Mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le rapport d'information de notre collègue Claudine Lepage sur l'égalité femmes-hommes, enjeu de l'aide publique au développement (APD).
À la suite de l'annonce par le Gouvernement d'une réforme de l'aide publique au développement, notre délégation avait en effet décidé, au cours de la précédente session, le 21 novembre 2019, d'inscrire à son programme de travail une réflexion sur l'égalité femmes-hommes comme enjeu de l'aide publique au développement.
En amont de la discussion du futur projet de loi, alors présenté par le Gouvernement comme « projet de loi d'orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale », et en concertation avec les principaux acteurs, associatifs et institutionnels, intervenant dans le champ de la politique de développement international, notre objectif était double :
- nous souhaitions tout d'abord dresser un état des lieux et un bilan de notre politique de coopération et de développement du point de vue de l'égalité femmes-hommes ;
- mais nous voulions aussi ébaucher des pistes d'évolution pour orienter au mieux le financement de l'APD vers des projets favorables à l'autonomisation des femmes et au renforcement de leurs droits.
Le choix de cette thématique s'inscrivait, en outre, dans la continuité de plusieurs travaux récents de la délégation portant sur les droits des femmes à l'international, parmi lesquels je citerai notamment :
- la table ronde du 11 octobre 2018 sur les droits des filles, le rapport sur le mariage des enfants et les grossesses précoces publié en janvier 2019 et la résolution adoptée par le Sénat à l'unanimité le 14 mars 2019 dans le prolongement de ce travail ;
- la table ronde du 20 juin 2019 sur les enjeux du G7 en termes d'égalité femmes-hommes ;
- ou encore la table ronde du 28 novembre 2019 sur les violences faites aux femmes dans les territoires en conflit.
Pour mener à bien ce travail, la délégation a organisé deux événements en 2020 :
- une table ronde, le 23 janvier, consacrée à la thématique de l'égalité femmes-hommes comme enjeu de l'aide publique au développement ;
- un colloque, le 5 mars, quelques jours avant le début du premier confinement, sur le thème 25 ans après la Conférence mondiale de l'ONU sur les femmes à Pékin, où en sont les droits des femmes ?
Mais la crise sanitaire a suspendu le calendrier d'examen du projet de loi de programmation relatif à l'aide publique au développement de même que les travaux de la délégation sur cette thématique.
Avec l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale du texte désormais intitulé projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales au mois de février dernier et son adoption en première lecture le 2 mars, la délégation a repris ses travaux entamés il y a plus d'un an et entendu, en mars et en avril, à l'initiative de notre rapporteure Claudine Lepage, plusieurs acteurs concernés par la mise en oeuvre de la politique d'aide publique au développement : l'Agence française de développement (AFD), Unicef France, Coordination Sud, qui rassemble 175 ONG françaises de solidarité internationale, et l'association Oxfam France.
Je précise, en outre, que la délégation bénéficiera, par la voix de notre rapporteure, d'un temps de parole à part entière de cinq minutes au cours de la discussion générale du projet de loi en séance publique mardi 11 mai prochain.
Je laisse donc la parole à notre rapporteure afin qu'elle nous présente les principales conclusions de son rapport et je souhaite d'ores et déjà la remercier pour le travail qu'elle a mené sur cette thématique qui lui tient à coeur.
Merci Madame la présidente.
Chers collègues, vous l'avez rappelé, Madame la présidente, le 5 mars 2020, nous organisions notre dernier gros événement avant l'annonce du premier confinement en France : un colloque à l'occasion du 25e anniversaire de la Conférence mondiale de Pékin sur les droits des femmes. Nous tentions alors de répondre à cette question : 25 ans après la Conférence mondiale de l'ONU sur les femmes à Pékin : où en sont les droits des femmes ?
Si le constat dressé à l'époque par nombre de nos interlocuteurs était déjà pessimiste sur la réalité de l'avancée des droits des femmes dans certains pays, comment ne pas penser aujourd'hui que nous étions encore loin du compte il y a seulement un an ? La réponse à cette question est en effet aujourd'hui encore plus alarmante.
La pandémie de Covid-19 a exacerbé, à travers le monde, les inégalités de genre déjà à l'oeuvre avant le début de cette crise sanitaire, économique et sociale mondiale. Ainsi, ONU Femmes estime que cette pandémie pourrait avoir effacé, en une année seulement, les vingt-cinq ans de progrès réalisés en matière d'égalité femmes-hommes depuis la Conférence mondiale de Pékin.
Quelques chiffres me semblent assez marquants pour illustrer le chemin qu'il reste à parcourir :
- les femmes gagnent encore 20 % de moins que les hommes et 70 % des 1,2 milliard de personnes vivant avec moins de un dollar par jour sont des femmes ;
- deux tiers des adultes analphabètes sont des femmes et encore aujourd'hui , plus de 130 millions de filles de 6 à 17 ans ne vont pas à l'école alors qu'elles sont en âge d'être scolarisées ;
- des millions de filles et de femmes sont victimes de violences, de mariages forcés, de mutilations génitales et chaque trimestre de confinement, à l'échelle internationale, engendrerait 15 millions de cas supplémentaires de femmes et de filles exposées aux violences basées sur le genre.
Comme vous l'avez souligné dans votre propos introductif, Madame la présidente, notre délégation travaille depuis de nombreuses années sur les droits des femmes et des filles dans le monde. Tous nos travaux nous ont confortés dans cette conviction : l'égalité des sexes et l'autonomisation économique et sociale des femmes constituent le socle essentiel d'un développement durable dans tous les pays en voie de développement.
C'est pourquoi il est essentiel, aujourd'hui, d'orienter au mieux le financement de l'aide publique au développement, et en particulier de notre aide bilatérale, vers des projets favorables à l'autonomisation des femmes et au renforcement de leurs droits.
En la matière, la France soutient de longue date les engagements internationaux conclus, dans le cadre de l'ONU notamment, en faveur des droits des femmes, engagements qu'elle défend à l'échelle internationale, dans ses relations bilatérales comme dans les enceintes multilatérales. À cet égard, je citerai notamment l'Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par 193 membres de l'ONU en 2015, qui fixe dix-sept objectifs de développement durable (ODD) parmi lesquels l'ODD 5 qui vise à « parvenir à l'égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».
La France souscrit également aux critères de marquage « genre » des projets de développement, définis par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Le CAD a en effet mis au point un système de notation de l'APD afin d'évaluer le degré d'intégration de l'égalité de genre au sein des projets d'aide publique au développement et d'encourager les pays membres à prendre en compte de façon systématique l'approche du genre dans la définition de leur politique d'APD. La France se réfère donc désormais à ce système de notation pour définir ses objectifs en termes d'APD genrée.
Les trois valeurs possibles pour les projets et programmes examinés sont les suivantes : CAD 0 pour les projets qui ne comportent pas d'objectif d'égalité femmes-hommes ; CAD 1 pour les projets dont l'égalité de genre est un objectif significatif ; CAD 2 pour les projets dont l'égalité constitue l'objectif principal. Les projets marqués 1 ou 2 constituent ce que l'on appelle l'APD genrée.
Au niveau national, la France s'est doté d'instruments spécifiques, dans la lignée de ses engagements internationaux. Sur le plan législatif, la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a inscrit explicitement l'égalité entre les femmes et les hommes parmi ses objectifs. En outre, la Stratégie internationale pour l'Égalité femmes-hommes 2018-2022 fixe quatre objectifs principaux pour renforcer la prise en compte du genre dans l'APD bilatérale d'ici 2022 :
- 100 % de marquage genre ;
- 50 % d'APD bilatérale programmable, en volume d'engagement, finançant des projets CAD 1 ou 2 ;
- 50 % de projets financés par l'Agence française de développement (AFD) marqués CAD 1 ou 2 en volume ;
- 700 millions d'euros de programmes marqués CAD 2 financés par l'AFD.
La France a récemment beaucoup progressé en termes de montants et de proportion d'APD genrée. Au niveau mondial, selon les derniers chiffres de l'OCDE, en 2019, 53,1 milliards de dollars d'APD, soit 42 % de l'aide bilatérale ventilable totale des pays du CAD, étaient ciblés sur l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes, dont 4,4 milliards de dollars pour la France, représentant près de 40 % de l'APD bilatérale totale française. Ce montant n'a jamais été aussi élevé. Jusqu'à très récemment, la France se situait bien en deçà de la moyenne des pays du CAD de l'OCDE : en 2018, 19 % de l'APD bilatérale française seulement était marquée CAD 1 ou 2 contre 42 % en moyenne pour l'ensemble des pays du CAD.
Dans ce domaine, l'Agence française de développement, principale institution financière publique mettant en oeuvre la politique de développement de la France, a récemment accompli des progrès notables puisque les objectifs qui lui avaient été assignés en termes de marquage « genre » des projets financés dans le cadre de son dernier COM, ont été largement dépassés.
Si d'importantes avancées sont donc intervenues récemment pour mieux orienter les financements de la politique de développement vers des projets favorables à l'autonomie des femmes et au renforcement de leurs droits, il n'en demeure pas moins nécessaire de rester vigilant sur la mise en oeuvre de cette politique comme sur les moyens - humains et financiers - qui lui sont alloués.
C'est dans ce contexte qu'intervient l'examen par le Parlement du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 2 mars dernier, et qui fera l'objet d'un examen en séance publique au Sénat à partir du mardi 11 mai prochain.
Ce projet de loi révise la loi précitée du 7 juillet 2014 et définit pour les cinq ans à venir le cadre et les objectifs de la politique de développement de la France. Il comporte un rapport annexé, nommé Cadre de partenariat global (CPG), qui reprend notamment les cinq priorités sectorielles définies dans le cadre de la Stratégie internationale 2018-2022, parmi lesquelles l'égalité femmes-hommes.
Si, du point de vue de l'intégration du genre comme priorité de la solidarité internationale, la version initiale du projet de loi présentée par le Gouvernement avait été très mal accueillie par les différentes associations et ONG oeuvrant dans le domaine de l'aide publique au développement, et ouvertement critiquée par le HCE, on peut toutefois se féliciter du travail accompli par nos collègues députés lors de l'examen du texte. Ils ont en effet inséré dans le projet de loi un nouvel article 1er A qui inscrit directement dans la loi, et non plus dans le seul CPG, les grands objectifs de la politique de développement. Cet article précise notamment que, « dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectif transversal la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes ».
En outre, le CPG rehausse les objectifs d'APD genrée par rapport à l'actuelle stratégie 2018-2022. Les députés ont ainsi fixé des objectifs de 85 % de volumes annuels d'engagements de l'APD bilatérale programmable marqués CAD 1 et 2 dont 20 % marqués CAD 2, sans pour autant fixer de date pour la réalisation de ces objectifs. Des objectifs intermédiaires ont été fixés dès l'horizon 2025 : 75 % pour les marqueurs 1 et 2 dont 20 % pour le marqueur 2.
Les ONG et associations, que j'ai pu consulter, estiment toutefois que la fixation de cet objectif intermédiaire à l'horizon 2025, si elle constitue une avancée par rapport au texte initial, relève d'un consensus arbitraire autour d'une valeur inférieure de dix points à l'objectif recommandé s'agissant des marqueurs CAD 1 et 2. Certaines critiquent également la qualité de l'intégration du genre dans des projets pourtant marqués CAD 1 et appellent donc à fiabiliser voire externaliser l'évaluation des projets de l'AFD au regard du critère de genre.
Forte de ces différents constats, je formule dans mon rapport neuf recommandations de nature à permettre de mieux intégrer l'égalité de genre au sein de notre politique d'aide publique au développement, de sa conception à sa mise en oeuvre sur le terrain. J'estime que, si ces recommandations sont appliquées, elles permettront à la France de se donner les moyens de ses ambitions en matière de diplomatie féministe.
Afin de rehausser les objectifs d'intégration de l'égalité de genre dans notre politique de développement et de nous donner les moyens de nos ambitions, je formule cinq recommandations :
1 - atteindre 85 % des projets d'APD ayant pour objectif principal ou significatif l'égalité femmes-hommes dès 2025 ;
2 - fiabiliser l'évaluation interne et externe des projets de développement au regard du genre et faire siéger au sein de la commission indépendante d'évaluation de la politique de développement un membre de la commission « Droits des femmes, enjeux européens et internationaux » du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes ;
3 - augmenter la mobilisation de l'APD en faveur des droits et problématiques spécifiques aux filles ;
4 - développer et systématiser les données désagrégées par sexe et par âge et les indicateurs genrés de résultat;
5 - améliorer la lisibilité et la programmation des crédits consacrés à l'égalité femmes-hommes et à la diplomatie féministe.
Si la prise en compte de l'égalité femmes-hommes dans la politique d'aide publique au développement constitue un jalon important de l'affirmation des droits des femmes à l'international, elle ne constitue pas le seul élément d'une diplomatie véritablement féministe.
C'est pourquoi, dans le but de mener une diplomatie féministe transversale plus ambitieuse, je formule quatre recommandations :
1 - intégrer l'approche du genre de façon transversale dans toutes les composantes de la diplomatie française et créer une instance chargée d'impulser cette dynamique et de sensibiliser tous les acteurs ;
2 - systématiser les règles de représentation équilibrée de chaque sexe au sein des instances françaises en charge de l'APD et accélérer les politiques de féminisation des postes à responsabilité ;
3 - systématiser les règles de représentation équilibrée de chaque sexe au sein des conseils locaux de développement ;
4 - pérenniser le financement du Fonds de soutien aux organisations féministes.
Il est temps aujourd'hui d'inviter tous les acteurs de la politique de développement et de solidarité internationale à « chausser les lunettes » du genre pour la conception et la mise en oeuvre de chaque projet de développement.
En cette période de crise mondiale sans précédent, nous nous devons de protéger encore davantage toutes les femmes et les filles victimes d'inégalités et de violences à travers le monde.
Je vous remercie de votre attention.
Je vous remercie chère collègue pour cet exposé fort intéressant. Je me tourne vers nos collègues de la délégation : y a-t-il des demandes d'interventions ?
Je voulais revenir sur la première recommandation concernant l'objectif de 85 % d'APD genrée dès 2025. Pouvez-vous me redire où en est la France aujourd'hui ? Il me semble que le taux est actuellement de l'ordre de 20 %. Si tel est le cas, ne croyez-vous pas que la marche pour atteindre les 85 % soit trop haute ? Ne serait-il pas utile de fixer des objectifs de seuils intermédiaires d'ici 2025 pour s'assurer d'être dans la bonne trajectoire et ne pas prendre de retard ?
Le taux d'APD genrée était en effet de 19 % en 2018 mais de 39 % en 2019 selon les derniers chiffres de l'OCDE. Effectivement, fixer un objectif de 85 % pour 2025 est ambitieux, mais cette ambition est nécessaire si l'on souhaite conduire une diplomatie véritablement féministe.
J'ajoute que le Président de la République et le Gouvernement ont affiché, depuis le début du quinquennat, un objectif fort d'égalité femmes-hommes sur le plan national comme sur le plan international. Il me paraît donc essentiel que cet engagement politique se traduise par des objectifs chiffrés ambitieux.
Nous en venons maintenant à l'adoption des recommandations de la délégation. Avez-vous des modifications à proposer ? Je n'en vois pas.
[Le rapport et ses conclusions sont donc adoptés.]
Je vous rappelle que notre rapporteure portera la voix de la délégation en séance publique mardi prochain.
Il nous reste à adopter un titre pour le rapport. La rapporteure nous propose les deux titres suivants :
- L'égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale ;
ou
- L'égalité femmes-hommes, enjeu fondamental de l'aide publique au développement.
Lequel a votre préférence ?
Je souhaite exprimer ma préférence pour le premier titre et le terme « solidarité » qui me semble plus généreux et humain.
Je préfère également le premier titre qui fait référence à la solidarité internationale.
J'ajoute qu'il me semble important de bien dissocier le budget des politiques publiques nationales en faveur de l'égalité femmes-hommes de celui de l'aide publique au développement. En effet, le Gouvernement a pu entretenir, par le passé, une confusion concernant ces budgets, en incluant l'APD dans les montants affichés en faveur de l'égalité femmes-hommes, dans le cadre du Grenelle de lutte contre les violences faites aux femmes.
Ce sujet avait été abordé en décembre 2020, à l'occasion de la présentation devant notre délégation du rapport de contrôle budgétaire de la commission des finances sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes. Les rapporteurs de la commission des finances avaient alors pointé qu'une grande part du budget affiché par le Gouvernement en faveur de l'égalité femmes-hommes concernait le financement de programmes d'aide aux pays en développement. Il est important de pouvoir identifier, au sein des budgets consacrés à l'égalité femmes-hommes, la part qui revient à l'APD et celle qui revient au territoire national.
Je constate que le premier titre proposé par la rapporteure « L'égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale » fait l'unanimité au sein de la délégation. Il est donc validé.
[La délégation adopte ce titre.]
Nous en avons donc fini avec l'examen de ce rapport d'information.
Je vous remercie.
Madame la ministre, Monsieur le ministre, tout d'abord, en mon nom et au nom de mes collègues de la délégation présents dans cette salle ou connectés à distance, je vous remercie sincèrement pour votre disponibilité et votre participation à nos travaux, entamés dès le mois de décembre dernier, sur la situation des femmes dans les territoires ruraux.
Je rappelle, à toutes fins utiles, que cette audition fait l'objet d'une retransmission en direct sur le site Internet et le compte Twitter du Sénat et qu'elle sera par la suite disponible en vidéo à la demande.
Notre délégation a souhaité dédier son principal travail de cette session à la situation des femmes en milieu rural, un enjeu décisif d'égalité dans notre pays, qu'il s'agisse de l'égalité professionnelle, de l'accès à la formation, de l'éducation, de la santé, de la lutte contre les violences, de la précarité ou de la participation à la vie politique locale.
Nous nous intéressons, bien sûr, aux défis de l'égalité femmes-hommes à tous les âges de la vie, et dans l'immense diversité des territoires ruraux.
Mais nous avons également souhaité mettre en valeur le potentiel extraordinaire, pour ces territoires, que constitue l'engagement des femmes, que cet engagement soit politique, associatif ou entrepreneurial.
Signe de notre intérêt unanime pour ce travail, nous avons désigné pour conduire cette réflexion une équipe de huit rapporteurs associant tous les groupes politiques représentés dans notre assemblée. Je les désigne par commodité par ordre alphabétique :
- Jean-Michel Arnaud, élu des Hautes Alpes, pour le groupe Union centriste ;
- Bruno Belin, élu de la Vienne, pour le groupe Les Républicains ;
- Nadège Havet, élue du Finistère, pour le groupe RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) ;
- Pierre Médevielle, élu de la Haute Garonne, pour le groupe Les indépendants - République et territoires (LIRT) ;
- Marie-Pierre Monier, élue de la Drôme, pour le groupe Socialiste, écologiste et républicain ;
- Guylène Pantel, élue de la Lozère, pour le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) ;
- Raymonde Poncet Monge, élue du Rhône, pour le groupe Écologiste - solidarité et territoires (GEST) ;
- Marie-Claude Varaillas, élue de la Dordogne, pour le groupe CRCE (Communiste républicain citoyen et écologiste).
Nos rapporteurs représentent, comme vous le voyez, une belle diversité de territoires.
Les travaux que nous avons menés jusqu'à présent nous ont déjà permis de traiter un certain nombre de thématiques. Nous avons ainsi organisé quatre grandes tables rondes portant sur :
- la santé des femmes dans les territoires ruraux ;
- la lutte contre les violences faites aux femmes dans ces territoires ;
- l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité ;
- mais aussi l'entrepreneuriat des femmes dans les territoires ruraux.
Nous avons également mené plusieurs auditions de personnalités qualifiées : des sociologues, des responsables d'associations intervenant dans le domaine de l'orientation scolaire ou de l'insertion professionnelle par exemple, mais aussi l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Ces travaux nous ont confortés dans l'idée qu'il est aujourd'hui essentiel « d'articuler les politiques d'égalité femmes-hommes et les politiques rurales pour les inscrire dans un processus d'égalité territoriale ». Je reprends à dessein les mots d'une élue d'Ille-et-Vilaine, Rosie Bordet, qui, dans une tribune récente parue dans Ouest France, intitulée Femmes en milieu rural : un enjeu politique, a parfaitement bien exprimé cette problématique. Il nous apparaît en effet de plus en plus évident que se dessine une réelle imbrication entre les inégalités femmes-hommes et les inégalités territoriales.
Or l'agenda rural, qui constitue aujourd'hui le socle de la politique gouvernementale en faveur des territoires ruraux dans toute leur diversité, au travers d'un ensemble de plus de 180 mesures en faveur des zones rurales, dans des domaines aussi divers que l'accès aux services, l'éducation et la formation, l'accès aux soins, l'ingénierie, le numérique et la démocratie locale, ne fait jamais mention explicite de l'égalité femmes-hommes. À tel point que l'on peut se demander si l'égalité de genre ne constitue pas, malheureusement, un angle mort de l'agenda rural...
Si nous nous félicitons que le chantier des ruralités monte aujourd'hui en puissance, comme l'atteste d'ailleurs la nomination d'un secrétaire d'État chargé de la ruralité, nous avons également constaté que les inégalités entre les femmes et les hommes sont plus prégnantes dans les territoires ruraux. Dès lors, répondre aux enjeux de l'égalité territoriale, en termes d'accès aux droits et aux services, en se centrant sur les besoins des femmes, nous semble constituer aujourd'hui une priorité.
Lors de son audition par notre délégation en mars dernier, l'ANCT nous avait fait savoir qu'une convention interministérielle entre le secrétariat d'État chargé de la ruralité et le ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes était envisagée. Elle pourrait être signée lors du prochain comité interministériel aux ruralités courant mai 2021 et viserait à proposer une concrétisation des mesures de l'agenda rural dans le cadre de l'égalité femmes-hommes.
Pourriez-vous nous confirmer ce projet de convention interministérielle et nous en préciser les contours ?
Plus largement, pourriez-vous nous indiquer comment le Gouvernement entend mieux prendre en compte les femmes rurales dans sa politique de lutte contre les fractures territoriales existantes, du point de vue par exemple :
- de l'offre d'orientation et d'éducation ;
- du manque de structures de garde d'enfants, souvent corrélé, en milieu rural, à des emplois à temps partiel pour les femmes ;
- des problématiques de mobilité qui peuvent contraindre les femmes au sous-emploi, mais aussi restreindre leur accès aux soins ;
- de la moindre mixité de l'offre d'emplois dans les territoires ruraux.
Plus globalement, quelles pourraient être les modalités d'une réelle articulation entre les politiques d'aménagement du territoire et les politiques en faveur de l'égalité femmes-hommes ? Comment tenir compte des freins spécifiques aux zones rurales qui accentuent les inégalités entre femmes et hommes ? Enfin, envisagez-vous, dans le cadre de l'agenda rural notamment, de développer le recours aux indicateurs et données genrés sur la ruralité ?
Je vous donne sans plus tarder la parole, puis les rapporteurs et l'ensemble des collègues présents dans cette salle ou connectés à distance vous poseront des questions.
ministre déléguée auprès du premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. - Mesdames et Messieurs les rapporteurs, Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs, bonjour à toutes et tous, je me réjouis de vous retrouver.
Permettez-moi de saluer le travail que vous menez sur la situation des femmes dans les territoires ruraux. La France ne saurait délier son histoire, sa culture et ses traditions de la ruralité. L'histoire de notre pays se conjugue avec sa terre, ses reliefs, ses paysages et sa myriade de petites communes. La ruralité en est à la fois l'âme et la mémoire.
Comme vous le savez, l'égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat du Président de la République. Elle se traduit notamment par un travail interministériel important, sous l'autorité du Premier ministre, afin que l'ensemble des politiques publiques que nous menons irrigue tous les secteurs ministériels et tous les territoires.
La question de la situation des femmes dans les territoires ruraux, qui nous réunit aujourd'hui, n'échappe pas à cet enjeu. Cette situation est souvent mal connue. Ces femmes sont confrontées à des formes multiples et croisées de discriminations, d'injustices, de violences, qui sont liées à l'accès à la propriété foncière, au manque d'accès aux services de santé, aux transports, et à un accès plus restreint à la justice, en comparaison avec les femmes des milieux urbains. Dans ce contexte, les femmes des territoires ruraux sont davantage victimes d'inégalités.
Ces inégalités se manifestent aussi dans l'emploi. Les statistiques démontrent que le risque d'être touchée par le chômage et la précarité est plus important pour les femmes vivant dans les territoires ruraux. Si ces territoires sont moins frappés par le chômage, ils enregistrent cependant une différence de taux entre les deux sexes bien plus importante. Les femmes occupent davantage d'emplois précaires. Dans les communes rurales les moins denses, 21 % des femmes salariées ont un contrat précaire contre 13 % dans les communes les plus urbaines. Elles sont davantage concernées par le travail à temps partiel. Les territoires ruraux se distinguent aussi par une offre d'emploi moins mixte qu'en ville. Les femmes sont ainsi concentrées dans certains secteurs, moins valorisés et moins rémunérés.
Cette situation accroît la pauvreté des femmes en milieu rural. Pour pallier cette précarité, mon ministère est très volontariste et promeut l'égalité professionnelle et l'entrepreneuriat des femmes.
Nous avons récemment signé un accord-cadre triennal avec Bpifrance, afin de développer la création et la reprise d'entreprises par des femmes. Il est décliné dans chaque région par l'intermédiaire de plans d'action régionaux proposant des actions spécifiques sur l'ensemble du territoire, notamment en zone rurale.
Nous soutenons le réseau Femmes des territoires, avec lequel j'ai récemment échangé. Cette association réunit toutes les femmes entrepreneures en milieu urbain comme rural, en créant un réseau d'entraide et de partage de bonnes pratiques.
Nous développons également des actions d'insertion par l'activité économique, pour accompagner les femmes vers l'emploi durable. Nous avons créé, avec l'Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) et les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), un grand programme « égalité » permettant aux jeunes en service civique de développer l'accès des femmes aux parcours d'insertion par l'activité économique.
La question de l'emploi pérenne et de la mixité est donc un enjeu clé pour l'autonomisation et l'émancipation des femmes vivant en zone rurale.
Permettez-moi de m'arrêter un instant sur l'agriculture, secteur économique capital de nos territoires ruraux. Si de grands progrès ont été accomplis ces dernières années, si nous sommes passés de la femme d'agriculteur à la femme agricultrice, force est de constater que de fortes inégalités subsistent entre les femmes et les hommes. Seuls 25 % des plus de 460 000 chefs d'exploitations sont des femmes. Certes, elles n'étaient que 8 % en 1970 mais ces chiffres stagnent depuis vingt ans. Les femmes ne représentent que 17 % des salariés de ce secteur. Pourtant, celles qui choisissent cette voie y réussissent parfaitement, à l'instar de Mme Varache, éleveuse et productrice de lait dans l'Yonne, que j'ai rencontrée il y a quelques jours. Qu'il s'agisse des revenus de l'exploitation ou de la surface cultivée, les femmes exploitantes agricoles ont globalement un potentiel économique largement inférieur à celui des hommes.
Si la parité est presque atteinte dans l'enseignement agricole, le choix de l'orientation reste encore très genré. Les filles choisissent majoritairement le secteur des services à la personne alors que les garçons se tournent davantage vers des secteurs d'aménagement, de travaux forestiers ou paysagers, souvent plus rémunérateurs. Cette différenciation a des conséquences négatives sur le parcours professionnel des femmes, encore trop souvent cantonnées dans des secteurs moins rémunérateurs, qui embauchent moins, dans des conditions souvent plus précaires.
Les stéréotypes persistants, qui sont la racine de ces inégalités partout dans notre pays, doivent être combattus avec détermination. Les freins existants sont avant tout sociétaux. Non, il n'existe pas de métier typiquement masculin. Oui, la mixité des filières est une nécessité. Oui, les femmes peuvent exercer toutes les activités du monde agricole. Elles l'ont prouvé par le passé, et le démontrent encore tous les jours. Il s'agit selon moi non seulement d'un enjeu de justice, mais aussi de performance. Le monde agricole, confronté à une crise des vocations, a absolument besoin de ces femmes. Depuis plusieurs années, le ministère de l'agriculture est mobilisé pour attirer davantage de jeunes filles dans les filières de production. Nous avons par exemple signé une nouvelle convention interministérielle à l'égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif pour la période 2019-2024, avec pour optique d'établir une plus grande mixité dans l'orientation et dans la formation.
Le Gouvernement a également ouvert, depuis le 1er janvier 2019, la possibilité pour les exploitantes agricoles de bénéficier d'indemnités journalières en cas de maternité, lorsqu'elles n'ont pas la possibilité de se faire remplacer. La durée minimale du congé maternité est passée à huit semaines pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles, dont deux semaines de congé prénatal, à l'instar de ce qui s'applique aux salariées. Ces progrès visent à permettre aux agricultrices de mieux concilier leurs activités professionnelles et leur vie personnelle, et ainsi faciliter leur quotidien et susciter plus de vocations. C'est une ambition forte que je partage avec le ministre de l'agriculture Julien Denormandie.
Au-delà de l'égalité professionnelle, la question de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue l'un des piliers de la grande cause de quinquennat. Ce pilier s'est notamment concrétisé au travers du Grenelle contre les violences conjugales en 2019. Ce combat est un défi culturel mobilisant l'ensemble du Gouvernement. Il doit mobiliser toute notre société.
Si les violences au sein du couple touchent tous les milieux sociaux, force est de constater que les victimes vivant en milieu rural se heurtent à des difficultés supplémentaires. Elles sont tout d'abord confrontées à un isolement plus accentué, du fait notamment d'une moindre anonymisation. Il est plus difficile pour une victime de porter plainte ou de se confier à un professionnel dans un réseau social d'interconnaissances. Cet environnement a tendance à accroître la peur, la honte, la stigmatisation, et surtout à renforcer le repli des victimes. S'y ajoute le fait que les droits et dispositifs de prise en charge des victimes y sont moins connus qu'en ville. Le tissu associatif dédié est également moins développé et moins accessible. À cette notoriété et ce maillage réduit se conjuguent une disponibilité moindre des services publics et un déficit de professionnels, notamment de la santé. S'y ajoutent également des difficultés de mobilité exacerbées par la moindre présence des transports en commun et par une précarité économique et financière accentuée.
En d'autres termes, les victimes sont plus isolées, moins protégées, moins soutenues et moins accompagnées. Dans ce contexte, je milite ardemment pour que le maillage territorial des associations de prise en charge des victimes soit beaucoup plus étoffé.
Nous devons également améliorer la connaissance des dispositifs d'écoute et d'accompagnement des victimes à travers une communication dans les lieux de proximité, qu'il s'agisse des pharmacies, des commerces ou des cabinets médicaux.
Mesdames et Messieurs, je le réaffirme devant vous, l'égalité entre les femmes et les hommes est une véritable priorité de ce Gouvernement. Elle n'est pas négociable. Si des progrès ont été accomplis depuis 2017, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Comme vous l'avez affirmé, Madame la présidente, je considère qu'il est capital d'articuler les politiques de notre agenda rural avec celles menées en matière d'égalité femmes-hommes. Cette conviction profonde explique notre présence devant vous aujourd'hui. Oui, ruralité rime aussi avec parité. Notre ambition d'égalité doit s'appliquer partout sur le territoire, sans aucune exception.
Merci de votre attention.
Mesdames et Messieurs les rapporteurs et rapportrices - nous devrions pouvoir le dire ainsi -, sénatrices et sénateurs, je me réjouis vivement de ces échanges et du fait que vous ayez inscrit la thématique « Femmes et ruralité » à votre programme de travail. Les tables rondes et auditions que vous avez organisées reflètent d'ailleurs remarquablement les différents aspects de ce sujet.
Nous avons plusieurs connaissances communes de ces auditions, dont les représentants de l'ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires), que vous avez interrogés et qui sont d'importantes personnes ressources pour nous, mais aussi des associations telles que la fédération Des Territoires aux grandes écoles avec laquelle nous allons conclure un partenariat autour de la mise en oeuvre du volontariat territorial dans l'administration. Il s'agit de mettre en place de l'ingénierie au niveau Bac+2 minimum sur l'ensemble des territoires ruraux, avec une possibilité de parcours mentorés par des jeunes de grandes écoles, pour que certains puissent utiliser cette étape comme une passerelle à la reprise de leurs études.
Je suis extrêmement curieux de connaître les propositions que vous envisagez de faire figurer dans votre rapport, la thématique de l'égalité entre les femmes et les hommes ayant été jusqu'ici - vous avez raison de le souligner - absente de l'agenda rural. Celui-ci, élaboré à la suite de la crise des gilets jaunes, a pourtant associé énormément d'associations d'élus et de parlementaires. Pour autant, lorsque j'ai regardé les 181 mesures adoptées à l'automne 2019, j'ai été surpris de constater que deux sujets étaient totalement absents : l'égalité hommes-femmes et les problématiques LGBT en zone rurale. Nous avons décidé, avec Élisabeth Moreno, de prendre ces sujets à bras le corps. J'ai demandé à nos équipes de commencer à y travailler ensemble afin d'émettre des propositions lors du prochain comité interministériel aux ruralités, qui devrait se tenir en tout début d'été. Je serai moi-même très attentif à vos conclusions. Je ne manquerai pas, avec Élisabeth Moreno, de les porter lors de ce comité interministériel fondant les éléments de la politique publique que nous voulons mener.
Je présume que vous vous êtes déjà forgé un certain nombre de convictions, qui rejoindront sûrement les nôtres. Si je devais résumer notre position sur la question des femmes en ruralité, je dirais que les caractéristiques géographiques et sociologiques des territoires ruraux ont un effet encore plus marquées pour les femmes que pour les hommes.
La ruralité se caractérise par une faible densité de population, qui a parfois pour corollaire un enclavement routier, ferroviaire, numérique et culturel. Cette spécificité géographique est évidente et immédiatement visible. C'est d'ailleurs désormais le principal critère retenu pour définir la ruralité. L'ANCT a sans doute évoqué cette nouvelle approche par la grille communale de densité lorsque vous l'avez auditionnée. Auparavant, la ruralité était définie en creux et en négatif. Était rural ce qui n'était pas urbain. Les définitions étaient parfois bien éloignées de la ruralité : une commune de 2 500 habitants dans la périphérie d'une ville peut être très dense, tandis que des communes de 10 000 habitants peuvent être bien moins denses et bien plus rurales. Nous avons intégré cette approche mathématique de la ruralité pour que chaque ministère s'en empare comme un élément de définition, en concertation et en accord avec les associations d'élus, qu'il s'agisse de l'Association des maires de France (AMF) ou de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Nous avons déjà commencé à utiliser cette approche dans le projet de loi de finances, pour un certain nombre de critères liés à des dotations de l'État. J'ai demandé lors de la dernière réunion des référents ruralité que chaque ministère puisse l'utiliser, de façon à ce que nous parlions tous des mêmes territoires.
Dans la plupart des cas, la faible densité a pour conséquences un plus haut degré de connaissances interpersonnelles dans les villages, mais également un plus faible maillage des services publics et des structures associatives. Nous savons que l'interconnaissance a des conséquences majeures sur certains individus victimes de violences qui ont beaucoup de mal à trouver de l'aide. Les services publics constituent un angle d'approche majeur du Gouvernement et nous souhaitons renforcer leur maillage, notamment au travers du programme des Maisons France Service. Nombreuses sont les Maisons France Service qui tiennent désormais des permanences avec les CIDFF (Centres d'information sur les droits des femmes et de la famille), souvent présents et efficaces dans les départements ruraux. L'anonymat y est plus aisé pour les individus victimes de problèmes graves. Vous y entrez par une case anonyme (Pôle Emploi, les services de la CAF, une aide pour remplir une déclaration d'impôts...). Les personnes formées qui vous accueillent sont ensuite aptes à déceler des problématiques autres, telles que les violences faites aux femmes ou l'addictologie. Ces Maisons France Service peuvent donc constituer un point d'entrée très intéressant pour toutes les discriminations, quelles qu'elles soient.
La question de la mobilité se pose de concert avec celle de l'accessibilité aux services publics, ce qui accroît certains problèmes d'orientation professionnelle ou d'accès aux droits, par exemple. Les différences d'orientation entre les hommes et les femmes sont encore plus marquées en milieu rural qu'en milieu urbain. Les femmes sont encore plus nombreuses en temps partiel. Les violences intrafamiliales sont également plus fréquentes dans ces zones.
Nous envisageons donc d'enrichir l'agenda rural avec des propositions de mesures principalement destinées à répondre à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. À ce stade, les mesures ne sont pas encore arbitrées mais je vais en évoquer certaines.
Nous souhaitons augmenter le nombre d'intervenantes sociales en gendarmerie. Tout le monde a en tête ce drame atroce dans le Puy-de-Dôme il y a quelques mois, où trois gendarmes ont perdu la vie en allant sauver une femme victime de violences. C'est la meilleure démonstration de l'action des forces de l'ordre. J'étais au Beauvau de la sécurité organisé par le ministre de l'intérieur en zone rurale, dans l'Allier, et nous avons largement évoqué ces questions.
Nous examinons par ailleurs les applications qui sont utilisées par les maires sur certains territoires ruraux. Je pense notamment à l'application PanneauPocket, permettant de lancer des alertes en cas de crue ou de cheval échappé de son enclos, par exemple. Nous étudions la possibilité d'utiliser ces applications pour alerter d'un péril imminent.
Nous souhaitons également lancer un appel à projets destiné aux associations rurales promouvant l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous voulons aussi travailler sur un programme de mentorat ad hoc dans le cadre du plan « mentorat » lancé par le Président de la République sur les droits des femmes.
Soyons clairs : c'est l'ensemble des mesures de l'agenda rural qu'il convient d'orienter pour qu'elles puissent contribuer à améliorer la situation des femmes. Je crois que les Maisons France Service constituent une porte d'entrée très intéressante pour ces sujets.
La lutte contre les déserts médicaux fait également partie des sujets sur lesquels l'égalité femmes-hommes doit s'appliquer, sachant que le recours aux médecins concerne plus majoritairement des personnes âgées et des femmes que des hommes jeunes. Sur ce plan, les mesures que nous prenons avec le ministère de la santé, sur le remboursement de la télémédecine et les nouvelles possibilités d'intervention de paramédicaux, sont essentielles. En période de Covid, les infirmiers ont en effet été autorisés à réaliser quelques gestes médicaux. C'est particulièrement important en zone rurale. La loi 4D offrira également de nouvelles possibilités, telles que l'intervention des départements sur des dispensaires départementaux, expérimentée de manière très efficace en Saône-et-Loire. S'y ajoute la possibilité d'accueillir des étudiants en médecine en territoires ruraux grâce au système des médecins de référence en CHU, dont la prime a été augmentée de 50 %.
Je peux également citer l'installation de simulateurs de conduite dans vingt-quatre missions locales pour faciliter l'obtention du permis.
Des mesures jeunesse visent également à renforcer l'égalité des chances : la boussole des jeunesses, les cordées de la réussite, les campus connectés... Dès que nous installons des campus connectés, nous y observons davantage d'étudiantes que d'étudiants. En effet, l'éloignement de leur secteur d'origine et les difficultés liées aux réseaux de transports en commun constituent davantage un frein à la poursuite d'études pour les jeunes filles.
Voilà le complément que je pouvais apporter aux propos d'Élisabeth Moreno. Je ne comprends pas pourquoi ces sujets n'ont jamais émergé alors qu'énormément d'élus nationaux, et notamment d'élues nationales, figuraient parmi les partenaires de l'agenda rural. Cela reste pour moi un mystère. Il convient aujourd'hui de transformer les conditions de l'agenda rural pour qu'il devienne un instrument de non-discrimination en ce qui concerne l'égalité hommes-femmes et les droits LGBT.
Merci beaucoup pour ce propos liminaire apportant déjà un certain nombre de réponses. Si les sujets n'ont que peu évolué malgré la présence de femmes élues, il faut reconnaître que les femmes accèdent encore difficilement aux postes de maires. Seuls 19 % des maires sont des femmes depuis les dernières élections municipales.
Sachez que la délégation a émis un certain nombre de propositions très concrètes lorsque nous avons travaillé en 2016 et 2017 sur les femmes et l'agriculture. Les propositions portaient notamment sur les congés, la garde d'enfants et le statut des agricultrices.
Vous l'avez dit, deux sujets très importants conditionnent l'égalité dans la ruralité : le maillage des associations et celui des services publics. Les femmes doivent pouvoir y accéder où qu'elles soient. C'est un enjeu particulièrement important dans les territoires ultramarins.
Je passe immédiatement la parole à mes collègues.
Bonjour, merci d'avoir répondu à notre invitation pour parler d'un sujet qui nous tient à coeur.
Vous avez indiqué que le comité interministériel prévu début mai serait reporté à l'été. Pourrez-vous, lorsque vous l'organiserez, y aborder la question de la formation des agents qui seront employés dans les Maisons France Service ? Cette question a été évoquée lors de notre table ronde sur les violences faites aux femmes en ruralité. Vous avez mentionné les possibilités de permanences des CIDFF mais nous savons bien qu'il est compliqué de mettre en place des permanences quotidiennes dans les CIDFF.
Vous avez indiqué vouloir favoriser les appels à projets pour les associations. Je veux vous alerter sur ce point, Monsieur le ministre. Ces appels à projets demandent un véritable investissement pour les associations, qui travaillent principalement avec des bénévoles. Il y a deux semaines, des associations d'accueil citoyen m'expliquaient encore que les dossiers à remplir étaient très chronophages, leur faisant perdre du temps de bénévolat auprès des femmes en ayant besoin. Un simple renouvellement des dossiers pourrait être mis en place.
Nos auditions ont pointé une méconnaissance particulière en zone rurale des outils existants, notamment des numéros d'écoute d'urgence. Quelle nouvelle campagne de communication, quelle initiative innovante allez-vous mettre en place pour encourager la diffusion de ces ressources auprès des habitants et habitantes des territoires ? Nous partageons un même constat quant aux difficultés particulières rencontrées par les femmes en zone rurale. Que faisons-nous pour les informer davantage des outils existants ?
Ensuite, j'ai une petite inquiétude. Vous expliquez que vous allez créer plus de postes d'intervenantes sociales en gendarmerie et plus de places d'hébergement. J'ai les données publiées par le ministère au 25 novembre 2020 pour dresser un bilan un an après le Grenelle de lutte contre les violences conjugales. Dans la Drôme, je constate qu'est mentionnée une augmentation de deux intervenantes et de quatorze places d'hébergement. Mais je ne les vois pas sur le terrain. Cela m'inquiète.
Enfin, nous avons auditionné le ministre chargé des Petites et moyennes entreprises, Alain Griset, qui nous a indiqué qu'il lui paraissait pertinent d'intégrer la dimension du genre dans les accords noués par l'État et les collectivités territoriales. Partagez-vous cette vision ?
Merci beaucoup. Je vous laisse répondre à ces premières questions très précises.
Merci pour ces questions très précises. Je vais commencer à répondre et M. Giraud complétera mes propos.
La question de la communication sur ces dispositifs d'aide aux victimes de violences se pose sur tout le territoire. Les violences conjugales n'ont pas de frontières géographiques, sociales ou générationnelles. Tout le monde est concerné. Souvent, lorsque je me rends sur le terrain, je constate que de nombreuses femmes ne connaissent pas les dispositifs mis en oeuvre pour les aider. Dans les zones rurales, ces difficultés sont encore plus importantes, pour toutes les raisons évoquées précédemment.
Pour lutter contre ce problème d'accès aux droits et aux informations, le ministère a mis en place des points d'information au sein des centres commerciaux pour aller vers les femmes nécessitant une écoute et un accompagnement. Des personnes expertes, issues d'associations qui écoutent et accompagnent les femmes, peuvent les informer et les aiguiller vers les services adaptés. Ainsi, une quarantaine de points d'informations ont été pérennisés. Nous souhaitons encore renforcer cette communication et améliorer le maillage territorial des associations féministes, en élargissant notamment le nombre de permanences des associations spécialisées dans l'accompagnement des femmes victimes de violences comme les CIDFF, et en renforçant les espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle, permettant de s'informer sur les droits sexuels et reproductifs et sur le respect entre les filles et les garçons.
Nous comptons aujourd'hui au total 366 intervenants sociaux dans les commissariats et gendarmeries. J'ai entendu que vous ne les aviez pas identifiés. Mon cabinet se tient à votre disposition pour partager leur position géographique.
Je précise également qu'en 2020, 923 places d'hébergement ont été ouvertes sur les 1 000 que nous avions initialement prévues. La pandémie a freiné le travail des associations mais nous sommes très confiants quant à une accélération du processus en 2021 pour que les 1 073 places qui restent à ouvrir le soient.
Lorsque je rencontre des femmes victimes de violences, parfois agressées par leur conjoint depuis plus de dix ans, et que je leur demande pourquoi elles restent, leur première explication, après la peur et la honte, tient à la peur de la précarité. Elles craignent de ne pas savoir où aller et de mettre leurs enfants en situation de précarité. Nous savons combien ces places d'hébergement sont importantes. C'est pour cette raison que nous avons augmenté leur nombre de 60 % depuis 2017. Nous allons continuer à les déployer sur le territoire, en n'oubliant pas les zones rurales et les territoires ultramarins.
Madame la sénatrice, je veux d'abord vous répondre sur la problématique des appels à projets en général. Je sais bien la difficulté qu'ils peuvent représenter. Reproduire le modèle des grandes associations nationales dans les zones rurales n'aurait de sens que pour les associations nationales se développant en réseau dans la ruralité et non pour des associations locales. Nous sommes en train de préparer des modèles extrêmement simples où l'intention prime sur le développement d'un projet avec son formalisme habituel. Pour autant, il faut lancer des appels à projets de temps en temps pour garantir une égalité d'accès à l'information, à condition effectivement de simplifier les procédures parfois trop compliquées. Prenons l'exemple de l'appel à projets que nous allons mettre en place sur le programme d'investissement en montagne et son programme d'ingénierie. J'ai bien précisé dans les circulaires à destination des préfets de département qu'il était nécessaire d'avoir une vision simplifiée des candidatures présentées. Nous intégrons petit à petit les volontaires territoriaux de l'administration et de l'ingénierie locale dans les collectivités et dans certaines associations. Soyez assurée que nous ne reproduirons pas les usines à gaz qui ont été mises en place jusqu'à présent, en dupliquant des appels à projets urbains.
Concernant les Maisons France Service, le système doit tout d'abord se stabiliser. Il y a neuf opérateurs de base. Ce métier doit être appris. Certains services étaient très anciennement implantés sur le territoire, et ont bâti des relations remarquables avec des CIDFF. Ils portent ce savoir-faire de manière efficace auprès de nos citoyens. Ayant monté moi-même une maison de service public devenue un espace France Service lorsque je suis devenu maire, je peux vous garantir que le CIDFF était présent lors de permanences, mais également par la formation donnée aux agents sur place. Dès que le réseau sera stabilisé, nous aurons à réfléchir à une formation socle incluant bien entendu une capacité d'écoute vis-à-vis de publics féminins et une capacité de réponse sur les droits des femmes. Nous travaillons sur plusieurs départements avec un numéro unique de référence France Service permettant de connaître le service le plus proche de son domicile.
S'agissant des intervenants sociaux en gendarmerie (ISG), nous verrons précisément comment doit se construire le montage, en lien avec les collectivités locales. Il s'agit d'y être très attentifs, de façon à éviter que des annonces échouent si les personnes concernées ne sont pas en lien direct avec le territoire. Nous y veillerons particulièrement.
Sachez que nous avons lancé un appel à projets pour la création ou la reprise d'entreprises par des femmes, à hauteur de 500 000 euros. Les dossiers ont été particulièrement simplifiés pour encourager le plus grand nombre à y répondre.
N'hésitez pas à nous faire remonter des initiatives de terrain innovantes pour que nous puissions les démultiplier au niveau national, et pour en discuter lors du prochain comité aux ruralités.
Merci à vous. Je passe immédiatement la parole au rapporteur Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes.
Je vous adresserai trois observations rapides, qui sont également des questions.
Nous avons évoqué en début d'audition le pourcentage de femmes maires. Le critère des mille habitants pour l'application de la parité aux élections municipales représente bien évidemment l'un des obstacles à l'émergence d'une nouvelle forme d'engagement féminin au service du territoire en ruralité profonde. Au-delà de mille habitants, le scrutin de liste doit être paritaire. Ce n'est pas le cas sous ce seuil. Je sais que ce débat ne génère pas une unanimité du côté des élus ruraux, notamment des hommes. Ceci étant dit, cette question doit, me semble-t-il, demeurer à l'agenda des prochaines décisions, si ce n'est à la fin de ce quinquennat, au début du prochain. Ce sujet doit être débattu pour favoriser l'accès des femmes aux responsabilités dans les zones rurales.
Nous avons eu l'occasion d'auditionner un certain nombre d'associations et d'acteurs majeurs liés à la formation des femmes dans les zones rurales. Le manque de formation constitue un des principaux obstacles à la participation des femmes à la vie locale au sens large du terme. Si, durant des années, les formations professionnelles n'ont pas été aussi valorisées que nécessaire pour les parcours des jeunes, et notamment des filles en zone rurale, la situation de l'enseignement supérieur en zone rurale, et notamment l'absence ou l'insuffisance d'offres de BTS, représente un obstacle important. Le lever permettrait de faciliter les parcours et la mobilité des jeunes filles en zone rurale. J'aimerais connaître vos projets en matière de formation supérieure courte dans le cadre de l'agenda rural, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur.
Enfin, les violences faites aux femmes ont été évoquées rapidement tout à l'heure. Je vous rappelle que 12 % seulement des victimes portent plainte en zone rurale, contre 30 % en ville. Les obstacles sont structurels et pas uniquement sociologiques. Nous les avons évoqués : absence de réseaux associatifs à proximité, absence d'écoute en zone de gendarmerie, difficultés pour déposer plainte... À plusieurs reprises me sont également remontées des difficultés lorsque la plainte est déposée.
Peu de femmes victimes de violences arrivent à déposer plainte. Les conditions du constat des conséquences physiques sur les femmes violentées sont difficiles. Nous manquons par exemple de médecins légistes susceptibles de pouvoir établir la caractérisation des faits permettant d'obtenir une suite pénale à la hauteur des faits de violences. Comment envisagez-vous de renforcer ce réseau de professionnels ?
Nous n'avons pas eu d'agenda rural pendant des années. Je me réjouis donc de la nomination d'un secrétaire d'État à la ruralité ayant occasionné une inflexion positive dans le domaine. Nous vérifierons que des actions fortes à destination des filles et femmes de nos zones rurales sont bien mises en place.
En effet, malgré la loi, seuls 19 % des maires sont des femmes. Si de nombreux progrès ont pu être observés en matière de parité dans les conseils régionaux, départementaux et municipaux, un travail culturel doit être mené. Il prend du temps. La formation et l'éducation dès le plus jeune âge sont très importantes. Le travail des associations est également nécessaire pour inciter les femmes à se porter candidates. Bon nombre d'entre elles ne s'en sentent toujours pas capables. C'est pour cette raison que je crois beaucoup aux role models. Nous voyons de plus en plus de femmes en politique. C'est vrai que ce domaine n'est pas facile pour les femmes, et qu'il n'est pas simple de concilier vie professionnelle et vie familiale, mais bon nombre d'entre elles réussissent. Je compte sur vous, Mesdames, pour parler de ce que vous faites et pour montrer aux autres qu'il est tout à fait possible d'y arriver. Je travaille moi-même sur ces role models. Le 8 mars dernier, nous avons mis en lumière des héroïnes du quotidien.
En ce qui concerne la formation, vous avez parfaitement raison, Monsieur le sénateur. De nombreuses actions ont été mises en place. Vous connaissez bien sûr le plan Un jeune, une solution qui a abouti à plus de 300 000 offres de formation. Nous travaillons énormément sur ces questions avec les ministres Élisabeth Borne et Frédérique Vidal.
Enfin, la question des violences est très importante. Nous ne pouvons pas évoquer l'égalité entre les femmes et les hommes si les femmes risquent encore leur vie en restant dans leurs foyers. Un féminicide absolument terrible a encore eu lieu hier. Nous avons amélioré l'accueil et la vélocité du traitement des violences. Un document d'évaluation du danger aide également les forces de l'ordre à identifier et à anticiper les dangers là où ils se trouvent. Aujourd'hui, 75 000 gardiens de la paix sont formés à 100 % à ces questions dès leur formation initiale. Il est également essentiel de permettre aux femmes de porter plainte dans les hôpitaux. Olivier Véran a débloqué 5 millions d'euros pour que les gendarmes, la police ou le procureur se déplacent auprès des femmes ne pouvant se rendre au poste pour porter plainte, pour qu'elles soient prises en charge physiquement, psychologiquement et socialement. Cinquante-trois départements offrent désormais cette possibilité. Nous devons continuer dans cette voie.
La parole se libère de plus en plus. Pour autant, vous l'avez dit, 13 % de plaintes, c'est peu. Un travail de fond doit être poursuivi. Nous nous rendons toutefois compte que les femmes connaissent de plus en plus les dispositifs. Plus nous les ferons connaître, plus il y aura d'associations pour les accompagner, et plus les femmes oseront porter plainte. Beaucoup, malheureusement, y risquent leur vie.
Comme vous le savez, nous n'avons pas un consensus absolu des associations d'élus sur le sujet de la parité dans les communes de moins de mille habitants, bien que j'y sois favorable à titre personnel. Là aussi, nous devrions faire progresser les mentalités.
Je compléterai rapidement les propos d'Élisabeth Moreno quant à la formation. Lors de nos discussions avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, nous allons nous intéresser aux questions que vous soulevez, en particulier en matière d'offre de BTS. Nous devons disposer d'offres adaptées, qu'il s'agisse de campus numériques ou d'antennes universitaires sur les territoires, sans s'interdire d'attirer des jeunes ruraux venus de l'extérieur également.
J'ai bien noté vos propos sur les relations avec la Gendarmerie et sur la validation des « kits du viol ». Je connais mal ce sujet, mais je m'y intéresserai de très près dans nos discussions avec la Direction générale de la Gendarmerie Nationale. À la demande du Premier ministre, l'agenda rural comportera un volet sur la sécurité. Il ne peut se désintéresser des violences faites aux femmes.
Merci. Je vais rebondir sur les propos de Mme Moreno. Vous avez évoqué notre visite chez Mélanie Varache, agricultrice. Je vous en remercie. J'en profite pour renouveler l'invitation de l'Association des maires ruraux de France, qui fêtera ses cinquante ans au mois de septembre dans l'Yonne et dont le thème portera cette année sur les femmes. Je reviens également sur les propos de Jean-Michel Arnaud concernant le maillage territorial et les études. Entre un rural et un urbain, nous observons souvent un déficit d'ambition créé par les conditions entourant les jeunes. Je voudrais ici parler des études longues, qui exigent nécessairement de quitter son territoire et même son département. Nous devons réfléchir à la possibilité d'offrir des cursus proches pour les premières années, et pas uniquement sur les campus connectés, qui ne donnent a priori pas la même chance à ceux qui sont en visioconférence qu'à ceux qui bénéficient de contacts réels avec des professeurs. En médecine par exemple, nous savons que c'est la première année qui est la plus difficile. Après une première année réussie, il peut être moins ardu de quitter le territoire. Dans notre département, nous formons des infirmières. Un certain nombre d'entre elles auraient certainement pu être médecins, mais ne l'ont même pas envisagé, car il était trop compliqué de suivre ces études.
Je rebondirai également sur le sujet de la santé. Les référents en CHU sont une très bonne chose. Pour autant, le premier CHU se trouve parfois à deux cents kilomètres. Ma commune de 930 habitants dans l'Yonne compte une maison de santé et une maison des internes, lieu d'accueil pour les stagiaires, internes et médecins remplaçants. Nous n'avons pas réussi à faire labelliser notre maison des internes, puisque nous nous trouvons en secteur rural, trop loin d'un hôpital. Dans la même logique, les hospitalisations à domicile ne sont pas possibles si le domicile est trop éloigné d'un hôpital. Il faut mener une réflexion sur ce sujet.
De la même manière, le CIDFF se trouve à Auxerre, à cinquante kilomètres de ma commune. Il n'assure pas du tout de permanences chez nous. La Croix Rouge est la seule association implantée en milieu rural dans ma zone. Il me semble nécessaire de veiller aux partenariats entre les différentes associations pour que celles qui sont implantées dans la ruralité puissent se faire le relais de celles qui sont plutôt présentes en ville.
Enfin, vous parliez d'idées possibles. Chez nous, nous avons mis en place un réseau de familles pouvant accueillir dans l'urgence des femmes qu'il faudrait sortir de chez elles. Évidemment, nous cherchons plutôt à faire partir le conjoint violent qu'à reloger la femme victime de violences, mais ce n'est pas toujours simple. En milieu rural, il est parfois plus facile de monter un réseau de familles accueillantes que de trouver des foyers et logements. Cette solution devrait être montée au niveau départemental.
Madame la ministre, j'apprécie beaucoup le fait que vous nous ayez dit qu'effectivement, les 1 084 places d'hébergement prévues n'étaient pas au rendez-vous pour les raisons exposées. Il est extrêmement important d'évaluer les choses. Lorsque des propositions sont faites, nous, parlementaires, devons disposer du bilan d'application pour connaître le chemin qu'il nous reste à parcourir.
Vous dénoncez à juste titre le faible pourcentage de femmes maires et pointez le besoin de travailler sur les mentalités et la valeur de l'exemple. Je partage votre avis. Dans le même temps, si je pense que la loi ne peut pas tout faire, elle constitue tout de même un réel soutien. Sans lois sur la parité, nous n'en serions pas là en termes de progression des femmes dans le monde politique. C'est parce que nous nous appuyons sur celles-ci, notamment au niveau des conseils régionaux et départementaux, que les femmes ont réussi à trouver leur place. Dès que la loi n'est pas au rendez-vous, ça ne fonctionne pas. Dès qu'il est question de communautés d'agglomérations ou de diverses structures, nous ne voyons plus de femmes. Nous devons être très attentifs pour que la loi puisse opérer à tous les niveaux. Nous avons aussi du chemin à parcourir s'agissant des responsabilités principales au sein des collectivités, qu'il s'agisse des maires ou des présidentes des conseils départementaux ou régionaux qui sont encore trop peu nombreuses. Vous nous avez communiqué beaucoup d'éléments concernant les femmes victimes de violences dans le monde rural et leurs difficultés. Je ne suis pas moi-même en ruralité, mais les associations que je rencontre demandent la possibilité de mettre à disposition un ou une psychologue dans chaque commissariat, voire dans chaque gendarmerie. C'est vrai sur l'ensemble du territoire. J'aimerais que vous nous donniez quelques éléments sur le sujet. J'ai cru comprendre que c'était prévu. Comment ce dispositif sera-t-il mis en oeuvre ? Quelles en sont les échéances ? Où ? Il me semble qu'il devrait toucher l'ensemble du territoire. Lorsqu'une femme est victime de violences, elle a besoin d'une écoute particulière. Le psychologue constitue une bonne ressource, y compris pour les personnels de la gendarmerie ou de la police qui ont besoin de pouvoir échanger.
Je vous remercie. Madame Vérien, je serai absolument ravie de répondre positivement à votre invitation pour célébrer les 50 ans de l'Association des maires ruraux de France dans l'Yonne.
Je crois beaucoup en la solidarité sur les questions de formation et d'accompagnement. Vous savez que le Président de la République souhaite passer de 25 000 à 100 000 personnes mentorées. Un budget de 30 millions d'euros a été investi sur cette question. Je crois que le mentorat est important. J'en ai moi-même bénéficié étant jeune, de la part de personnes connaissant mieux les dispositifs existants et les circuits des écoles. Les cordées de la réussite fonctionnent également lorsque les jeunes en ont connaissance. Les internats d'excellence ont aussi pour rôle d'accueillir les jeunes ayant grandi dans des environnements ne favorisant pas leurs ambitions malgré leurs capacités. Rien n'est pire qu'une jeunesse sans ambition. Nous devons travailler là-dessus, Jean-Michel Blanquer s'y attèle. Nous avons bien identifié ce manque d'ambition des jeunes dans les zones rurales, qui est lié non à une absence de potentiel ou de capacités, mais au fait qu'ils ne voient pas ce qu'ils peuvent faire. Nous avons la responsabilité de les accompagner.
J'aimerais également revenir sur votre remarque concernant les places d'hébergement. Avec la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité Emmanuelle Wargon, nous avons décidé de lancer un comité de suivi le 24 mai prochain avec les différentes associations pour connaître exactement l'emplacement de ces places, savoir lesquelles sont occupées et lesquelles sont libres, quelles sont les difficultés rencontrées sur le terrain, quels processus doivent être améliorés. Nous avons bien conscience que ce dispositif doit encore être perfectionné.
S'agissant des femmes élues, je vous confirme que la loi, bien qu'elle ne fasse pas tout, est nécessaire. De nombreuses lois nous prouvent que sans elles, nous n'en serions pas là aujourd'hui. La loi Copé-Zimmermann nous a permis de passer de 9 à 45 % de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises françaises, en dix ans seulement. En politique aussi, elle peut nous aider. Je suis favorable aux quotas, parce que nous savons que nous ne pouvons pas avancer sans eux. Si nous voulons rattraper le retard accumulé en matière de parité, nous devons en passer par là.
Vous évoquiez les psychologues dans les gendarmeries. Je n'ai pas de réponse à vous apporter, mais je note votre question pour revenir vers vous.
Enfin, le Ségur de la santé a été particulièrement bénéfique aux femmes, qui représentent plus de 80 % des métiers du soin. La revalorisation de plus de 180 euros des salaires a été très bien accueillie. Nous devons là aussi rester humbles, il nous reste beaucoup à faire. Olivier Véran répondra bien mieux que moi sur ce point.
Je tiens à rassurer Mme la sénatrice de l'Yonne : il serait tout de même problématique que le secrétaire d'État à la ruralité ne soit pas présent au congrès de l'Association des maires ruraux ; j'y serai donc.
Sur la santé, je crois à une bonne harmonie et cohérence entre les collectivités territoriales et l'État dans la mise en oeuvre des politiques publiques. J'ai été maire pendant vingt-sept ans. Bien qu'étant à cinq heures de train de la faculté de médecine la plus accessible, nous n'avons jamais manqué de médecins référents ou d'internes qui finissaient leur scolarité chez nous grâce à la mise en place d'une maison de santé pluridisciplinaire et à la mise à disposition de logements. Les conditions d'accueil doivent être acceptables pour tous.
Sur les sujets d'agenda rural, j'ai demandé à chaque ministère de tirer un bilan des politiques ministérielles. Le comité interministériel aux ruralités sera l'occasion de dresser ce bilan des mesures. La question de l'égalité hommes-femmes y sera largement traitée.
Vous évoquiez plus tôt les intervenants sociaux en gendarmerie (ISG). Les gendarmeries elles-mêmes nous font part de leur souhait de disposer de plus d'accompagnement. À nous de voir comment le faire. Je compte ici sur les collectivités territoriales et les associations. Financer des postes qui travailleraient avec la gendarmerie me semble une solution intéressante. Nous devons nouer des partenariats intelligents.
Comme vous le savez, les territoires ultramarins ne sont pas épargnés par tous ces problèmes et il est important qu'ensemble, nous mettions tout en oeuvre pour les résoudre. Vous l'avez dit, certaines associations jouent un rôle très important, mais rencontrent parfois des obstacles. Ainsi en Guadeloupe, un projet d'hébergement pour les hommes auteurs de violences est en cours mais rencontre quelques difficultés de mise en oeuvre.
Sachez que 10 % des places d'hébergement que nous avons prévu d'ouvrir cette année seront dédiées spécifiquement aux territoires ultramarins. Nous savons combien ces problématiques y sont importantes. Nous y serons vigilants.
Merci d'avoir répondu aux questions des rapporteurs et sénateurs présents aujourd'hui. Je conclurai cette réunion en insistant sur la nécessité d'avoir davantage de moyens et de les allouer de manière simple. Nous avons compris que vous étiez engagés dans cette démarche de façon volontaire et forte. En général, ce sont les entreprises qui réclament de la simplicité. Ici, les associations et les acteurs de terrain la réclament également. Nous vous remercions de faciliter les appels à projets, les associations disposant de peu de moyens, qu'elles souhaitent consacrer à leurs actions de terrain.
Avant de terminer, je précise que nous célébrons aujourd'hui la journée des sages-femmes. L'accès aux soins reste un véritable problème pour les femmes en France. Certains territoires et départements n'ont pas de gynécologues. Je souhaite que nous écoutions ce que nous disent les sages-femmes : nous avons besoin d'elles, elles doivent être entendues. Nous devons accéder à leurs demandes et les revaloriser. Elles jouent un rôle essentiel dans l'accès à la prévention pour les femmes.
Il me reste à vous remercier une nouvelle fois Madame la ministre, Monsieur le ministre, pour votre disponibilité et votre contribution aux travaux de la délégation. Nous échangerons avec vous dans les prochaines semaines sur le travail de nos rapporteurs, avec grand plaisir.
Chers collègues, nous nous revoyons jeudi 20 mai, à 9 heures, salle Médicis, pour accueillir les six skippeuses du Vendée Globe. Nous devrions ainsi passer un moment agréable avec des femmes ayant fait le tour du monde dans des conditions souvent difficiles. Nous serons ravis de les entendre.