Madame la présidente, madame la ministre, chère Nadia, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, madame la sénatrice Hélène Conway-Mouret, mesdames, messieurs les sénateurs, notre fonction publique doit redevenir le symbole qu’elle a été durant près d’un siècle, c’est-à-dire un élément fondateur de notre ascenseur social républicain, un lieu de sens et de service de l’intérêt général.
Tous ceux qui aspirent à servir l’intérêt général, qu’ils soient dans les quartiers, en périphérie des villes ou au cœur de nos villages ruraux, doivent pouvoir avoir cette chance. Il est plus que jamais de notre responsabilité d’aller chercher ces talents partout en France et de les accompagner vers les concours de notre fonction publique.
Vous l’avez dit, madame la sénatrice, une partie de notre jeunesse ne croit plus en ses chances au sein de la République. Nous avons donc l’impérieuse responsabilité d’agir rapidement.
Ce constat, cette finalité, nous les partageons – je crois – sur toutes les travées de cette assemblée. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette perspective.
Vous le savez, le Gouvernement n’a pas attendu ce texte pour agir de façon déterminée en faveur de l’égalité des chances dès le plus jeune âge. La fonction publique doit prendre toute sa part afin de répondre à cette exigence fondamentale qui est au cœur de notre pacte républicain.
Dès mon arrivée à ce ministère, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, j’ai fait du renforcement de l’égalité des chances pour l’accès des jeunes à la fonction publique une priorité.
C’est tout le sens du programme Talents du service public, présenté à l’institut régional d’administration de Nantes par le Président de la République en février dernier. C’est aussi toute l’ambition de l’action que nous conduisons pour améliorer l’attractivité de notre fonction publique auprès de notre jeunesse afin de faire émerger une nouvelle génération de talents.
Permettez-moi de détailler ces deux priorités, car elles sont au cœur de notre débat.
D’abord, le programme Talents du service public repose sur le principe qu’il nous appartient d’aller chercher les talents partout en France, dans les collèges, les lycées, les universités, de lutter contre les frustrations – vous avez employé ce terme à juste titre, madame la sénatrice – et l’autocensure qui minent leur ambition et d’accompagner toute notre jeunesse vers les concours de notre fonction publique.
Ce programme repose sur trois fondements.
Tout d’abord, la création des Cordées de service public mobilise les écoles de service public, ainsi que les collèges et les lycées du réseau des Cordées de la réussite pour accompagner des jeunes partout sur le territoire, y compris là où la méconnaissance des possibilités et l’autocensure des jeunes sont des freins. Nous développons le tutorat et le mentorat pour ouvrir l’accès aux postes de la fonction publique et accroître la connaissance de ces métiers.
Ensuite, la création de soixante-quatorze classes préparatoires dites « Talents du service public » partout en France, à Orléans, à Valenciennes, à Agen, dans l’ensemble des villes où se situent des centres universitaires, de Brest à Limoges, vise à préparer aux concours de la fonction publique.
Ces classes seront ouvertes aux boursiers les plus méritants de l’enseignement supérieur. Dès la rentrée 2021, ce sont 1 700 étudiants qui pourront ainsi les rejoindre. Par ailleurs, ces étudiants bénéficieront d’une bourse, dont le montant a été doublé et porté de 2 000 à 4 000 euros par an à la suite des dernières discussions budgétaires.
Avec la création de ces classes préparatoires en leur sein, les universités jouent un rôle majeur dans le renforcement du maillage territorial, au plus près de nos étudiants.
Les étudiants bénéficieront d’un accompagnement renforcé et, notamment, d’un tutorat effectué par des élèves d’écoles de service public et de jeunes fonctionnaires ou hauts fonctionnaires – on le sait, beaucoup des choses qu’il faut savoir pour réussir les concours ne s’apprennent pas dans les livres. Ils se verront également offrir des stages dans certaines administrations.
Enfin, nous ouvrons dès cette année une nouvelle voie d’accès aux concours de la fonction publique pour les élèves de ces classes préparatoires.
Cette nouvelle voie a été créée par l’ordonnance prise dans le cadre de l’article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Elle verra le jour dès cette année, ce qui permettra à trente-cinq jeunes d’accéder à cinq écoles de formation de hauts fonctionnaires, après avoir subi des épreuves identiques à celles qu’auront passées les candidats aux concours externes.
Le programme Talents du service public fait directement écho à l’esprit qui a animé les auteurs de cette proposition de loi. Les outils sont déjà mis en place et opérationnels. Il me paraît important de laisser ces mesures porter leurs fruits avant de légiférer de nouveau sur ce sujet majeur – je partage votre position, madame la sénatrice Conway-Mouret – et de prendre un risque juridique inutile en superposant des dispositifs qui pourraient se télescoper.
Le deuxième axe de notre politique est le renforcement de l’attractivité de la fonction publique auprès des jeunes.
Beaucoup de jeunes peinent aujourd’hui à accéder à un emploi du fait de la crise sanitaire, ce qui a conduit le Gouvernement à lancer, l’été dernier, le plan « 1 jeune, 1 solution » dans lequel la fonction publique prend toute sa part.
Nous recruterons plus d’apprentis dans la fonction publique de l’État – nous venons de nous engager à en embaucher 15 000 dès cette année – et développons les stages – nous offrirons ainsi 43 000 stages en 2021 –, afin d’ouvrir de nouveaux chemins et de susciter de nouvelles vocations.
J’en viens au versant territorial de la fonction publique. À cet égard, je tiens à saluer l’engagement des sénateurs, notamment lors des discussions budgétaires de l’hiver dernier, en particulier celui de la rapporteure pour avis Catherine Di Folco, avec qui nous travaillons de manière étroite. Le Gouvernement a choisi d’aider les employeurs territoriaux à recruter des apprentis en les faisant bénéficier, à l’instar des entreprises du secteur privé, d’une aide financière de 3 000 euros. Cette aide ponctuelle vient d’ailleurs d’être prolongée par le Gouvernement jusqu’à la fin de l’année 2021.
Nous réfléchissons également, avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les employeurs territoriaux, afin de trouver une équation budgétaire, de moyen et de long terme, adaptée aux besoins de ces employeurs.
Par ailleurs, l’État maintient son objectif de recruter 6 % d’apprentis en situation de handicap.
Pour accompagner ces mesures, j’ai par ailleurs lancé une ambitieuse campagne de communication, #Rejoinsleservicepublic, pour que plus aucun jeune Français âgé de 16 à 24 ans ne se dise : « La fonction publique, ce n’est pas pour moi ! »
Enfin, parce que la promotion de la diversité ne peut s’arrêter au stade du recrutement, la réforme de la haute fonction publique, que j’ai présentée hier devant votre commission des lois, place les questions de diversité, d’ouverture et d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au cœur de la gestion des carrières.
La création d’une direction interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, qui comprendra un responsable de la diversité, chargé notamment d’assurer la diversité, entendue dans un sens très large comme une ambition d’ouverture à l’ensemble des talents de notre pays, permettra de promouvoir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et d’en faire une priorité de l’encadrement supérieur de l’État.
J’ai la conviction que l’ensemble de ces mesures permettront de susciter des vocations et de renouveler l’attractivité de notre fonction publique.
Vous le voyez, les objectifs de ce texte concordent largement avec l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement ces derniers mois. Pour autant, nous nous heurtons avec cette proposition de loi à plusieurs obstacles juridiques. Le Gouvernement estime en effet que celle-ci comporte certaines dispositions qui pourraient entrer en collision avec les dispositifs que nous avons déjà mis en œuvre.
Si je partage les objectifs visés par le texte, j’y suis défavorable, car je ne souhaite pas que nous fragilisions la politique que nous avons engagée.
Je vous renouvelle mes remerciements, madame la sénatrice, pour le travail que vous avez fourni et pour votre engagement. Je me tiens à votre disposition, ainsi qu’à celle de l’ensemble des sénateurs, pour travailler ensemble sur le sujet. Je suis évidemment prête à vous associer au suivi et à l’évaluation des dispositifs actuellement mis en œuvre par le Gouvernement pour atteindre les mêmes objectifs que ceux que vous cherchez à atteindre.