Je souhaite la bienvenue au sein de notre commission à M. Ludovic Haye, membre du groupe RDPI, en remplacement de notre collègue Mikaele Kulimoetoke de Wallis-et-Futuna.
- Présidence de Mme Catherine Di Folco, présidente -
Nous examinons la proposition de résolution n° 545 (2020-2021) visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité, présentée par Gérard Larcher, Président du Sénat. Je salue nos collègues présents en visioconférence.
Cette proposition de résolution fait suite au groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, qui a réuni tous les groupes politiques de décembre 2020 à mars 2021 sous la présidence de Gérard Larcher. Sur le rapport de Pascale Gruny, vice-président du Sénat, ce groupe de travail a adopté 39 propositions dont 14 nécessitent une modification du Règlement du Sénat.
La proposition de résolution poursuit cinq objectifs.
D'abord, elle vise à améliorer le suivi des ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, dont le premier alinéa prévoit que : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. » Elle ajoute aux missions des commissions permanentes le suivi des ordonnances, consacre la compétence de la commission saisie au fond pour déclarer irrecevables les amendements présentés par les sénateurs qui seraient contraires à l'article 38 de la Constitution, et renforce l'information du Sénat sur les intentions du Gouvernement en matière de publication et de ratification d'ordonnances.
Ensuite, elle vise à rénover les modalités d'exercice du droit de pétition, en s'inspirant des modalités expérimentales mises en oeuvre depuis janvier 2020. Déposée par principe sur une plateforme électronique, toute pétition qui atteindrait un seuil de signatures fixé par le Bureau du Sénat - et non par le Règlement - serait évoquée en Conférence des présidents, qui déciderait des suites à donner. Par dérogation, cette instance pourrait également se saisir d'une pétition n'ayant pas atteint ce seuil, au vu de certains critères définis par le Bureau.
La proposition de résolution vise aussi à renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat. À cet effet, elle prévoit la désignation d'un rapporteur sur les nominations dont les commissions sont saisies en application de la procédure de l'article 13 de la Constitution ; la simplification de l'attribution des prérogatives de commission d'enquête à une commission permanente ou spéciale lorsque le Sénat ne siège pas ; la fixation à vingt-trois du plafond des membres des commissions d'enquête et missions d'information, tout en permettant d'y déroger sur décision de la Conférence des présidents pour les structures créées hors droit de tirage des groupes politiques ; et l'accélération de l'examen en séance d'une question écrite sans réponse transformée en question orale.
La proposition de résolution vise aussi à mieux utiliser le temps de séance publique. Elle réduit de deux minutes et demie à deux minutes la durée de droit commun des interventions des sénateurs et de dix à trois minutes la durée de présentation des motions de procédure qui n'émanent ni du Gouvernement, ni de la commission, ni d'un groupe politique, ainsi que celle de l'intervention de l'orateur d'opinion contraire.
La proposition de résolution supprime le renvoi en fin de « tourniquet » de l'orateur du groupe auquel appartient le rapporteur lors de la discussion générale et institue une procédure allégée d'examen du texte élaboré par une commission mixte paritaire. Enfin, elle tend à créer une motion de procédure ad hoc « tendant à ne pas examiner une proposition de loi déposée en application de l'article 11 de la Constitution », pour permettre au Sénat d'obtenir l'organisation d'un référendum d'initiative partagée, les motions existantes ne répondant pas complètement à cette exigence.
Enfin, la proposition vise à assurer la parité au sein du Bureau du Sénat. Son article 14 prévoit que les listes établies par les groupes en vue de l'élection des membres du Bureau « s'efforcent d'assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes pour chacune de ces fonctions. » L'ensemble de ces dispositions entreraient en vigueur pour l'ouverture de la prochaine session ordinaire, le 1er octobre 2021.
Elles seront soumises au préalable au contrôle du Conseil constitutionnel.
Je vous propose d'approuver cette démarche engagée par Gérard Larcher sur des dispositions qui font pour leur majorité consensus.
Mes neuf amendements n'apportent que quelques précisions et compléments. Ils porteront sur le renforcement du suivi des ordonnances, qui fait consensus compte tenu de l'importance prise par ce mode de législation ces dernières années. Il s'agit de prévoir que la transmission du calendrier de publication des ordonnances par le Gouvernement porte sur le semestre, sans se limiter à la session ordinaire. Je vous propose également d'intégrer, par cohérence, au sein de l'article 44 bis du Règlement, la compétence de la commission au fond pour déclarer irrecevables les amendements présentés par les sénateurs et sénatrices contraires à l'article 38 de la Constitution.
Je suis favorable à l'exclusion de toute automaticité liée à un seuil de signatures pour les pétitions, afin de préserver en dernier ressort le pouvoir d'appréciation des instances du Sénat. Je vous propose toutefois de clarifier les compétences entre le Bureau du Sénat, habilité à déterminer les règles de recevabilité, de caducité et de publicité des pétitions, et la Conférence des présidents, seule juge de l'opportunité des suites à leur donner. Sur les pouvoirs de contrôle du Sénat, je vous propose de modifier la procédure prévue à l'article 6 de la proposition de résolution prévoyant l'approbation tacite par le Sénat de l'attribution des prérogatives de commission d'enquête à une commission permanente ou spéciale lorsque le Sénat ne siège pas. Dans cette hypothèse, il reviendrait au président de la commission des lois d'examiner la conformité de cette demande avec l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, après consultation de ses membres.
Enfin, je vous proposerai trois amendements portant articles additionnels visant à simplifier la rédaction des dispositions régissant les modalités de dépôt et d'examen des questions orales ; supprimer l'annonce en séance de l'affichage des listes pour la désignation du Bureau du Sénat ainsi que le délai de quinze jours dans lequel le sujet d'un débat d'initiative sénatoriale dont il est souhaité l'inscription à l'ordre du jour est transmis au Président du Sénat, cette information devant, en tout état de cause, être transmise avant la Conférence des présidents ; et, enfin, corriger quelques erreurs matérielles.
Votre présentation m'interroge : je ne crois pas que ces mesures fassent largement consensus. Certes, des réunions régulières se sont tenues, mais avec peu de résultats. La plupart des propositions de l'opposition n'ont pas été retenues, sauf celle sur le référendum d'initiative partagée. À quoi a servi cette concertation ?
Cette réforme se fait au détriment du Parlement, du Sénat et de la qualité de la loi. Nous nous inscrivons tous seuls dans la course au temps législatif, devenant un Parlement de la vitesse. Il est parfois difficile de respecter les deux minutes et demie ; avec deux minutes, cette difficulté sera générale. C'est en contradiction avec ce qui nous importe : la qualité de la loi et la place du Parlement en face d'un exécutif qui abuse des procédures accélérées.
Vous avez une certaine idée du débat parlementaire, qui serait une perte de temps, inefficace, d'où la nécessité de réduire les temps de parole. Vous invisibilisez notre rôle, et encore plus celui de l'opposition. Le Parlement, c'est l'endroit où l'on parle ; au Sénat, on parlera moins...
C'est une modernisation de façade : nous devions réfléchir aux dispositions à prendre en cas de période exceptionnelle, par exemple pour faire face à une pandémie. Au final, les pouvoirs de la majorité seront accrus, et les droits de l'opposition affaiblis par une réduction du temps de parole et une remise en cause mesquine du tourniquet. La majorité sénatoriale a suffisamment d'avantages ! Le plus souvent, le président de la commission et le rapporteur sont issus de la majorité. Ce sera ensuite un long tunnel si l'on enchaîne immédiatement avec des orateurs de la majorité.
Les ambitions de démocratisation par le pouvoir de pétition sont timides, voire moins-disantes par rapport à l'existant.
Les mesures sur la parité sont une figure imposée, mais seulement d'affichage. Le risque sous-jacent est d'externaliser la parité vers les groupes autres que le groupe majoritaire.
Je regrette qu'il ne reste rien des mesures d'anticipation pour assurer la continuité du fonctionnement du Sénat en période de crise.
Nous avons quelques sujets d'accord : le suivi des ordonnances, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel - même si cela ne doit pas cautionner une augmentation de leur nombre ; le renforcement des pouvoirs de contrôle du Sénat, qui reste à poursuivre ; et la motion pour pouvoir refuser l'examen d'une proposition de loi déposée en application de l'article 11 de la Constitution.
Les points de désaccord sont importants : la réduction du temps de parole est pour nous quelque chose d'indépassable. Nous nous tirons nous-mêmes une balle dans le pied et nous nous en rendrons compte a posteriori. Cela aura un impact sur nos débats et sur la qualité de la loi. Nous sommes les seuls à rentrer dans cette course, et le Parlement se réduira comme peau de chagrin. Nous sommes aussi opposés à la modification de la règle du tourniquet.
Des points d'amélioration sont possibles : prévoir des mesures d'adaptation en cas de crise ; abaisser le seuil du droit de pétition ; donner des droits normaux à l'opposition ; assurer une parité effective au sein du Sénat, quand bien même elle serait faible au sein du groupe majoritaire.
Ces réformes, pour plus de « normalité » selon vous, n'emportent absolument pas notre agrément.
Pour avoir participé à toutes les réunions du groupe de travail sauf une, je confirme qu'un consensus ne s'est pas dégagé. J'en veux pour preuve ma contribution remise au Président du Sénat.
Cette proposition de résolution est difficile à appréhender, car elle utilise trois chemins : le Règlement, le Bureau du Sénat et la Conférence des présidents. Il aurait fallu choisir une seule méthode, pour éviter la confusion. Ainsi, pour le droit de pétition, les pouvoirs du Bureau et de la Conférence des présidents s'entremêlent. Je regrette qu'il n'y ait pas de proposition de révision de l'article 38 de la Constitution, car cet article ainsi que la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel rendent illusoire toute tentative de contrôle par le Parlement.
Le Sénat et le Parlement ont besoin non pas de voir leur travail rationalisé, mais de reconquérir leur pouvoir perdu - notamment au niveau législatif.
Le droit d'amendement, qui a été amoindri par le développement des irrecevabilités, devrait être renforcé.
Le temps de parole est continuellement réduit depuis plusieurs années. Cela devient une obsession. Au lieu d'engager une course de vitesse et de rationalité, nous aurions besoin de confronter davantage nos idées - on ne le fera pas en réduisant notre temps de parole !
Quelques avancées sont à signaler, notamment sur le droit de pétition, même si je regrette que la majorité en garde le contrôle. Cette réforme renforce le fait majoritaire, comme le disait M. Kerrouche. La volonté d'encadrer les ordonnances est louable, mais sans prise sur le réel. Nous approuvons les mesures prises sur les missions de contrôle et en faveur des groupes parlementaires. Mais pourquoi les commissions d'enquête ne seraient-elles pas concernées ?
Nous ne pouvons accepter une nouvelle réduction du temps de parole. Le réduire à deux minutes, c'est insuffisant et presque mesquin, et cela affaiblit la place de l'opposition.
Je regrette l'absence de mesures pour endiguer la croissance des irrecevabilités, prétendument le remède contre une supposée inflation des amendements - notamment pour le projet de loi de finances.
Nous aurons au sein du groupe CRCE de nouvelles séances de travail pour poursuivre notre réflexion, dont l'issue déterminera notre vote sur cette proposition de résolution.
Je m'interroge sur l'application de l'article 45 de la Constitution. La procédure appliquée lors de l'examen d'une proposition de résolution sur l'indépendance d'un territoire du sud du Caucase m'a choquée. Les personnes hostiles à cette résolution n'ont pas eu de temps de parole. Dans quelles conditions l'article 45 va-t-il s'appliquer à ce texte ? Certaines dispositions mériteraient d'être éclaircies dans le Règlement.
Je suis absolument hostile à la réduction du temps de parole. Lorsque nous avons réformé notre Règlement il y a dix ans, nous avons refusé de suivre l'Assemblée nationale qui restreignait le temps d'examen d'un texte. Mais au fur et à mesure, le temps de parole se restreint au Sénat. Le Sénat se fait hara-kiri avec ce type de mesures.
En séance publique, le débat est important et porteur. Ainsi, il aurait été dommage que certains sénateurs ne puissent s'exprimer lors du débat sur la bioéthique, qui fut de grande qualité.
Mes collègues Eric Kerrouche, Éliane Assassi et Nathalie Goulet ont excellemment parlé.
Quelle est l'idéologie sous-jacente ? Certes, trente secondes, c'est peu. Je suis parlementaire depuis un certain temps, après dix ans à l'Assemblée nationale, deux ans au Gouvernement puis trois mandats au Sénat. Voyez combien, de décennie en décennie, le temps parlementaire s'est réduit. Il y a peu, la deuxième lecture était banalisée. Ce n'est pas une perte de temps, mais l'occasion de peaufiner l'écriture de la loi. Par exemple, cela en valait la peine pour l'écriture de la loi de 1881 sur la presse... Il faudrait aller de plus en plus vite : j'ai entendu Emmanuel Macron se plaindre de la durée du temps parlementaire - mais François Hollande a dit la même chose...
Nous sommes une République dans laquelle le Parlement joue un rôle essentiel, avec des débats très complexes, comme celui d'hier sur l'irresponsabilité pénale - nous devrons y revenir.
De nombreux débats nécessitent une maturation. Écouter les objections aide à se faire une idée. Renonçons à la réduction de trente secondes, par principe, pour refuser l'idéologie du tweet. Nos jeunes sont aux prises avec un temps déchiqueté : lorsqu'ils regardent la télévision pendant une heure, ils assistent à une quarantaine de séquences d'une à deux minutes, sans compter le zapping, avec un téléphone dans une main et une tablette dans l'autre... Lorsque vous leur annoncez une dissertation de six à sept heures, ils tremblent devant l'effort !
La logique du tweet généralisé est incompatible avec celle d'une argumentation étayée. Vous auriez même pu réduire le temps de parole à une minute trente, voire le supprimer totalement... Cela simplifierait les choses !
Ce serait un beau signe que la commission des lois refusât cette réduction de trente secondes, histoire de dire que nous voulons prendre le temps de l'argumentation et que nous ne sommes pas dans cette idéologie qui tue l'argumentation.
Cette modification du Règlement n'est effectivement pas un bouleversement d'ensemble, mais une série d'ajustements par rapport aux besoins ressentis sur la production législative et le contrôle parlementaire.
La réduction de la durée d'intervention à deux minutes s'apprécie dans un contexte où le nombre de sénateurs est plus élevé que jamais. Avec les renouvellements successifs et l'évolution de la vie politique, nous sommes nombreux à parler en séance. La règle des deux minutes est une règle de partage équitable pour que de nombreux orateurs puissent s'exprimer.
Chacun des 347 orateurs peut intervenir sur l'article, pour défendre un amendement ou expliquer son vote sur un amendement ou sur un article... S'il y a cinquante amendements sur un article, il peut faire cinquante explications de vote ! Vos explications sur le temps parlementaire sont donc décalées de la réalité.
Le suivi des ordonnances permet une meilleure conciliation entre le rôle législatif de principe du Parlement et l'accompagnement du Gouvernement lorsque nous déléguons temporairement ce pouvoir. Toutefois, si on abrogeait l'article 38 de la Constitution, la gestion du temps parlementaire serait impossible !
Interrogeons-nous sur notre rapport au temps. Il y a le temps de l'observation, celui de Claude Bernard, le temps de la réflexion, et le temps de parole. Pour qui parlons-nous ? Le Sénat participe à un exercice de démocratie. Nous devons avoir des interventions courtes, pertinentes, qui nous obligent à ces temps d'observation et de réflexion en amont pour que les paroles ne s'évaporent ni ne se diluent. Il faut des débats rythmés, non pesants, pour intéresser les Français, afin qu'ils comprennent mieux comment le Sénat fonctionne et participe à l'exercice de la démocratie.
Cette proposition de résolution est très intéressante, même si elle ne constitue pas un bouleversement - il n'y a pas de consensus pour un bouleversement.
Il était positif de réfléchir à des modalités de fonctionnement en cas de crise, et notamment sur le vote. Mais il faut être prudent ; l'Assemblée nationale a été sanctionnée par le Conseil constitutionnel pour être allée trop loin.
La possibilité d'évocation des pétitions n'ayant pas atteint un certain seuil est une avancée, afin de mieux prendre en compte les réflexions de la société. Le suivi des ordonnances est aussi un progrès.
M. Kerrouche s'inquiète de l'insuffisante prise en compte de la parité. C'est une question complexe : il faut veiller à la représentation de chaque groupe dans chaque instance. Lorsque la parité n'est pas atteinte dans notre assemblée, il ne faut pas la recréer dans nos instances, sinon nous imposons une surreprésentation des femmes par rapport à leur place dans l'assemblée. Ce ne serait pas équitable.
Le temps de parole se réduit individuellement, mais nous nous plaignons que les textes s'allongent et que leur volume triple au Parlement. Le travail législatif, c'est souvent du travail de nuit non compensé, et de plus en plus intensif.
Le choix est déplaisant : soit nous considérons que la loi entre trop dans les détails, et nous sommes impitoyables et renvoyons systématiquement au pouvoir règlementaire pour réduire de moitié le volume de la loi, nous pourrons alors porter à trois minutes l'expression individuelle ; soit nous ne parvenons pas à réaliser cet exploit - nous sommes mal partis pour le faire - et prenons en compte ce contexte qui nous conduit à davantage légiférer. Nous devons garder le contrôle du débat parlementaire.
Si deux minutes sont trop courtes pour présenter un exposé détaillé sur un problème particulier, deux minutes trente le sont aussi ! Or chacun peut prendre la parole sur l'article, pour présenter un amendement et pour expliquer son vote, à chaque fois qu'il le demande. La discipline est exigeante aujourd'hui, elle le sera demain, en raison de l'évolution du travail législatif. M. Sueur est souvent inspiré par la beauté du geste. Je mise plutôt sur l'esprit pratique et non sur l'idéologie pour trancher les questions qui nous sont soumises.
Je partage l'avis de M. Sueur. Le Sénat ne doit pas tendre à l'expression d'un tweet pour défendre un amendement ou expliquer son vote. Il faut pouvoir exprimer des nuances, des pensées complexes. L'expression doit être suffisamment longue pour ne pas aller seulement directement à la conclusion.
On voit parfois des miracles, avec certains collègues qui changent de conviction au cours du débat. Cela suppose d'avoir un minimum de temps pour argumenter, convaincre et ne pas être seulement dans la posture. Nous n'abusons pas de ce temps de parole, dans l'absolu ! Avec cette liberté, une seule personne pourrait bloquer le débat. Je suis même étonné de cette autodiscipline. Il faut maintenir la possibilité d'intervenir individuellement.
Il faut avoir le temps du débat, comme celui de passer d'une première lecture à une deuxième lecture, pour que la démocratie fonctionne bien. Sinon, comment voulez-vous que les débats parlementaires soient bien compris ?
Il n'est jamais bon que, sous prétexte d'aller vite, on change la loi. Le temps parlementaire est une garantie de la démocratie.
Nous savons être rapides quand c'est nécessaire, par exemple pour voter l'état d'urgence sanitaire - mais cela ne doit pas être le cas sur tous les textes.
J'interviendrai essentiellement sur la question du temps parlementaire, qui fait débat ce matin. On propose de faire passer la durée des interventions de deux minutes trente à deux minutes. Si cette proposition est faite, c'est parce que l'on voit que nous avons beaucoup de difficultés à mener à bien tout le travail parlementaire. Cela renvoie à l'importance de ce travail parlementaire, et à la quantité de textes que nous avons à examiner. Plutôt que de réduire ce temps de parole, n'y aurait-il pas lieu de mener une réflexion sur la quantité du travail parlementaire ? Je suis sénateur depuis une dizaine d'années, et j'ai le sentiment que nous n'avons jamais été saisis d'autant de textes que ces derniers temps - projets de loi comme propositions de loi. Et, franchement, je ne suis pas toujours convaincu de l'importance des propositions de loi que l'on nous soumet. D'ailleurs, certaines, longuement débattues chez nous, n'arrivent jamais à l'Assemblée nationale. Sans remettre en cause le droit d'initiative parlementaire, nous pourrions nous attacher à considérer comment nous pourrions respecter une plus grande discipline à cet égard. La Conférence des présidents, qui élabore l'agenda parlementaire, pourrait mener une réflexion sur la quantité des textes qui nous sont soumis avant de penser à une réduction de la durée des interventions des uns et des autres.
Je sais bien que le Parlement n'a pas pour seule fonction de voter la loi, et qu'il doit aussi contrôler le Gouvernement. Mais la faible assiduité des sénateurs pendant les semaines de contrôle parlementaire interroge. Je suis d'ailleurs le premier à me demander à quoi sert-il d'assister à ces débats puisque, après toute une série d'interventions - dont on peut souvent prédire le contenu, puisqu'elles sont organisées par groupe politique - il n'y a aucun vote ! On se contente de se faire plaisir... Bien sûr, je caricature.
Là aussi, il y a une réflexion à mener. Le temps du contrôle parlementaire ne pourrait-il pas être attribué à un travail d'élaboration de la loi, là encore au lieu de réduire le temps de deux minutes et demie ? Il m'est rarement arrivé de dépasser cette durée, sauf peut-être quelquefois dans le feu de l'action. Mais elle est courte, même si l'on a plusieurs fois l'occasion d'intervenir. Il y a sans doute d'autres pistes à explorer avant d'aller à cette extrémité. Sinon, demain, ce sera une minute et trente secondes...
J'ai entendu des choses difficilement compréhensibles. D'abord, sur la parité. Oui, il y a plus d'hommes que de femmes au Sénat. On peut le regretter, mais c'est dû essentiellement à une pratique du groupe majoritaire, qui consiste à multiplier les listes au niveau local. Mais ce n'est pas parce qu'il y a un problème en amont qu'on ne doit pas le traiter en aval.
Deuxièmement, ne perdons pas de vue que nous sommes l'un des Parlements les plus faibles des démocraties occidentales. De multiples études le montrent. Et ce que l'on nous propose, c'est de continuer à l'affaiblir, avec, pour argument, le nombre de parlementaires, qui impose de distribuer le droit de parole. La limite de temps de parole au Bundestag est de 15 minutes. Au Sénat américain, effectivement moins nombreux que le nôtre, la limite est de 20 minutes. Mais à la Chambre des représentants, qui compte 435 parlementaires, la limite est de 5 minutes. Et, à Westminster, il n'y a pas de limite de temps de parole pour le chef de l'opposition. Qu'on ne vienne donc pas nous dire que nous allons dans le sens de l'Histoire et de la modernisation : c'est faux !
Le Parlement nécessite un temps de parole ; on peut certes regretter que ce temps soit plus ou moins bien utilisé. Mais s'enfoncer encore dans la logique d'un temps contraint, qui n'est absolument pas justifiable, aura des conséquences sur la façon dont nous faisons la loi. Beaucoup plus grave, cela dit autre chose : que nous avons accepté notre subordination aux désirs du Gouvernement et de l'exécutif, qui sont les seuls métronomes, par leur frénésie, de la possibilité pour nous de faire ce que nous devons faire, c'est-à-dire la loi. Il s'agit donc bien d'un recul.
À défaut du regard d'un parlementaire ayant des années d'expérience au sein de la commission des lois, je peux vous faire part du point de vue d'un sénateur qui ne siège que depuis huit mois et qui a commencé à la commission des affaires étrangères. Il pourrait être intéressant d'harmoniser les pratiques entre les différentes commissions. Aux affaires étrangères, les règles ont été données dès mon arrivée : le temps de parole est défini - sans être décompté à la seconde, et sans qu'il y ait de censure ou de couperet. C'est aussi une forme de respect pour ses collègues - tout le monde intervient, y compris ceux qui prennent la parole moins souvent - et pour les personnes que nous auditionnons, puisque cela évite les questions-fleuves. J'approuve également les autres propositions d'évolution qui ont été faites.
En 1995, nous avons instauré la session unique, avec pour objectif d'éviter les séances de nuit. La session est unique, mais les séances de nuit sont encore plus nombreuses... Le travail parlementaire a plutôt augmenté et le nombre de textes aussi ! Les gouvernements nous en abreuvent - c'est leur rôle. Les initiatives parlementaires se sont aussi multipliées, à travers les espaces réservés et différents dispositifs qui permettent à chacun ou chacune d'entre nous de déposer un texte, et aux groupes de le porter. Depuis 2008, le texte examiné en séance publique n'est plus le texte déposé par l'auteur, mais celui établi en commission. Il n'y a, en outre, aucune limite au temps de parole des sénateurs en commission, ce qui permet à chacun de s'exprimer librement. De ce fait, la séance s'en trouve transformée.
Pour autant, faut-il réduire le temps de parole de deux minutes trente à deux minutes ? Notre programme législatif comportait hier l'examen de deux textes, qui pouvait continuer éventuellement aujourd'hui, voire demain. En réalité, nous avons examiné les deux textes hier dans l'après-midi et en début de soirée, sans difficulté particulière, car chacun s'est exprimé raisonnablement et, surtout, parce que les textes n'étaient pas longs. Inversement, nous allons voir arriver dans quelques semaines deux textes très importants, le projet de loi « Climat » et le projet de loi dit « 4D », qui comportent de nombreux dispositifs. La gestion du temps sera cruciale. Bref, il n'y a pas de solution évidente. Et l'idée de contenir le temps de parole à deux minutes en séance n'est pas mauvaise, qu'il s'agisse de la présentation des amendements, des avis sur les articles ou des explications de vote. Cette réduction est valable pour tout le monde, majorité comme opposition - tous seront logés à la même enseigne !
Cette proposition de résolution n'est pas un bouleversement de notre Règlement intérieur. Il s'agit plutôt d'une suite d'ajustements. À ce titre, la question du travail du Sénat en situation de crise a été écartée, pour des raisons simples : en réalité, les modalités souples retenues par le Sénat depuis le début de la crise sanitaire sont équilibrées sous l'égide de la Conférence des présidents. L'Assemblée nationale, qui a tenté de mettre en place un dispositif dans son Règlement, a été mise en difficulté par le Conseil constitutionnel...
L'article 45 de la Constitution ne s'applique pas aux propositions de résolution ; il ne s'applique qu'aux propositions et projets de loi.
J'ai entendu des propos qui me paraissent bien sévères avec cette proposition de résolution. Certes, il n'y a pas eu de consensus général au cours des réunions qui se sont tenues lors du premier trimestre. Mais, globalement, ces évolutions ont été considérées comme utiles - je pense en particulier au contrôle des ordonnances, ou aux évolutions en matière d'attribution des pouvoirs de commission d'enquête lorsque le Sénat ne siège pas. Restent des points très particuliers, que vous avez évoqués ou qui font l'objet d'amendements : parité, tourniquet, temps de parole...
L'idée est naturellement de favoriser la parité, et de l'appliquer, en tenant compte des différentes contraintes qui existent. Certains groupes n'ont pas en effectif suffisant pour répondre à cette obligation, qu'il faut concilier avec la représentation proportionnelle des groupes.
Le tourniquet fait que le premier orateur qui s'exprimera en discussion générale après le rapporteur ne sera pas forcément du même groupe que ce dernier. Il est simplement proposé de supprimer l'interdiction absolue que le premier orateur soit du même groupe que le rapporteur.
Le vote à distance est proposé dans les amendements. Le président du Sénat y est profondément hostile. Il est opposé au Parlement virtuel. Et je crois sincèrement qu'il a raison. Si nous instituons ce type de dispositif, nous serons de moins en moins nombreux dans nos réunions : les habitudes se prennent, c'est humain... Si nous avons la possibilité de ne pas nous rendre sur place, nous nous y accoutumerons, et nous n'aurons plus ces débats tant souhaités par les uns et les autres.
Sur le temps de parole, l'idée n'est pas tant de rationaliser que de permettre des interventions plus concises. Il s'agit avant tout d'une question de discipline collective. Certains d'entre nous n'abusent pas du tout du temps de parole ; d'autres, au contraire, l'utilisent à outrance à d'autres fins... Nous recherchons l'équilibre qui nous permettra d'avancer au mieux - et je le répète, en commission, le temps de parole n'est pas limité.
Pour conclure, ce texte comporte un certain nombre d'ajustements qui me paraissent souhaitables. Sur un certain nombre de points, le président du Sénat n'est pas d'accord, et il faudra en tenir compte - en tous cas, j'en tiendrai compte.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 2
Article 3
Article 4
Les amendements COM-32, COM-8 rectifié, COM-1 et COM-2 sont en discussion commune. Mon amendement COM-32 clarifie la répartition des compétences entre le Bureau, habilité à déterminer les règles de recevabilité, de caducité et de publicité des pétitions, et la Conférence des présidents, seule juge de l'opportunité des suites à leur donner. Son adoption ferait tomber les trois autres. L'amendement COM-8 rectifié est contraire à la position du groupe de travail, avec un seuil de signatures bas. L'amendement COM-1, qui propose que la pétition soit « examinée », et non « évoquée », par la Conférence des présidents, est satisfait par mon amendement COM-32, qui utilise ce terme. Enfin, l'amendement COM-2 prévoit une majorité qualifiée des quatre cinquièmes pour s'opposer à l'examen d'une pétition par le Sénat. La Conférence des présidents fonctionne plutôt par débat ouvert et consensuel. Cet amendement apporterait une forme de rigidité qui me paraît inopportune : l'objectif est d'aboutir à des décisions partagées, sinon unanimes.
L'amendement COM-32 est adopté.
Les amendements COM-8 rectifié, COM-1 et COM-2 ne sont pas adoptés.
Article additionnel avant l'article 5
L'amendement COM-16 rend obligatoire l'élection d'un membre de l'opposition à la présidence de la commission des finances. C'est déjà l'usage, respecté depuis de nombreuses années. Avis défavorable.
C'est vrai, mais cela ne tient qu'à la bonne volonté. Il serait souhaitable de l'inscrire dans le Règlement, comme c'est le cas à l'Assemblée nationale.
Ce sujet n'a pas été abordé au sein du groupe de travail.
L'amendement COM-16 n'est pas adopté.
Article 5
Article 6
Mon amendement COM-34 propose de donner compétence au président de la commission des lois sur la recevabilité de l'attribution des prérogatives de commission d'enquête à une commission lorsque le Sénat ne tient pas séance.
L'amendement COM-34 est adopté.
L'amendement COM-9 propose que l'approbation tacite des pouvoirs de commission d'enquête soit de droit lorsque le Sénat ne siège pas, alors que la proposition de résolution impose une décision du Président du Sénat. Avis défavorable.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
Article 7
L'amendement rédactionnel COM-35 est adopté.
Article 8
Articles additionnels après l'article 8
Les amendements COM-3 et COM-17 concernent la désignation automatique comme rapporteur d'un membre du groupe d'opposition auteur d'une proposition de loi examinée lors d'un espace réservé. Sur ce point, la majorité des commissions fonctionnent de la même manière, à l'exception de la commission des affaires sociales : le rapport sur un texte issu d'un groupe d'opposition n'est pas forcément attribué à un sénateur issu de ce groupe. En effet, dès lors que la majorité sénatoriale ne peut pas approuver un texte, il peut être délicat que le rapporteur soit systématiquement mis en difficulté sur une proposition qu'il est censé porter. En séance, il se retrouve obligé de dire du mal de son texte...
Si je ne soutiens pas l'idée d'établir une règle fixe, dans le Règlement, sur le partage des rapports entre les groupes, il me semble que nous ne sommes pas tout à fait dans un gentlemen's agreement qui permettrait à la totalité des groupes d'avoir accès à des rapports, de temps à autre, sur un plus grand nombre de textes susceptibles d'être adoptés. C'est hors sujet ce matin, mais je suggère que nous reprenions la discussion sur ce point.
Oui. La commission des lois, d'ailleurs, a souvent désigné des co-rapporteurs, avec des membres de différents groupes. Mes propositions récentes faites à certains groupes d'opposition de désigner certains de leurs membres comme rapporteurs n'ont toutefois pas toujours reçu un accueil favorable.
Le rapporteur est là pour rapporter le point de vue de la commission. Il n'y a pas de scandale à ce qu'un rapporteur rapporte une position qui n'est pas la sienne.
C'est tout de même compliqué... Parfois, en séance, il devient difficile de suivre pour les sénateurs qui n'ont pas participé aux travaux de la commission, entre la position de la commission, celle du rapporteur...
J'ai souvent vécu cela. Ainsi, du sénateur communiste Georges Hage, qui faisait tout un discours et concluait en disant que la commission n'avait pas approuvé le point de vue du rapporteur. Ce n'est pas scandaleux, vous savez...
Georges Hage, Douai... Grande figure ! À propos de ces observations concernant le rapporteur, je signale que le cas se produit régulièrement à la commission des finances, avec les rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances. Ces rapporteurs budgétaires s'expriment au nom de la commission et donnent ensuite leur avis personnel. C'est une pratique classique dans cette maison.
Oui, c'est aussi le cas chez nous puisque plusieurs rapporteurs pour avis sur le projet de loi finances sont issus de l'opposition.
Et cela ne pose pas de problème ! Le rapporteur rapporte le point de vue de la commission, avec éthique. La semaine dernière, une candidature pour faire le rapport a été refusée. Une autre candidature a été sollicitée, et nous avons entendu le rapport. Nous verrons qu'il n'y aura aucune avancée au terme de l'examen de cette proposition de résolution. C'est une illustration de ce qui peut se passer.
L'amendement COM-14 instaure le vote à distance en commission. Le Président est très opposé à un Sénat virtuel. Avis défavorable.
On peut en tout cas espérer que cette période, où nous siégeons en demi-jauge, se terminera bientôt.
L'amendement COM-14 n'est pas adopté.
L'amendement COM-18 porte sur la publicité des travaux en commission. L'idée est d'inverser le principe actuel : les réunions de chaque commission seraient publiques, sauf décision contraire. Avis défavorable.
De plus, les réunions de commission font d'ores et déjà l'objet d'un compte rendu écrit détaillé.
L'amendement COM-18 n'est pas adopté.
Justement, l'amendement COM-20 porte sur la rectification des comptes rendus des commissions. Il est satisfait en pratique : des modifications sont déjà possibles - si elles ne changent pas le sens du propos, bien sûr. Avis défavorable.
L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
L'amendement COM-22 est également satisfait. Retrait, ou avis défavorable.
L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
L'amendement COM-23, relatif à l'horodatage des amendements, ne relève pas du Règlement. Avis défavorable.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
L'amendement COM-24 crée un droit de tirage, pour les groupes politiques, d'utilisation de la plateforme de consultation des élus locaux. Avis défavorable : chaque groupe politique dispose de ses propres moyens.
L'amendement COM-24 n'est pas adopté.
Article additionnel avant l'article 9
L'amendement COM-15 modifie profondément le système d'espaces réservés aux groupes minoritaires. Nous fonctionnons actuellement avec un quota d'heures, dont chaque groupe dispose pour faire examiner son texte. Cet amendement propose de passer à un système par jour, sans doute pour disposer de plus de temps. Ce sujet n'a pas été évoqué par le groupe de travail, alors qu'il changerait profondément notre organisation. Avis défavorable.
L'amendement COM-15 n'est pas adopté.
Article 9
Article 10
Article 11
L'amendement COM-29 demande deux heures de discussion générale par défaut, au lieu d'une heure actuellement. Le système actuel, qui résulte d'une modification de notre Règlement en 2015, me semble équilibré. La Conférence des présidents peut toujours prévoir une durée plus longue pour adapter ces discussions à la teneur du texte. Ce fut le cas récemment, sur le projet de loi confortant les principes de la République. Avis défavorable.
L'amendement COM-29 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 13
L'amendement COM-13 permet à tout sénateur de reprendre, en séance, un amendement dont l'auteur est absent. Le groupe de travail n'a pas évoqué ce sujet. Avis défavorable. Lorsqu'un sénateur est seul signataire d'un amendement, et qu'il n'est pas présent, son amendement n'est pas défendu. S'il y a plusieurs cosignataires, il n'y a pas de difficulté, s'ils sont présents. Et s'il y a un intérêt majeur à l'amendement, la commission peut toujours le reprendre...
Cet amendement a tout de même son utilité, en particulier dans la période actuelle. Nous l'avons vu plusieurs fois lors des débats au cours de l'année 2020, lorsque la jauge dans l'hémicycle était très faible et que nous avions du mal à être tous présents. Permettre à un parlementaire de défendre un amendement d'un collègue sans être pour autant d'accord avec lui, mais en le portant pour le compte de ce collègue peut répondre à la situation que nous avons connue l'année dernière. Certes, un amendement ayant un intérêt particulier peut être repris par la commission. Mais il peut s'agir d'un amendement qui, sans avoir vocation à être adopté, pose un sujet et demande au rapporteur, ou au Gouvernement, des réponses. Dans ce cas, la commission ne le reprendrait pas, et le débat parlementaire ne serait pas complet. Bref, cet amendement a son utilité, en particulier dans une période où il est demandé à plus de la moitié de nos collègues de ne pas être présents aux séances, et donc de ne pas participer au débat.
Il est possible de faire cosigner les amendements jusqu'à l'ouverture de la discussion générale.
Certes, mais une chose est de porter un amendement, une autre chose est de devoir demander à quelqu'un de signer un amendement avec lequel il n'est pas nécessairement d'accord. C'est un pis-aller, là où nous proposons un système clair.
Vous m'avez enlevé l'argument de la bouche, madame la présidente : effectivement, c'est notre responsabilité de nous organiser pour que quelqu'un qui sera présent cosigne notre amendement. Le cas se produit souvent pour les lois de finances. Et je me rappelle avoir souvent signé, par amitié - et retiré par conviction - des amendements pour aider les collègues qui n'étaient pas là. Ce n'est pas si fréquent, d'ailleurs.
L'amendement COM-13 n'est pas adopté.
Article 14
Je souhaite défendre cet amendement. En effet, la rédaction de l'article 14 est quelque peu poussive : « ces listes s'efforcent d'assurer une représentation équilibrée » ! Le caractère normatif du verbe « s'efforcer de » n'est pas très évident... Ce que nous proposons est parfaitement faisable.
Le Bureau du Sénat compte, outre le Président du Sénat, huit vice-présidents, trois questeurs et des secrétaires. Chaque groupe doit présenter une liste pour chacune des catégories. Si un groupe dispose d'un siège dans une des trois catégories, on ne peut pas imposer la parité. Si un groupe dispose d'un nombre pair de sièges pour chaque catégorie, cet amendement fera qu'il proposera un homme et une femme. S'il dispose de trois sièges, il proposera au moins une personne de chaque sexe. S'il dispose de quatre sièges, il proposera deux femmes et deux hommes. Donc c'est tout à fait faisable.
Certains groupes y sont puissamment attachés.
L'adoption de l'amendement de M. Kerrouche obligerait tout groupe politique devant présenter un nombre pair de candidats à appliquer la parité. Le Bureau se rapprocherait ainsi de la parité, même s'il ne l'attendait pas nécessairement. La rédaction proposée évite l'expression « s'efforce de », dont le caractère inopérant est manifeste. En plus, cela nous permettrait peut-être d'avoir une femme questeur au Sénat.
Précisément, comment comptez-vous garantir la parité à la questure, où il n'y a que trois postes ?
Cela supposerait, il est vrai, une concertation entre les groupes politiques. Mais le dispositif est opérationnel pour tous les autres organes.
La Constitution a été modifiée voilà plusieurs années pour que la loi puisse favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats électifs. Or, formellement, notre Règlement, qui est d'office soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, n'est pas une loi. Il serait donc intéressant, en cas d'adoption de l'amendement, de voir si le Conseil constitutionnel considère que la possibilité donnée à la loi s'applique aussi aux règlements des assemblées parlementaires.
La remarque de notre collègue Alain Richard est un argument fort en faveur de l'adoption de notre amendement.
Articles additionnels après l'article 14.
Avis défavorable sur l'amendement COM-26 , pour les raisons que j'ai déjà exposées.
L'amendement COM-26 n'est pas adopté.
Les amendements de simplification procédurale COM-36 et COM-37 sont adoptés, de même que l'amendement rédactionnel COM-38.
Les amendements en discussion commune COM-4, COM-5, COM-19 et COM-21 concernent l'irrecevabilité des amendements au titre des articles 40 et 45 de la Constitution.
Les auteurs de l'amendement COM-4 proposent que le président de la commission des finances avertisse l'auteur d'un amendement avant de le déclarer irrecevable pour lui laisser le temps de le rendre conforme à la Constitution. En pratique, il y a déjà une certaine souplesse. Il n'est pas utile de rigidifier la procédure. Avis défavorable.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel impose un contrôle de recevabilité « effectif et systématique » au moment du dépôt des amendements. Le Sénat a traduit cela dans son Règlement par l'interdiction de la distribution des amendements déclarés irrecevables. Les amendements COM-4, COM-5 et COM-19, qui ont pour objet la publication de tels amendements, iraient à l'encontre de cette jurisprudence. L'amendement COM-21, qui tend à remplacer le contrôle du président de la commission par un vote de la commission, après avoir reçu la liste des amendements concernés vingt-quatre heures en amont, aussi. En pratique, le président de la commission adresse d'ailleurs toujours un courrier à l'auteur de l'amendement déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Le dispositif proposé par ailleurs pour l'irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution est satisfait. Et la création d'une procédure de contestation en séance d'une déclaration d'irrecevabilité ne paraît pas opportune. Avis défavorable.
Vous connaissez nos critiques quant à l'application de l'article 45 de la Constitution. Il serait utile de permettre la publication des amendements déclarés irrecevables. Le Conseil constitutionnel irait-il jusqu'à déclarer cela contraire à la Constitution ?
Les amendements déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution sont diffusés. La jurisprudence que j'évoquais concerne l'article 40 de la Constitution.
Il serait également intéressant de publier les amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 40, dont l'application suscite quelquefois des interrogations.
Les amendements COM-4, COM-5, COM-19 et COM-21 ne sont pas adoptés.
La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
Nous examinons à présent le rapport pour avis de notre collègue Stéphane Le Rudulier sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Notre commission s'est saisie pour avis de ce projet de loi, qui est examiné au fond par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et par la commission des affaires économiques.
Plusieurs dispositions du texte entrent dans le champ de compétences de notre commission : le titre VI, sur la protection judiciaire de l'environnement ; l'article 15, sur le « verdissement » de la commande publique ; les dispositions introduites à l'Assemblée nationale pour lutter contre l'orpaillage illégal en Guyane, qui touchent au droit pénal ; des dispositions sur les transports et sur la lutte contre l'artificialisation des sols qui nous intéressent à travers le prisme des collectivités territoriales. J'ai veillé à ce que les mesures envisagées respectent le principe de libre administration des collectivités et ne fassent pas peser sur elles des contraintes excessives.
Nous examinerons une trentaine d'articles sur les 218 que compte ce projet de loi protéiforme. J'ai beaucoup échangé avec mes collègues rapporteurs au fond pour essayer de dégager des positions communes qui donneront plus de force à l'expression du Sénat.
La protection judiciaire de l'environnement constitue le coeur de notre saisine.
Les deux articles principaux, les articles 67 et 68, créent de nouvelles infractions pour mieux réprimer la mise en danger de l'environnement et les atteintes graves et durables causées à l'environnement, dont certaines seraient qualifiées d'écocide et punies de dix ans d'emprisonnement. Ces nouvelles incriminations suscitent des critiques contradictoires. D'une part, les associations de protection de l'environnement souhaiteraient que les condamnations soient facilitées. D'autre part, les organisations d'employeurs s'inquiètent de leurs conséquences sur l'activité industrielle et sur les investissements étrangers. Ces nouvelles infractions apparaissent en réalité assez difficiles à caractériser. Il faut d'abord que l'auteur des faits ait violé les règles administratives protégeant l'environnement pour que des poursuites pénales puissent être engagées, et la notion d'atteinte durable à l'environnement est définie comme une atteinte susceptible de durer au moins dix ans, ce qui est une condition exigeante.
C'est l'article 68 qui pose le plus de problèmes sur le plan juridique. Le Conseil d'État a émis un avis défavorable sur ce dispositif, considérant qu'il réprimait de manière incohérente les atteintes à l'environnement et posait un problème constitutionnel en raison d'un risque de double incrimination. Les mêmes faits pourraient donner lieu à une condamnation à une peine différente en fonction du texte d'incrimination choisi par les autorités de poursuite. En conséquence, je vous présenterai tout à l'heure un amendement tendant à réécrire largement cet article 68, afin de répondre aux critiques du Conseil d'État. Je vous proposerai d'abandonner le terme d'écocide, qui n'est pas utilisé à bon escient.
Autre point de vigilance, l'article 69 bis, ajouté à l'Assemblée nationale, autorise l'utilisation de drones par les agents de contrôle chargés de veiller au respect des normes environnementales. À la lumière des travaux de la commission lors de l'examen de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés et de la récente décision du Conseil constitutionnel, je vous proposerai plusieurs amendements tendant à mieux encadrer le recours aux drones.
Je suggère d'abroger le référé pénal, à l'article 69 ter. Ce dispositif n'a quasiment jamais été utilisé et paraît redondant avec les référés civil et administratif.
En revanche, je vous propose d'approuver la mesure tendant à confier le contentieux du devoir de vigilance à un ou plusieurs tribunaux judiciaires, comme le prévoit l'article 71 ter. Il y a une vraie incertitude concernant la juridiction compétente. Ce contentieux paraît déborder du champ de compétences habituel des tribunaux de commerce.
Les articles relatifs à la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane comportent d'autres mesures de droit pénal. Les moyens déployés par l'État sont extrêmement importants ; je pense à l'opération Harpie qui associe l'armée et la gendarmerie. Mais les résultats restent relativement modestes.
Sont notamment prévus des mesures pour habiliter des inspecteurs de l'environnement et des agents de l'Office national de forêts (ONF) à constater les infractions au droit minier en Guyane, le renforcement des sanctions pénales en cas d'infraction au droit minier et l'extension de la possibilité de reporter de vingt heures au maximum le début de la garde à vue. Il faut parfois des heures pour qu'une personne interpellée en Guyane soit acheminée au poste de gendarmerie le plus proche, ce qui justifie de reporter le point de départ de la garde à vue.
Ce sont des mesures attendues par les acteurs de terrain comme les auditions l'ont montré. Elles rejoignent certaines des préconisations de notre commission dans son rapport de février 2020 sur la Guyane. Elles sont utiles et proportionnées aux enjeux de la lutte contre l'orpaillage illégal. Je vous propose donc de soutenir leur adoption.
Je souhaite évoquer à présent le « verdissement » de la commande publique. L'article 15 tend à rendre systématique la prise en compte de considérations environnementales dans les conditions d'exécution des marchés publics et dans les critères de sélection des offres. Dans sa version initiale, l'article était acceptable : il est légitime que la commande publique contribue à la protection de l'environnement. Des modifications apportées à l'Assemblée nationale pour ajouter des critères sociaux apparaissent en revanche plus problématiques. Elles ne tiennent pas compte de la réalité des PME, qui risquent de se retrouver exclues des marchés publics, et ne paraissent pas compatibles avec le droit européen, qui impose l'existence d'un lien entre les critères posés dans l'appel d'offres et l'objet du marché. Je vous proposerai donc tout à l'heure plusieurs amendements pour remédier à ce problème.
J'en viens aux transports et à la lutte contre l'artificialisation des sols. J'ai examiné les articles 26 ter, 27, 29 et 32, ainsi que les articles 47 à 50 et 56 bis, relatifs à la lutte contre l'artificialisation des sols, en veillant à leurs effets sur les collectivités territoriales et en m'assurant de leur conformité au principe de libre administration.
Sur le volet transports, je vous proposerai des amendements à l'article 26 ter pour apporter des assouplissements à la trajectoire que le projet de loi entend imposer aux collectivités s'agissant du « verdissement » de leur flotte de véhicules.
À l'article 27, relatif aux zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m), je vous suggérerai de défendre les prérogatives du maire en introduisant un mécanisme permettant aux communes de s'opposer au transfert automatique de cette compétence à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Je proposerai de préserver la liberté pour les collectivités de définir comme elles le souhaitent les restrictions devant s'appliquer sur le périmètre des ZFE-m.
À l'article 29, relatif à la tarification des services ferroviaires d'intérêt régional, je vous proposerai un amendement visant à maintenir la liberté tarifaire des autorités organisatrices de transport (AOT) régionales, qui participe du principe de libre administration des collectivités.
L'article 32 est politiquement sensible. Il vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure du domaine de la loi permettant aux régions qui le souhaitent d'instituer une écotaxe, assise sur le transport routier de marchandises. Celle-ci serait appliquée sur des routes dont le transfert aux régions est envisagé, à titre expérimental, dans le projet de loi dit « 4D », que nous examinerons prochainement. Cela pose un problème de cohérence, puisque le débat sur l'écotaxe précéderait le débat sur le transfert des routes qui en sont le support. Des interrogations demeurent concernant le champ de l'habilitation, particulièrement imprécis et vague. De plus, la révision prochaine de la directive Eurovignette risque de rendre caduque l'ordonnance. Enfin, nous sommes toujours en attente de l'ordonnance qui doit permettre à la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) d'instituer une écotaxe. Si elle était prise, il pourrait se poser un problème d'articulation entre les deux dispositifs.
En matière de lutte contre l'artificialisation des sols, le projet de loi fixe un objectif national qui serait ensuite décliné dans les documents locaux de planification et d'urbanisme. Le rythme d'artificialisation des sols serait divisé par deux au cours des dix prochaines années par rapport aux dix années écoulées, avec l'objectif d'arriver à zéro artificialisation nette en 2050.
Néanmoins, on peut s'interroger sur le rôle central dévolu au schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Je vous proposerai de préserver la liberté des collectivités infrarégionales, en précisant que leurs documents - les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) - tiennent compte des objectifs fixés dans le SRADDET sans lui être subordonnés.
Je propose de supprimer plusieurs articles imposant aux collectivités des contraintes supplémentaires peu justifiées. D'abord, l'article 49 quater alourdit la composition des conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Ensuite, l'article 49 quinquies crée des conventions de sobriété foncière ; si de tels outils de coordination de l'action des collectivités publiques impliquées dans la lutte contre l'artificialisation des sols peuvent être utiles, il n'est pas souhaitable d'en rigidifier le fonctionnement. Enfin, l'article 50 prévoit la production par les communes ou les EPCI compétents en matière d'urbanisme de rapports relatifs à l'artificialisation des sols, sans tenir compte des besoins et des moyens réels des communes ou des EPCI de petite taille.
Les amendements que je vous présenterai visent à trouver un juste équilibre entre le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et la mise en oeuvre de nouvelles dispositions tendant à protéger notre environnement, tout en préservant la vie économique de nos territoires.
Je salue la qualité du rapport pour avis de Stéphane Le Rudulier. Le projet de loi est pharaonique ; il faut y remettre de la clarté. Ce texte de planification rigide stalinienne de l'aménagement du territoire nous conduirait à de graves désillusions s'il était adopté en l'état.
Les chiffres que j'avais annoncés en tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN) se sont révélés exacts ; le Gouvernement n'en a pas tenu compte. Cette loi a freiné la construction de logements. C'est un effondrement total, notamment dans les zones les plus tendues, qui va aboutir à une baisse considérable de la construction de logements collectifs et de logements sociaux. Et l'on vient encore créer une nouvelle usine à gaz. Si Les maires n'accordent pas assez de permis de construire, c'est à cause de la jungle des normes et des réglementations.
Les articles sur l'artificialisation des sols, qui semblent très techniques, sont essentiels. Je le dis très tranquillement : en continuant comme cela, nous allons perdre 250 000, voire 400 000 emplois dans le bâtiment, alors que nous devons relancer l'économie du pays. Il faut évidemment tenir compte de conséquences environnementales. Mais, comme le rapporteur pour avis l'a indiqué, la définition de l'artificialisation des sols qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale est particulièrement floue. Nous avons un double enjeu : d'une part, redéfinir l'artificialisation en fixant un objectif qui puisse se décliner localement et qui respecte le principe de libre administration des collectivités locales ; d'autre part, ne pas repartir dans des schémas d'aménagement du territoire qui vont bloquer la construction.
Le plan que nous avions lancé avec Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, avait abouti à 490 000 mises en chantier, alors que nous sommes descendus à moins de 360 000 aujourd'hui. Dans les zones tendues, nombre de ménages modestes n'auront pas la possibilité de se loger ou d'accéder à la propriété.
Je trouve excellents les amendements du rapporteur pour avis sur l'artificialisation et sur la combinaison entre objectifs environnementaux et libre administration des collectivités locales. Nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sont dans le même état d'esprit que moi. Nous sommes très préoccupés par ce texte, qui peut porter un coup fatal à la construction dans notre pays.
Je partage totalement les propos de notre collègue Marc-Philippe Daubresse. Dans mon département, pour se loger, il faudra bientôt avoir soit très peu d'argent pour pouvoir vivre en logement social, soit en avoir beaucoup pour pouvoir acheter du foncier.
Les articles 67 et suivants concernent les atteintes à l'environnement et leur répression. Le droit de l'environnement et le droit pénal sanctionnent déjà les comportements visés. Quel est l'apport de ces nouveaux articles ? Quid des atteintes à l'environnement susceptibles de durer au moins dix ans ? Bien malin celui qui pourrait prévoir les réactions de la nature sur une telle durée...
La préservation de la biodiversité est notre sujet constitutionnel du moment. Je suis frappé par l'immensité des incertitudes scientifiques et statistiques sur l'intensité de la présence des différentes espèces végétales et animales.
La définition administrative de l'artificialisation qui a été retenue dans notre pays sert de base à toute une série de décisions des pouvoirs publics. Or elle est, à mon avis, profondément erronée, puisqu'elle rend très difficile toute évolution de l'accueil des populations et des services, avec des effets économiques très négatifs. Je souhaite que les travaux du Sénat permettent de rationaliser et de rendre plus cohérente la nouvelle définition.
J'en viens à une remarque de méthode législative. En matière d'urbanisme, il existe deux modes de subordination d'une règle à une autre : la conformité et la compatibilité. La jurisprudence sur le sujet est abondante. L'introduction d'une troisième catégorie, qui serait la « prise en compte », ne me semble guère opportune. En droit, je ne sais pas ce que cela signifie. En cas de litige, ce sera au juge de trancher : il risque de devoir faire des contorsions pour apprécier si l'on a suffisamment tenu compte ou non. Au demeurant, la notion est déjà utilisée pour les parcs naturels régionaux. Mais il s'agit de droit souple, pour ne pas dire de « droit mou ». Je ne crois pas que cela soit un modèle à imiter.
Je salue le travail de réflexion et de concertation très important du rapporteur pour avis. Je partage les inquiétudes de mes collègues quant à la définition de l'artificialisation.
L'article 32, qui concerne la contribution assise sur le transport routier des marchandises, est une élucubration juridique. Il consiste à donner le sentiment que les régions et les départements pourraient créer une écotaxe alors que le texte qui rendra cela possible viendra ultérieurement. C'est de l'enfumage. Et qu'est-ce qui nous garantit que l'État ne tirera pas prétexte de cette taxe pour réduire le financement des transferts de compétences annoncé dans le cadre du projet de loi dit « 4D » ? En plus, les modalités de calcul de la taxe sont très floues. Enfin, la France, qui exercera la présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022, a indiqué que la révision de la directive Eurovignette serait une de ses priorités.
Région péninsulaire de 3 millions d'habitants, la Bretagne nourrit 17 millions de personnes qui vivent au-delà de ses limites. Les transports routiers bretons seraient donc lourdement pénalisés par le dispositif envisagé. Il y a un vrai sujet d'équilibre territorial et de capacité à assumer l'autonomie alimentaire.
Par ailleurs, nous connaissons tous le développement du e-commerce ; or, pratiquer le e-commerce, c'est soutenir le développement du transport routier. Les marchandises sont livrées et peuvent même être renvoyées si elles ne conviennent pas. Cela revient à financer un aller-retour.
Je remercie le rapporteur pour avis de son travail.
Je rejoins les propos de Mme Gatel relatifs à l'écotaxe, ainsi que la proposition du rapporteur pour avis d'aborder ce débat en même temps que le transfert de certaines routes aux régions dans le projet de loi « 4D ». En Alsace, nous sommes toujours en attente de l'ordonnance prévue par la loi relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace adoptée il y a bientôt deux ans !
Je salue les amendements du rapporteur pour avis relatifs à la libre administration des collectivités territoriales. S'agissant des ZFE-m, il propose notamment de refuser que la compétence soit automatiquement transmise aux EPCI. Cette proposition me semble particulièrement pertinente.
Je félicite à mon tour le rapporteur pour avis pour la qualité de son travail.
En mai 2019, en tant que rapporteur de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide, je m'étais heurtée à un certain nombre de difficultés. En effet, le texte ne permettait pas de différencier les activités légales des activités illégales, ni de trancher la question de l'intention des auteurs de l'écocide - la dégradation de l'environnement était-elle l'objectif poursuivi, ou simplement une conséquence ? - ni de déterminer ce qu'était une atteinte grave et durable. Des sanctions administratives existant déjà, nous avions donné un avis défavorable à cette proposition de loi.
Je remercie également le rapporteur pour avis, dont le travail de pédagogie sur ce texte fourre-tout a permis de remettre l'église au centre du village en rappelant nos principes.
J'ai pu observer les effets de l'application de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) dans des quartiers pavillonnaires de la ville de Marseille qui bénéficiaient d'un cadre de vie agréable et confortable. Je ne mésestime pas la difficulté, notamment pour les jeunes, d'accéder à la propriété, mais il me paraît préjudiciable pour la qualité de vie et l'habitat de bon nombre de nos concitoyens de densifier et d'élever les habitations. À vouloir préserver l'environnement, il arrive qu'on le dégrade. De plus, les maires rencontreront de nombreuses difficultés dans la délivrance des permis de construire. De ce point de vue, ce texte amène de la confusion.
Je crois essentiel que le débat se tienne au sein des assemblées délibérantes des intercommunalités et des communes afin de déterminer un objectif raisonnable de non-artificialisation pour les dix prochaines années, en corrélation avec les programmes locaux de l'habitat et les objectifs de construction qui découlent de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
Par ailleurs, il faut mieux définir ce qu'est l'artificialisation. Je propose d'introduire la notion d'imperméabilisation, qui permet de préserver les zones végétalisées tout en évitant une interprétation excessive de la non-artificialisation. La référence à la notion de parcelle permettra également aux élus de mieux s'approprier leurs nouvelles obligations.
Sur le volet pénal, le projet de loi a effectivement pour objectif d'aggraver les peines encourues pour les atteintes graves et durables à l'environnement. Comme cela a été indiqué, toute la difficulté est d'apprécier ce qu'est une atteinte « durable », car il est rare qu'une atteinte de l'eau ou du sol dure plus de dix ans. Il reviendra aux tribunaux de trancher sur la base d'avis d'experts. La commission saisie au fond souhaitera peut-être faire évoluer ce critère de durée. En réponse à Marie Mercier, je signale que la proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide était rédigée en des termes très différents de ceux du présent projet de loi. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Madame Gatel, vous avez évoqué le risque que la ressource issue de l'écotaxe soit intégrée dans le calcul des compensations accordées aux régions. Je souligne dans mon rapport écrit que ne sauraient être prises en compte dans le calcul des conditions financières du transfert des routes envisagé dans le projet de loi « 4D » les recettes résultant de la mise en oeuvre de cette contribution. C'est une ligne rouge pour la commission.
Cela fait dix-huit mois que le Gouvernement est habilité à prendre une ordonnance en vue de la création d'une écotaxe régionalisée pour l'Alsace. On peut donc légitimement s'interroger sur sa capacité à édicter dans un délai similaire une ordonnance d'envergure nationale.
EXAMEN DES ARTICLES
Mes chers collègues, je vous rappelle que lorsque la commission est saisie pour avis, seul le rapporteur peut déposer des amendements.
Article 15
L'amendement COM-798 vise à supprimer l'obligation de publication annuelle des indicateurs des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser).
L'amendement COM-798 est adopté.
L'amendement COM-799 vise à supprimer l'obligation de prendre en compte certaines considérations en matière sociale et d'emploi dans les conditions d'exécution des marchés publics.
L'amendement COM-799 est adopté.
L'amendement COM-800 vise également à revenir sur des dispositions relatives aux marchés publics.
L'amendement COM-800 est adopté.
Article 26 ter (Nouveau)
L'amendement COM-801 tend à assouplir la trajectoire de « verdissement » des flottes de véhicules légers des collectivités territoriales afin qu'elle soit supportable par les finances locales. Ainsi, le taux plancher d'incorporation de véhicules propres lors du renouvellement des flottes serait fixé à 40 % à partir du 30 juin 2025, à 50 % à compter du 1er juillet 2030 et à 70 % à partir du 1er juillet 2032.
L'amendement COM-801 est adopté.
L'amendement COM-802 tend à exclure certains véhicules, tels que les déneigeuses, de la trajectoire de « verdissement » des flottes de véhicules légers des collectivités territoriales.
L'amendement COM-802 est adopté.
Article 27
L'amendement COM-803 vise à permettre plus de souplesse dans la fixation du schéma de restriction de circulation établi par les collectivités territoriales dans le cadre des ZFE-m.
L'amendement COM-803 est adopté.
L'amendement COM-804 vise à permettre aux maires de s'opposer au transfert automatique des pouvoirs et compétences de police de la circulation en matière de ZFE-m.
L'amendement COM-804 est adopté.
Article 29
L'amendement COM-805 vise à supprimer l'obligation pesant sur les autorités organisatrices de transports de proposer des barèmes tarifaires, pour les trains express régionaux (TER) et les transiliens, incitant les usagers à privilégier le recours aux transports collectifs et favorisant l'intermodalité. Plutôt que de légiférer sur ce point, il vaut mieux faire confiance aux initiatives des régions.
L'amendement COM-805 est adopté.
Article 32
Comme je l'ai déjà évoqué, l'amendement COM-806 vise à supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement concernant l'écotaxe.
L'amendement COM-806 est adopté.
Article 48
L'amendement COM-807 tend à préciser la définition de l'artificialisation des sols pour en garantir l'opérationnalité. De nombreux acteurs de terrain ayant exprimé leur difficulté à se saisir de cette notion d'artificialisation des sols, il est apparu nécessaire d'en préciser la portée concrète dans la loi. La définition ainsi proposée, qui recourt à la notion de parcelle et lie l'artificialisation à l'imperméabilisation, est de nature à faciliter l'appropriation de la notion par les acteurs impliqués.
Tous les outils de mesure des services de l'État reposent sur la définition actuelle. Si nous obtenons satisfaction, il faudra prévoir une date d'application différée.
L'amendement COM-807 est adopté.
Article 49
L'amendement COM-808 tend, à titre principal, à inclure la fixation de la trajectoire de réduction du rythme de l'artificialisation parmi les objectifs fixés par le SRADDET. Initialement incluse parmi les règles fixées par ce document, cette trajectoire aurait constitué une contrainte excessive pour les collectivités territoriales ou leurs groupements en charge de l'élaboration des SCoT ou des PLU.
Lors de l'examen de la loi ÉLAN, nous avons obtenu que l'on définisse par ordonnance la hiérarchie des normes applicable aux documents d'urbanisme. Notre rapporteur a donc raison d'introduire l'expression « prendre en compte », également utilisée dans cette ordonnance en date du 17 juin 2020.
L'amendement COM-808 est adopté.
L'amendement COM-809 tend à supprimer la possibilité, pour le règlement de PLU, de définir des règles de limitation de l'imperméabilisation des sols, de désimperméabilisation des sols et de compensation de toute nouvelle imperméabilisation. Ces deux dernières notions, mal définies, pourraient poser des difficultés aux communes ou EPCI en charge de ce document.
L'amendement COM-809 est adopté.
L'amendement COM-810 tend à apporter un léger assouplissement à la procédure de révision des SCoT et des PLU prévue pour leur mise en conformité avec les objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols.
L'amendement COM-810 est adopté.
Article 49 bis F (Nouveau)
L'amendement COM-811 tend à prévoir que l'évaluation sexennale des SCoT inclurait une évaluation au regard de l'objectif de réduction du rythme de l'artificialisation des sols.
Il conviendrait que ce rapport soit fait la première année du mandat municipal.
Il importe effectivement de procéder à cette évaluation à intervalle de six ans, mais le rythme de production de ces documents est indépendant de celui des mandats municipaux.
L'amendement COM-811 est adopté.
Article 49 quater (Nouveau)
L'amendement COM-812 tend à supprimer une modification inopportune de la composition de la CTAP.
L'amendement COM-812 est adopté.
Article 49 quinquies (Nouveau)
L'amendement COM-813 tend à revenir sur la création de conventions de sobriété foncière.
L'amendement COM-813 est adopté.
Article 50
L'amendement COM-814 vise à supprimer cet article, qui prévoit la production par les communes d'un rapport annuel ou biannuel sur l'artificialisation des sols.
L'amendement COM-814 est adopté.
Article 56 bis (Nouveau)
L'amendement COM-815 vise à supprimer cet article, qui est redondant avec les dispositions mieux rédigées figurant dans le projet de loi « 4D ».
L'amendement COM-815 est adopté.
Article 67
L'amendement de coordination COM-816 est adopté.
L'amendement COM-817 vise à corriger un oubli concernant la définition de la notion d'atteinte durable à l'environnement.
L'amendement COM-817 est adopté.
Article 68
L'amendement COM-818 vise à réécrire l'article en tenant compte de l'avis sévère rendu par le Conseil d'État. Nous proposons ainsi de distinguer les atteintes à l'environnement selon qu'elles sont intentionnelles ou non, la peine encourue étant logiquement plus élevée dans le premier cas.
Cette rédaction prévoit en outre une protection plus complète des sols en ne limitant pas le champ de l'incrimination à la seule hypothèse d'une pollution causée par des déchets. Elle fixe également un délai maximal de douze ans à compter de la commission des faits pour le délai de prescription. Enfin, elle évite le recours au terme d'écocide qui renvoie dans la littérature juridique à une infraction criminelle susceptible d'être reconnue à l'échelon international.
L'amendement COM-818 est adopté.
Article 69
L'amendement COM-819 vise à supprimer la référence à l'article L. 173-3-1, relatif au délit de mise en danger de l'environnement, qu'il n'apparaît pas judicieux de mentionner ici, et procède à une coordination avec les changements introduits à l'article 68.
L'amendement COM-819 est adopté.
Article 69 bis (Nouveau)
Par cohérence avec les dispositions adoptées par le Parlement dans le cadre de l'examen de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, l'amendement COM-820 subordonne l'utilisation de drones à une autorisation.
L'amendement COM-820 est adopté.
L'amendement COM-821 vise à restreindre l'usage des drones aux hypothèses où le recours à ce moyen technique présente une vraie justification.
Nous sommes indirectement en train de préparer la nouvelle mouture d'un article de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Le Conseil constitutionnel a indiqué ce qu'il convenait d'ajouter aux règles d'utilisation des drones pour les rendre conformes au principe du droit au respect de la vie privée.
Cette rédaction tient compte de la décision du Conseil constitutionnel et s'inspire des dispositions que nous avons votées dans la proposition de loi « Sécurité globale ».
L'amendement COM-821 est adopté.
L'amendement COM-822 tend à préciser qu'en cas d'utilisation d'un drone, la personne faisant l'objet du contrôle en est avisée.
L'amendement COM-822 est adopté.
L'amendement COM-823 a pour objet de fixer à trente jours la durée de conservation des données à caractère personnel, hors le cas où elles sont utiles à une procédure administrative qui peut être plus longue.
L'amendement COM-823 est adopté.
Le projet de loi prévoit que l'utilisation de caméras embarquées sur des drones ne serait possible qu'aux abords des sites que l'agent cherche à contrôler. L'amendement COM-824 vise à élargir cette possibilité à l'intérieur des sites.
L'amendement COM-824 est adopté.
L'amendement COM-825 vise à encadrer l'utilisation des drones en prohibant la captation du son, le recours à des techniques de reconnaissance faciale ou des rapprochements automatisés de données à caractère personnel.
L'amendement COM-825 est adopté.
Article 69 ter (Nouveau)
L'amendement COM-826 vise à supprimer le référé pénal en matière d'environnement, dispositif qui n'a été utilisé qu'une fois en vingt-cinq ans.
L'amendement COM-826 est adopté.
Article 73 (Nouveau)
L'amendement COM-827 vise à supprimer une demande de rapport.
L'amendement COM-827 est adopté.
Article 75 (Nouveau)