Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 27 mai 2021 à 10h30
Accès des jeunes dans la fonction publique et les entreprises — Discussion générale

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, malgré les multiples aides déployées durant la crise sanitaire et économique que nous traversons, la période actuelle – chacun en conviendra – est difficile pour tous. La cessation d’activité dans bon nombre de secteurs a lourdement pesé sur les trésoreries ; la conjoncture a reporté ou condamné nombre d’initiatives entrepreneuriales ; et les recrutements ont le plus souvent été gelés dans l’attente d’une meilleure visibilité sur l’avenir économique.

Au milieu de ce tableau assez sombre, les jeunes subissent de plein fouet autant les conséquences de ce ralentissement économique que le bouleversement du marché du travail. Ainsi, 37 % des étudiants salariés ont perdu leur emploi.

Pour leur insertion professionnelle, les étudiants, quelle que soit leur origine sociale, sont confrontés à une sorte d’effet ciseaux. D’une part, le marché du travail est profondément et sans doute durablement contracté ; de l’autre, ces jeunes risquent de voir leur niveau de qualification interrogé, en raison des nouvelles modalités d’enseignement auxquelles ils ont été confrontés durant les deux dernières années universitaires.

Dès lors, que peut-on attendre des pouvoirs publics ? Quelles réponses apporter à ces jeunes qui font leur entrée sur le marché de l’emploi ?

Ce que veulent ces jeunes, c’est concrétiser leurs études par un emploi correspondant à leurs aspirations et à la formation qu’ils ont choisie. C’est donc à la source – si je puis dire – qu’il faut intervenir, en permettant aux entreprises de se relancer, à leurs sites de production de retrouver une croissance salvatrice. Bref, il faut leur donner les moyens d’avoir des perspectives et d’envisager sereinement de nouvelles embauches. Cette dynamique vertueuse profitera inévitablement aux jeunes.

Sans renier la solidarité nationale dans notre pays, qui n’a vraiment pas à rougir à cet égard, le même raisonnement doit prévaloir pour l’insertion des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville : ils ont davantage besoin d’une dynamique globale que d’une commisération dévalorisante à leur endroit.

État moi-même issu d’un milieu modeste, je suis reconnaissant à l’État d’avoir aidé ma famille, via l’attribution de bourses, à subvenir à mes besoins durant mes études. En complément, j’ai exercé de bonne grâce différents petits boulots durant mes années universitaires et la plupart de mes vacances. La réussite est parfois à ce prix : elle n’en a que plus de saveur. La motivation contribue à en atténuer les contraintes.

En revanche, j’aurais très mal vécu d’avoir une sorte de passe-droit, de bénéficier d’une politique de quotas, comme on dit aujourd’hui en langage autorisé, pour accéder aux cursus auxquels j’aspirais et, pis, pour obtenir le concours de la fonction publique que je visais avec volonté. Et que dire du regard que mes collègues auraient porté sur moi ? Des commentaires du style : « Il a eu le concours sur les places réservées à son profil » ? La société française n’est pas constituée de castes, et c’est heureux.

La méritocratie, c’est l’école de la détermination ; c’est le droit de se frotter à tous, quelles que soient son origine sociale et ses conditions matérielles de vie. Mais c’est aussi, pour tous, l’acceptation du risque d’échouer dans son entreprise personnelle.

Cette méritocratie ne signifie pas que tous les enfants de milieux modestes ont un droit privilégié de réussir, qu’ils ont le droit d’imposer leur candidature face à d’autres qui présenteraient de meilleurs atouts et compétences.

À mon sens, les choses se jouent bien avant. J’ai eu l’occasion de l’éprouver, cette fois en tant qu’enseignant, en convainquant un étudiant qu’il était tout à fait capable de réussir compte tenu de ses résultats et de ses aptitudes confirmés, même s’il était le premier de sa famille à accéder aux études supérieures.

Le frein est ici : au sein des familles qui acceptent une dévalorisation consubstantielle à leur catégorie socioprofessionnelle. C’est le rôle des enseignants et des conseillers principaux d’éducation de convaincre ces élèves qu’ils ont droit aux mêmes études, aux mêmes débouchés, aux mêmes métiers tant qu’ils apportent la preuve de leurs qualités.

Nul besoin de quotas pour cette politique : il suffit de faire confiance aux professionnels qui conseillent nos jeunes et leurs familles au quotidien. Un large consensus me semble possible sur ce point.

En résumé, si je comprends l’objectif de cette proposition de loi, je n’approuve pas du tout ses dispositifs. En conséquence, comme l’ensemble de mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai contre ce texte !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion