Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout va si bien, si l’on en croit les deux précédentes interventions, qu’il serait presque inutile de rappeler à cette tribune que la réalité, tout de même, est quelque peu différente…
La proposition de loi de nos collègues socialistes s’appuie effectivement sur plusieurs constats, avérés, ayant pour dénominateur commun la discrimination dans notre pays et l’inégalité d’accès, à travers le système scolaire français, à l’enseignement supérieur, la fonction publique et, plus globalement, la vie professionnelle.
Comme beaucoup ici, nous reconnaissons que l’ascenseur républicain est en panne. Il ne faut d’ailleurs pas idéaliser cet ascenseur républicain, qui n’a jamais été l’alpha et l’oméga pour corriger les inégalités sociales dans notre pays. On pourrait, sous un angle plus philosophique, s’interroger sur le rôle effectif du système éducatif dans une société aussi inégalitaire que la nôtre. Régulation, correction ou renversement des inégalités ? En définitive, l’école ne fait qu’accompagner la société, sans la transformer.
Bien évidemment, l’idée qui sous-tend la proposition de loi est qu’il est nécessaire de briser les différentes logiques à l’œuvre, lesquelles ont pour conséquence, malgré toutes les actions menées par le Gouvernement depuis quatre ans, qu’un nombre excessif de jeunes des quartiers populaires relevant de la politique de la ville ou des zones rurales rencontrent encore des difficultés pour accéder à un emploi de qualité, qualifié et pérenne.
Toutefois, les solutions proposées ne sont à nos yeux que des palliatifs. Mises en œuvre a posteriori, elles passent à côté du problème du fond. C’est plus en amont qu’il faut travailler, et de manière approfondie, cette question.
En tout cas, les politiques de discrimination positive, telles que les prévoit la proposition de loi, ne peuvent constituer l’essentiel de la lutte contre les discriminations. On se retrouve avec un texte qui s’éparpille entre différents sujets à traiter, avec de nouvelles mesures visant à gommer les injustices qui, si l’on n’y prend pas garde, pourraient conduire à une stigmatisation des jeunes concernés, au lieu d’un aplanissement des inégalités.
Vous nous avez beaucoup parlé d’égalité des chances, mesdames les ministres. Au sein du groupe CRCE, nous ne connaissons qu’une seule égalité : l’égalité républicaine. C’est sur elle que repose cette exigence politique d’un combat permanent contre les discriminations et les inégalités, cette volonté d’offrir à tous un même accès aux droits, indépendamment de la condition sociale ou du territoire d’origine. Droit à la formation, droit au travail : l’accès à tous ces droits ne peut être conditionné par la situation sociale de la famille dans laquelle on naît et l’on est éduqué, ni par le lieu où l’on grandit et où l’on vit.
C’est à cela qu’il faut s’attaquer !
Mesdames les ministres, on ne peut que regretter que vous ayez attendu quatre ans pour associer l’ensemble des parlementaires à l’élaboration des formidables mesures que vous venez de nous présenter. Si votre majorité a si bien travaillé, qu’elle continue ! Mais permettez-moi de vous dire que les inégalités qui existent dans notre pays se sont accrues très fortement au cours des quatre dernières années.
En l’état, et compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous nous abstiendrons sur la présente proposition de loi.