Dont acte quant à vos intentions, mais le contenu de votre texte reste quelque peu chaotique et soulève de nombreuses questions quant à l’efficacité de son application.
Empreint d’optimisme, j’ai bien noté que, dans votre article 1er, vous vouliez donner à ces travailleurs la possibilité d’intenter une procédure de requalification par action de groupe, leur conférant ainsi un outil supplémentaire pour faire respecter les droits.
Nous encourageons votre volonté de remplacer, à l’article 2, la présomption de non-salariat par une présomption de contrat de travail. C’était notre idée ; il me serait donc difficile de vous contredire et il serait bien inutile de nous départager.
Enfin, l’article 3 vient renforcer l’expertise des conseils de prud’hommes, en leur donnant la possibilité d’ordonner aux plateformes de communiquer leurs algorithmes et de se faire assister d’un expert pour la compréhension de leur fonctionnement. Pour notre part, nous avions proposé l’année dernière que les travailleurs puissent se faire assister d’une ou d’un data scientist : c’était bien plus offensif en termes de démocratie sociale.
Dans cet article 3, on perçoit une certaine confusion.
Vous parlez des plateformes de mise en relation. Alors là, non, ce n’est pas acceptable ! Une mise au point est indispensable : les plateformes les plus précarisantes, les Uber ou Deliveroo, c’est-à-dire celles qui emploient des travailleurs qu’il convient justement de protéger, sont tout sauf des plateformes de mise en relation. Ce sont des plateformes numériques de travail !
Quand une plateforme peut sanctionner un travailleur parce qu’il n’a pas respecté un itinéraire, qu’elle impose ses tarifs et qu’elle édite des factures, on est au-delà de la mise en relation : il s’agit de gestion et de contrôle. Les plateformes doivent impérativement assumer leur responsabilité d’employeur et s’acquitter des cotisations sociales.
Pour ce qui concerne l’article 1er relatif à l’action de groupe, celle-ci limite l’indemnisation, puisque seuls les préjudices nés après la demande sont pris en considération. Elle transfère le contentieux social du juge prud’homal au juge judiciaire : chacun le sait ici, ils n’ont pas la même lecture du droit.
La logique est la même à l’article 2. S’agissant des critères de la présomption de contrat de travail, vous proposez de les définir ainsi : « au moins les deux tiers du revenu professionnel annuel résultent de l’utilisation d’un algorithme exploité directement ou indirectement par une personne. » Je ne vois pas comment on peut être exploité directement ou indirectement par une personne ; ce n’est pas clair…
Sur la question des algorithmes, nous devons aller beaucoup plus loin et prévoir des critères. Aucun critère de ce que j’appelle « l’algo-subordination » n’est défini !
Il s’agit d’un enjeu majeur, madame la ministre. Ces plateformes choisissent de contrôler par algorithme les éléments essentiels de la relation de travail, et pas seulement la relation contractuelle. Cette absence de définition limite considérablement la portée de cet article.
Nous voterons donc cette proposition de loi, mais – vous l’aurez compris – avec beaucoup de réserves.
Nous la voterons pour que le débat s’élargisse, se clarifie, dans l’intérêt de ces nouveaux salariés, déguisés et méprisés.