Intervention de Dominique Théophile

Réunion du 27 mai 2021 à 14h30
Lutte contre l'indépendance fictive — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Dominique ThéophileDominique Théophile :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Olivier Jacquin vise à lutter contre l’indépendance fictive des travailleurs indépendants qui ont recours, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes numériques.

Ce n’est pas la première fois que notre assemblée se penche sur ce sujet : deux propositions de loi visant respectivement à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques et à faire évoluer leur statut ont été récemment débattues.

Parce que le développement de ces systèmes de mise en relation a connu une évolution rapide ces dernières années, parce que le nombre de travailleurs qui y ont recours n’a cessé d’augmenter et parce qu’il est de notre responsabilité de faire évoluer le cadre juridique qui accompagne cette évolution, vous proposez en premier lieu d’étendre les actions de groupe aux procédures de requalification.

Ce dispositif nous semble pourtant poser un certain nombre de difficultés.

Il existe, tout d’abord, autant de cas de figure possibles que de plateformes et de travailleurs. Une solution unique ne nous semble donc pas adéquate.

Ensuite, les décisions des différentes cours d’appel et des conseils de prud’hommes ont démontré que le droit existant répondait déjà en partie, en assurant la prise en compte du caractère unique de chaque situation, aux attentes des travailleurs.

Enfin et surtout, il nous semble abusif de considérer que la requalification des travailleurs est une demande pleinement partagée. Si les chiffres nous manquent, il apparaît clairement en effet qu’une majorité de travailleurs indépendants souhaitent conserver l’agilité que leur offre leur statut. Les conclusions de la mission Mettling, qui s’est penchée sur les modalités de mise en œuvre du dialogue social entre les plateformes et leurs travailleurs, ne disent d’ailleurs pas autre chose.

Parce que les revendications des travailleurs se prêtent mal à des mesures uniformes, il nous semble préférable de privilégier le dialogue social et la concertation, qui sont les plus à même d’imposer de nouveaux droits et de garantir des mesures proportionnées et fidèles aux réalités spécifiques que vivent les travailleurs des plateformes.

Tel est notamment l’objet de l’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes, que vous venez d’évoquer, madame la ministre. J’y reviendrai dans quelques instants.

Vous proposez en second lieu de supprimer la présomption de non-salariat en cas de management algorithmique. Vous souhaitez à cette fin procéder à la réécriture complète de l’article L. 8221-6 du code du travail.

Là encore, la rédaction que vous suggérez nous semble problématique. En recentrant le dispositif sur la place de l’algorithme, vous excluez, dans les faits, les travailleurs indépendants qui n’y ont pas recours. Ceux-ci devront ainsi prouver l’absence de lien de subordination juridique en plus d’être initialement considérés comme des travailleurs salariés.

Si nous n’adhérons pas à la méthode, il nous semble en revanche important que le cadre juridique qui organise les relations professionnelles entre les travailleurs indépendants et les plateformes puisse évoluer.

Dans la lignée de la loi Travail, la loi d’orientation des mobilités a ainsi introduit de nouvelles garanties au bénéfice des travailleurs numériques en renforçant leur indépendance et leur droit à la formation professionnelle.

Quant à l’ordonnance du 21 avril 2021, elle crée, dans la même perspective, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, chargée de réguler les relations sociales entre les plateformes et les travailleurs indépendants.

Ces apports, nous les avons votés ; ils doivent maintenant porter leurs fruits. Mes chers collègues, parce que ces avancées demandent du temps et parce que le dialogue social nous semble le plus à même d’assurer aux travailleurs des plateformes numériques les droits que leur statut d’indépendant leur garantit, notre groupe votera contre cette proposition de loi.

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