoutent également des difficultés de mobilité exacerbées par la moindre présence des transports en commun et par une précarité économique et financière accentuée.
En d'autres termes, les victimes sont plus isolées, moins protégées, moins soutenues et moins accompagnées. Dans ce contexte, je milite ardemment pour que le maillage territorial des associations de prise en charge des victimes soit beaucoup plus étoffé.
Nous devons également améliorer la connaissance des dispositifs d'écoute et d'accompagnement des victimes à travers une communication dans les lieux de proximité, qu'il s'agisse des pharmacies, des commerces ou des cabinets médicaux.
Mesdames et Messieurs, je le réaffirme devant vous, l'égalité entre les femmes et les hommes est une véritable priorité de ce Gouvernement. Elle n'est pas négociable. Si des progrès ont été accomplis depuis 2017, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Comme vous l'avez affirmé, Madame la présidente, je considère qu'il est capital d'articuler les politiques de notre agenda rural avec celles menées en matière d'égalité femmes-hommes. Cette conviction profonde explique notre présence devant vous aujourd'hui. Oui, ruralité rime aussi avec parité. Notre ambition d'égalité doit s'appliquer partout sur le territoire, sans aucune exception.
Merci de votre attention.