Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous réjouissons de la prise en compte, par la commission mixte paritaire, des nombreuses modifications apportées par le Sénat, grâce auxquelles le texte final apparaît un peu plus acceptable.
Néanmoins, nous continuons de regretter, à la fois, la méthode et les dispositifs employés pour gérer cette supposée sortie de crise.
Sortons-nous d’un régime d’état d’urgence sanitaire ou entrons-nous dans un régime transitoire ? Notre interrogation à ce propos demeure, et ce malgré les débats nourris que nous avons pu avoir. J’oserai dire qu’il y a un peu des deux à la fois, ce qui n’est pas pour faciliter la compréhension d’un tel système par le commun des mortels.
En outre, parallèlement aux deux régimes juridiques en question, concentrant entre les mains de l’exécutif des prérogatives de police administrative d’exception, ce texte ajoute un troisième régime nouveau : un possible état d’urgence sanitaire territorialisé, qui permettrait un reconfinement territorial. Au départ prévu pour deux mois, ce régime a été ramené à un mois au fil des discussions. C’est heureux, bien que, à nos yeux, tous ces dispositifs exorbitants du droit commun soient nuisibles à notre démocratie sur le long terme, alors même que le code de la santé publique permet au Gouvernement de décréter l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 décembre prochain si la situation l’exige.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur les conséquences d’un amendement du Gouvernement adopté au Sénat en première lecture. Le nouvel article 7 bis prévoit un allégement de la procédure de sauvegarde des entreprises, afin de réduire les délais des petites entreprises en instance devant les juridictions de commerce et des prud’hommes. Un mandataire judiciaire serait désormais nommé pour aider ces entreprises, employant de 11 à 20 salariés, à trouver une solution afin de leur éviter de mettre la clé sous la porte.
C’est une bonne chose, sauf que, au passage, le Gouvernement a mis de côté les représentants syndicaux du personnel et les prud’hommes, qui ne pourront plus contester ni vérifier le plan de redressement et d’apurement des créances des entreprises.
Bien évidemment, nous partageons la préoccupation du Gouvernement d’éviter les faillites, mais le régime d’exception de sortie de crise ne doit pas être un prétexte pour déroger aux droits collectifs dans les entreprises.
S’agissant de la principale innovation instaurée par ce texte, le pass sanitaire, je ne reviendrai pas précisément sur les nombreuses inquiétudes que ce dispositif continue de susciter : données personnelles, contrôle, excès d’usage, etc. Néanmoins, si l’encadrement souhaité par le Sénat a été confirmé, il convient tout de même de s’interroger sur l’idée qu’il pourrait porter en creux : une forme de ségrégation entre individus sains et individus infectés par la covid-19, dont nous pouvons craindre les pires dérives. Nous serons donc extrêmement vigilants sur ce sujet.
D’ailleurs, nous nous associons à la demande de précisions de la Défenseure des droits, Claire Hédon, elle aussi inquiète quant à la mise en œuvre d’un tel pass, notamment concernant l’absence de limite d’âge pour les mineurs, le manque de précisions sur la durée de validité en cas d’immunité post-infection ou sur l’évaluation du dispositif.
Le Conseil constitutionnel sera saisi par les groupes de gauche à l’Assemblée nationale afin qu’il puisse apporter sa lecture du dispositif. Nous mettons beaucoup d’espoir dans cette démarche.
Pour l’heure, comme pour le projet de loi initial, la mouture finale de la commission mixte paritaire, telle qu’elle apparaît dans ces conclusions, n’emporte pas notre adhésion.