Je suis heureux de vous parler de l'exécution budgétaire 2020, une année effectivement très particulière où l'État s'est placé au chevet des acteurs du transport, qui ont pris de plein fouet cette crise sanitaire. Fin 2019, au moment d'adopter le budget 2020, personne ne s'attendait aux confinements ni aux restrictions des déplacements, qui ont très fortement impacté le secteur des transports, mon ministère, nos programmes et nos recettes.
La mobilisation de l'État français face à cette crise se retrouve dans l'exécution budgétaire 2020 et les quatre lois de finances rectificatives adoptées au cours de l'exercice ont fortement fait évoluer le budget.
Je vous propose de revenir sur deux volets. D'abord l'aide aux acteurs du secteur et d'autre part les compensations de pertes de recettes
S'agissant des aides, dès les prémices de la crise, l'ensemble du secteur a bénéficié des aides de droit commun, le chômage partiel, les prix garantis par l'État (PGE) et le fonds de solidarité ; à ma demande, une majorité des entreprises a bénéficié du plan Tourisme, je pense aux taxis, aux autocaristes ou encore au personnel navigant. Nous avons également pris des mesures spécifiques, comme le report ou la suspension de taxes aériennes. C'était particulièrement nécessaire pour les exploitants aéroportuaires. À l'été, nous avons fait le point avec les donneurs d'ordres, autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et organisations professionnelles, pour constater une chute de 90 % du trafic aérien, de 50 % des usagers des transports en commun, de 70 % pour les ferries - cela a nécessité une deuxième vague d'accompagnement, avec des aides ciblées pour chaque secteur. Elles se sont traduites dans les lois de finances rectificatives ainsi que par différents dégels de réserves budgétaires. Il y a eu en particulier les aides emblématiques de 7 milliards d'euros versées à Air France et de 4,05 milliards d'euros pour la recapitalisation de la SNCF. Pour les AOM, deux aides complémentaires ont été proposées : une subvention pour les pertes au titre du versement mobilité qui, pour Ile-de-France Mobilités (IDFM), a représenté 425 millions d'euros et évité une cessation de paiement des transports dans la région ; ensuite, des avances remboursables pour compenser une partie des pertes de recettes tarifaires, qui ont représenté 1,175 milliard d'euros pour IDFM et plus de 550 millions d'euros pour les AOM de province. Les aéroports ont pu bénéficier d'avances remboursables pour le financement de leurs missions régaliennes de sécurité et de sûreté et le secteur maritime a fait également l'objet d'une très grande attention ; le fret ferroviaire a été largement encouragé avec la gratuité des péages de fret pour le second semestre 2020, soit un effort de 63 millions d'euros.
Les pertes de recettes de l'État et ses opérateurs ont aussi dû être compensées, quelque 250 millions d'euros ont été ajoutés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour maintenir le haut niveau, le très haut niveau d'investissement prévu dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) - et, après le coup d'arrêt du premier confinement, tous les chantiers d'infrastructures ont pu reprendre au rythme prévu, notamment celui de la Société du Grand Paris.
Le Bacea a nécessité, face à des recettes inférieures de 60 % à la prévision, un emprunt supplémentaire de 1,25 milliard d'euros et, au 31 décembre 2020, l'encours de dette a augmenté pour s'établir à 1 800 millions d'euros, contre 667 millions fin 2019. Le secteur du transport s'est aussi vu accorder 11 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, ce qui s'est traduit par 62 projets aéronautiques, pour 376 millions d'euros, ainsi que par 80 opérations routières et ferroviaires pour 420 millions d'euros.
Le budget 2021, exceptionnel par le plan de relance, nécessitera un suivi attentif des effets de la crise. Il a été construit avec des marqueurs forts de report modal et de désenclavement du territoire ; je pense notamment au soutien massif et inédit au fret ferroviaire, avec plus de 170 millions d'euros pour réduire de moitié les tarifs des péages, pour augmenter l'aide au transport combiné et pour soutenir le wagon isolé, ainsi que pour un renforcement au concours obligatoire versé à SNCF Réseau. La trajectoire de la LOM sur les sujets ferroviaires a été très largement confortée à travers l'Afitf. La trajectoire du Bacea a été revue sans rogner sur les objectifs de moyen et long termes.
Le plan de relance offrira des opportunités complémentaires. Dès le début de l'année 2021, l'Afitf a voté des crédits relance pour les trains de nuit. Nous venons, avec le Premier ministre, de relancer la semaine dernière la fameuse ligne entre Paris et Nice et d'autres lignes, comme Paris-Tarbes, ouvriront avant la fin de l'année. Nous agissons très fortement sur le déploiement des bornes électriques, un grand plan a été mis en oeuvre qui mobilise 100 millions d'euros sur les voies réservées et sur les concours à SNCF Réseau.
Nous sommes très attentifs aux effets de la crise et c'est pourquoi nous avons adopté la semaine dernière un décret « net wage » pour les ferries maritimes - c'était une demande très forte en particulier de la compagnie Brittany Ferries. Nous referons le point cet été avec les autorités organisatrices pour évaluer les pertes de recettes, à l'issue de la mission confiée à Philippe Duron sur l'avenir du modèle économique des transports en commun en France.
D'autres réflexions animeront les prochains mois. Je sais que Messieurs les rapporteurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel travaillent actuellement sur les finances de la SNCF. Avec 35 milliards d'euros de reprise de dette grâce au pacte ferroviaire et 4 milliards d'euros de recapitalisation dans le cadre du plan de relance, l'État a pris ses responsabilités envers la SNCF. Nous suivons avec attention les performances de cette entreprise publique. Après les contrats d'objectifs et de performance que nous avons signés avec l'Afitf et Voies Navigables de France (VNF), les contrats de performance attendus avec SNCF Réseau et Gares et Connexions deviendront une réalité d'ici la fin de l'été 2021.
Le mode de financement des AOM est aussi à questionner, je serai très attentif à vos propositions sur le sujet et j'attends les conclusions de Philippe Duron pour la fin juin.
La stabilité des recettes de l'Afitf et la soutenabilité de la dette du Bacea sont à suivre de très près dans un contexte de reprise progressive du trafic. Le trafic aérien a largement repris en Asie - il a même progressé en Chine par rapport à 2019 -, il a repris à 80 % en Amérique du Nord, mais seulement à 45 % en Europe, c'est un indicateur à surveiller. L'été sera à ce titre un bon indicateur avant de se projeter sur une reprise plus structurelle à compter du mois de septembre.
Le secteur du transport a donc été très marqué par la crise. Celle-ci n'a néanmoins pas démenti nos priorités politiques. Je crois même pouvoir dire qu'elle les a très largement renforcées. À l'été nous avons accéléré avec une deuxième vague d'accompagnement non plus générique mais spécifique et relancé les chantiers d'investissements. Au-delà du traitement des urgences, la situation montre bien que l'État se doit d'être davantage planificateur et précurseur. Je m'y emploie au quotidien, c'est le sens des contrats de petites lignes que nous avons signés avec plusieurs régions, pour un montant global de 6 milliards d'euros et qui préservent la connectivité de nos territoires tout en intégrant plus de technologie. En témoigne le projet de train léger que nous avons en Meurthe-et-Moselle.
Pour accompagner ces projets innovants dont la crise a confirmé la pertinence, nous avons lancé une agence d'innovation dans les transports : elle va nous permettre, sur des sujets prioritaires pour les territoires, pour la souveraineté industrielle et économique de la France, de nous doter des bons canaux de financement et des bons outils de détection.