Mesdames les ministres, quel panégyrique de l’action gouvernementale ! Je vous ai bien entendues : le pragmatisme doit dépasser le politique. Sur cette base, vous posez des briques les unes après les autres. Mais sans réelle architecture politique globale, on ne peut pas construire une maison habitable ou un pays égalitaire !
Alors que la crise sanitaire de l’année dernière et le « quoi qu’il en coûte » qu’elle a inspiré bouleversent notre pays et son économie dans des proportions considérables, il est bon de garder en tête que les jeunes ont payé un lourd tribut.
Ne détournons pas les yeux des files d’attente devant les centres de distribution alimentaire, n’occultons pas les difficultés de santé mentale dont notre jeunesse souffre et va souffrir durablement.
C’est dans ce contexte que le présent texte nous est soumis : une incertitude grandissante des jeunes sur leur avenir au sein d’une société dont les contours flous et changeants ne laissent pas augurer d’un accueil digne de ce nom, d’une intégration et d’un épanouissement ; une inquiétude tenace sur leur présent ou leur avenir immédiat, liée notamment aux crises écologiques, sanitaires et sociales.
Aussi, cette proposition de loi, que je salue, a pour ambition de créer les conditions d’un meilleur accès des jeunes à la vie active et surtout de lever les obstacles souvent discriminatoires auxquels ils font face à l’entrée sur le marché du travail.
Le Gouvernement s’apprête à déposer des ordonnances visant à réformer la fonction publique, l’objectif étant de renforcer la confiance en l’État, de casser des schémas déterminés et d’organiser une plus grande mobilité des métiers : raison de plus pour soutenir le présent texte !
Cette proposition de loi ne prétend pas répondre à la totalité des enjeux : je regrette à la fois les réserves exprimées à son sujet et la position de la commission des lois.
La notion de quotas, je le sais, laisse souvent perplexes les décideurs de notre pays. En l’occurrence, elle a été partiellement corrigée dans le texte par voie d’amendement. Les critiques les plus farouches persistent à voir dans cette discrimination positive une injustice face à d’autres critères et un moyen d’écarter des personnes méritantes, mais ils occultent la réalité : il s’agit de faciliter l’accès aux postes à responsabilité de personnes ayant un autre regard et de nouvelles compétences.
L’exemple de la parité entre les femmes et les hommes, parité que nous peinons à appliquer plus largement dans les entreprises, dans les conseils d’administration, dans cet hémicycle même, mériterait pourtant d’être suivi.
Le désir de voir des femmes et des hommes de terrain accéder aux responsabilités dans la fonction publique s’exprime de plus en plus fortement. L’article 1er de cette proposition de loi, qui prévoit de réserver un certain nombre de postes à des personnes ayant déjà exercé des fonctions dans des quartiers prioritaires de la ville, semble donc très pertinent.
La recherche de talents doit s’étendre au-delà de Paris – l’administration n’est pas telle qu’on la caricature, ne voyant rien au-delà de Paris. Ainsi, l’article 2 modifie les conditions d’attribution des bourses, afin que les bacheliers des zones de revitalisation rurale puissent accéder à la catégorie d’élèves boursiers.
Quant à l’article 3, il prévoit d’agir sur ce qui, de l’aveu même de la commission, constitue un « enjeu identifié », à savoir la composition des jurys.
Les trois derniers articles portent sur l’appréhension du secteur privé à recruter des jeunes.
Je sais que notre commission doute fortement de l’intérêt d’inscrire un nouveau critère de discrimination : elle y voit une stigmatisation des employeurs, qui seraient « a priori discriminants », alors que ce n’est pas le cas. Je pense au contraire qu’une telle mesure permettrait d’envoyer un message fort sur la différence entre a priori et discrimination.
Je sais aussi que notre commission, à l’image de la majorité sénatoriale, voit dans la création d’un indicateur d’égalité des chances une nouvelle charge pour les entreprises. Mais pourquoi le refuser ? Un tel indicateur serait un outil de mesure de la performance comme un autre. Il permettrait d’informer l’entreprise sur les biais inconscients qui jouent lorsqu’elle recrute.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Elle vise à favoriser un large recrutement de tous les jeunes en permettant une valorisation des expériences dans la diversité de nos territoires et en sanctionnant les discriminations envers les personnes issues de certains d’entre eux. Aussi, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront ce texte !