Intervention de Françoise Férat

Réunion du 26 mai 2021 à 15h00
Élevage éthique juste socialement et soucieux du bien-être animal — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Françoise FératFrançoise Férat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement de nombreuses associations de défense des animaux et les actions « coup de poing » qu’elles ont pu mener ces dernières années sont des manifestations de l’importance que revêt le bien-être des animaux dans l’opinion publique.

Nous avons vu les images choquantes de certains abattoirs, diffusées sur les réseaux sociaux, et nous n’y sommes pas insensibles, mais permettez-moi également de penser aux hommes qui y travaillent.

Le constat posé par cette proposition de loi met en lumière de véritables enjeux sociétaux, que nous ne devons pas négliger.

Rappelons que les éleveurs, dans leur très grande majorité, réprouvent ces traitements ignobles. Ils respectent au quotidien le bien-être de leurs animaux, que les exploitations soient petites ou grandes. Ils appliquent scrupuleusement les normes européennes et nationales, pour assurer de bonnes conditions à leurs bêtes. Ils ont investi des centaines de milliers d’euros pour adapter leurs étables et leurs porcheries – jusqu’à la prochaine norme…

Soyons clairs : s’ils sont avérés, les manquements au bien-être animal doivent être sanctionnés. Les intentions de ce texte sont louables, et l’Union Centriste partage la volonté d’améliorer les conditions de travail des éleveurs et le bien-être des animaux de ferme.

Malheureusement, les solutions avancées dans cette proposition de loi ne répondent pas aux problématiques profondes de la filière. Ce texte risque de mettre un peu plus à genoux financièrement nos producteurs qui respectent les règles.

Le dispositif proposé n’est pas applicable. La mise en œuvre de l’article 1er, par exemple, pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. D’un point de vue technique, le tout plein air n’est pas faisable : l’accès au foncier sera un facteur limitant pour nombre d’éleveurs.

Ces mesures vont fragiliser les filières, et les agriculteurs qui ne parviendront pas à réaliser les investissements nécessaires cesseront leur activité, sans repreneur. Il ne faut pas que la généralisation du plein air en fasse le nouveau standard, au détriment de la rémunération du producteur. Sans consentement du consommateur à payer le coût du changement de pratiques, cette mesure encouragera les importations.

« Plein air » ne signifie pas toujours bien-être, notamment lorsque le milieu – portance des sols, pente… – et les conditions climatiques – neige, fortes chaleurs … – ne sont pas adaptés à la sortie des animaux.

De plus, si nous rendons l’élevage en plein air systématique, nous faciliterons la diffusion d’épidémies animales. Quelles dispositions seront prises pour contrer la propagation éventuelle de la peste porcine ? Comment empêcher les contacts avec la faune sauvage, vecteur de grippe aviaire ?

Il en va de même des modifications proposées pour les transports d’animaux à l’article 2 : si nous limitons à quatre heures les transports dans l’Hexagone, comment s’assurer que les camions ne feront pas de détours par l’étranger ? Quelle sera la facture carbone de telles dérives ?

Sur le papier, tout est très simple ; mais sur le terrain, ces solutions ne sont pas fonctionnelles. L’enjeu prioritaire pour assurer le temps de transport le plus réduit possible est de renforcer un maillage d’abattoirs de proximité économiquement viables et sanitairement fiables.

En outre, le dispositif proposé n’est pas viable financièrement. Dans la filière porcine, la construction de bâtiments offrant un accès au plein air – courettes, différent d’élevage plein air – coûterait 13 milliards d’euros pour l’ensemble du cheptel. Le budget nécessaire pour accompagner la transition par rapport aux moyens disponibles rend ces mesures irréalistes.

À titre de comparaison, le plan de relance prévoit une enveloppe de 100 millions d’euros pour l’ensemble de la mesure « Biosécurité et bien-être animal ». Tout cela est bien insuffisant pour une telle transition. La France devra-t-elle créer une nouvelle taxe et pénaliser la compétitivité de notre filière nationale ?

Ce dispositif n’est pas viable non plus pour les éleveurs. N’oublions pas en effet que ces restructurations ont un prix et que tous les producteurs ne seront pas éligibles aux aides du fonds de soutien. Pour ces derniers, ce sera la double peine : ils devront s’endetter pour financer des investissements qu’ils n’amortiront pas à court terme et augmenter le prix de leurs produits, déjà peu compétitifs sur le marché international.

Sachant qu’un Français sur sept saute des repas pour des raisons financières, vous comprendrez aisément que le consommateur moyen pourrait encore plus facilement porter son choix vers le porc espagnol, deux fois moins cher que le porc français.

Les éleveurs ont déjà consenti de nombreux efforts financiers et des solutions alternatives au broyage des poussins se développent : recherche de nouveaux marchés en France et à l’export pour les poussins actuellement éliminés – les coquelets, par exemple – ou quête de solutions permettant le sexage dans l’œuf à couver avant l’éclosion des poussins. La France a présenté un travail commun avec l’Allemagne pour parvenir à une solution viable pour la filière d’ici à la fin de 2021, date d’interdiction de cette pratique.

Enfin, chers collègues, n’oublions pas les efforts déjà consentis en matière environnementale et sociétale par l’agriculture en général et l’élevage en particulier, efforts trop souvent oubliés au profit d’un agribashing grandissant et agressif.

Je témoigne ici, au nom du groupe Union Centriste, que la ferme France est la meilleure du monde. Contraindre une fois de plus l’élevage français aggravera la situation de détresse à laquelle certains sont confrontés. L’élevage français souffre ! Les chiffres que notre collègue Henri Cabanel a rappelés voilà quelques instants font mal.

Travaillons de concert avec les éleveurs pour leur assurer un revenu décent. Travaillons pour convaincre nos compatriotes qu’une viande de qualité, respectant le bien-être animal, requiert un prix d’achat décent.

En votant contre ce texte, le groupe UC entend réaffirmer l’excellence de la filière française et se montrer solidaire des éleveurs, grands oubliés de la proposition de loi et pourtant si attentifs aux conditions de vie de leurs animaux.

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