J’en viens au texte proposé.
Tout d’abord, force est de reconnaître que l’exposé des motifs est « à charge » contre les plateformes, alors même qu’il existe une grande diversité d’acteurs et de modèles, comme nombre d’entre nous l’ont rappelé. Par ailleurs, le travail par l’intermédiaire d’une plateforme n’est pas automatiquement synonyme de précarité ou de dépendance économique. Enfin, le déficit de protection sociale subi par les travailleurs des plateformes est à nuancer. Ainsi, la couverture santé ou les prestations de la branche famille sont décorrélées du statut.
Vous partez également du postulat selon lequel les travailleurs ont des difficultés à saisir le juge pour obtenir une reconnaissance de leur statut. Or, vous le savez, ce statut peut également être choisi par certains. À hauteur de quel pourcentage ? La question reste posée.
En outre, les demandes de requalification sont peu nombreuses. Aux termes de la décision de la Cour de cassation de mars 2020, le juge procède à une appréciation au cas par cas et celle-ci ne s’étend donc pas, par principe, à tous les travailleurs Uber.
De fait, l’article 1er de la proposition de loi, qui prévoit une requalification par action de groupe, ne nous semble correspondre ni à une réalité économique ni à une demande de tous les travailleurs des plateformes. J’ajoute que, lors de leur audition devant la commission, la semaine dernière, MM. Mettling et Cette ont réaffirmé que la requalification n’était pas une solution.
L’article 2 vise à supprimer la présomption de non-salariat.
Cette position nous semble pour le moins radicale. Elle ne correspond peut-être pas, là encore, à une demande de tous les travailleurs. Au-delà, elle pose question. En effet, comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer, la présomption s’appliquerait a posteriori, sans que la plateforme ait les moyens de savoir quelle part de son revenu le travailleur obtient en travaillant avec elle. Et je ne compte pas les effets de bord évoqués par Mme la ministre, que l’on pourrait également développer.
Quant à l’article 3, il vise à permettre aux conseils de prud’hommes d’exiger la production d’algorithmes. Or cette perspective nous semble déjà satisfaite.
Je vous propose donc, au nom du groupe Les Républicains, de rejeter cette proposition de loi, comme nous l’avons fait en commission.
J’en profite pour faire de nouveau part au Gouvernement de notre satisfaction à propos de l’ordonnance, présentée au conseil des ministres le 21 avril dernier, relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes. §Attendez la suite, mes chers collègues !
Ces perspectives sont plus pertinentes, à notre avis, que les chartes proposées par le même gouvernement dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et dans la loi d’orientation des mobilités, dite LOM. En effet, c’est via cette représentation et ces négociations que nous percevrons le mieux l’attente de ces femmes et de ces hommes qui œuvrent au quotidien et que nous souhaitons, nous aussi, saluer.