Votre présentation m'interroge : je ne crois pas que ces mesures fassent largement consensus. Certes, des réunions régulières se sont tenues, mais avec peu de résultats. La plupart des propositions de l'opposition n'ont pas été retenues, sauf celle sur le référendum d'initiative partagée. À quoi a servi cette concertation ?
Cette réforme se fait au détriment du Parlement, du Sénat et de la qualité de la loi. Nous nous inscrivons tous seuls dans la course au temps législatif, devenant un Parlement de la vitesse. Il est parfois difficile de respecter les deux minutes et demie ; avec deux minutes, cette difficulté sera générale. C'est en contradiction avec ce qui nous importe : la qualité de la loi et la place du Parlement en face d'un exécutif qui abuse des procédures accélérées.
Vous avez une certaine idée du débat parlementaire, qui serait une perte de temps, inefficace, d'où la nécessité de réduire les temps de parole. Vous invisibilisez notre rôle, et encore plus celui de l'opposition. Le Parlement, c'est l'endroit où l'on parle ; au Sénat, on parlera moins...
C'est une modernisation de façade : nous devions réfléchir aux dispositions à prendre en cas de période exceptionnelle, par exemple pour faire face à une pandémie. Au final, les pouvoirs de la majorité seront accrus, et les droits de l'opposition affaiblis par une réduction du temps de parole et une remise en cause mesquine du tourniquet. La majorité sénatoriale a suffisamment d'avantages ! Le plus souvent, le président de la commission et le rapporteur sont issus de la majorité. Ce sera ensuite un long tunnel si l'on enchaîne immédiatement avec des orateurs de la majorité.
Les ambitions de démocratisation par le pouvoir de pétition sont timides, voire moins-disantes par rapport à l'existant.
Les mesures sur la parité sont une figure imposée, mais seulement d'affichage. Le risque sous-jacent est d'externaliser la parité vers les groupes autres que le groupe majoritaire.
Je regrette qu'il ne reste rien des mesures d'anticipation pour assurer la continuité du fonctionnement du Sénat en période de crise.
Nous avons quelques sujets d'accord : le suivi des ordonnances, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel - même si cela ne doit pas cautionner une augmentation de leur nombre ; le renforcement des pouvoirs de contrôle du Sénat, qui reste à poursuivre ; et la motion pour pouvoir refuser l'examen d'une proposition de loi déposée en application de l'article 11 de la Constitution.
Les points de désaccord sont importants : la réduction du temps de parole est pour nous quelque chose d'indépassable. Nous nous tirons nous-mêmes une balle dans le pied et nous nous en rendrons compte a posteriori. Cela aura un impact sur nos débats et sur la qualité de la loi. Nous sommes les seuls à rentrer dans cette course, et le Parlement se réduira comme peau de chagrin. Nous sommes aussi opposés à la modification de la règle du tourniquet.
Des points d'amélioration sont possibles : prévoir des mesures d'adaptation en cas de crise ; abaisser le seuil du droit de pétition ; donner des droits normaux à l'opposition ; assurer une parité effective au sein du Sénat, quand bien même elle serait faible au sein du groupe majoritaire.
Ces réformes, pour plus de « normalité » selon vous, n'emportent absolument pas notre agrément.