Intervention de Pierre-Jean Verzelen

Réunion du 27 mai 2021 à 14h30
Lutte contre l'indépendance fictive — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Pierre-Jean VerzelenPierre-Jean Verzelen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’essor des plateformes a bouleversé non seulement notre quotidien, mais également le monde du travail, qui reposait jusqu’alors sur un ensemble de règles, de droits et de garanties. Cette nouvelle forme de travail indépendant est une source d’emplois pour plus de 200 000 personnes en France, mais pose – on l’a dit – de nombreuses questions juridiques.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la lignée de la décision de la Cour de cassation du 4 mars 2020, selon laquelle la relation commerciale entre un chauffeur VTC et la plateforme numérique Uber pouvait être requalifiée en contrat de travail. En effet, la présomption de non-salariat du travailleur indépendant peut être renversée dès lors qu’un lien de subordination juridique est établi entre l’autoentrepreneur et le donneur d’ordre.

Dans le cas d’une plateforme de VTC ou de livraison à vélo, l’impossibilité pour le travailleur d’organiser librement son activité et de rechercher sa clientèle ainsi que l’existence d’un pouvoir de sanction démontrent le caractère fictif du statut de travailleur indépendant.

À partir de cette jurisprudence, le texte proposé prévoit d’étendre aux travailleurs du numérique la procédure d’action de groupe issue de la loi Hamon de 2014 et applicable en matière de droit de la consommation notamment.

L’auteur propose par ailleurs de supprimer la présomption de non-salariat lorsque les trois quarts des revenus reposent sur l’exploitation d’un algorithme.

Enfin, l’article 3 du texte prévoit, en cas de recours pour requalification en travailleur indépendant, qu’il revient aux plateformes de prouver que l’algorithme n’est pas au cœur de la relation contractuelle.

Si les questions de l’accès à la protection sociale et de la qualification juridique sont centrales, aucune réponse n’est vraiment idéale, pas plus que ne l’est la proposition de créer un statut intermédiaire, rejetée par le Sénat en juin dernier. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est favorable au renforcement des droits et de l’indépendance des travailleurs des plateformes, d’ailleurs préconisé dans le récent rapport d’information du Sénat sur le droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants, publié en mai 2020.

Gardons à l’esprit que cette nouvelle forme de travail, particulièrement souple et accessible, permet à des personnes éloignées de l’emploi d’avoir une source de revenus substantiels. Aussi convient-il de renforcer l’accès aux droits des travailleurs numériques, notamment en matière de complémentaires santé et d’assurances chômage et accidents du travail et maladies professionnelles.

La situation qui prévaut actuellement n’est pas dommageable pour les salariés qui travaillent via les plateformes pour en tirer un complément de revenus – la notion de « travailleur numérique » n’est pas toujours synonyme de dépendance économique ou de précarité.

En revanche, elle l’est pour les travailleurs indépendants « exclusifs », qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Cette dernière catégorie de travailleurs est en grande partie composée de personnes sans qualification et d’étudiants ; on y trouve même parfois des travailleurs sans-papiers – des comptes d’autoentrepreneurs sont sous-loués moyennant des rétrocommissions.

Ces dérives existent ; nous devons agir en apportant des solutions concrètes et ciblées sans pour autant remettre en cause les opportunités de développement des nombreuses plateformes françaises et européennes.

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