Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 25 mai 2021 à 14h30
Suivi des condamnés terroristes sortant de détention — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les chiffres qui nous ont été communiqués lors des auditions menées par Muriel Jourda, 469 personnes sont actuellement incarcérées pour des infractions terroristes, et 162 devraient sortir dans les quatre prochaines années après avoir purgé leur peine. Comment répondre à ce défi alors que, nous le savons, la prison ne permet généralement pas de sortir de l’idéologie qui peut conduire au risque terroriste ?

L’enjeu est majeur, mais nous ne pensons pas que cette proposition de loi, très proche finalement de celle qui a été censurée l’été dernier, soit la bonne réponse.

Le risque est multiplié pour les sorties « sèches », ce qui sera le cas de 75 % environ des prochaines libérations. Rappelons qu’en 2016, à l’occasion d’une prorogation de l’état d’urgence et sur l’initiative de la majorité sénatoriale, les personnes condamnées pour terrorisme ont été exclues des crédits de réduction de peine.

Le rapporteur de la commission des lois, Muriel Jourda, a fait tout son possible pour adapter le texte aux exigences de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2020 et éviter qu’il n’entre en concurrence avec les Micas, en supprimant notamment l’obligation de pointage. Malheureusement, à notre sens, ses efforts ne suffisent pas à rendre acceptable cette proposition de loi.

Peut-on parler de proportionnalité lorsqu’une mesure de contrainte est susceptible de durer pendant un temps égal à la moitié de la peine déjà effectuée ?

En l’absence d’infraction, la responsabilité de la lutte contre le terrorisme doit relever du seul pouvoir exécutif, qui doit pouvoir prendre les mesures administratives adéquates. En revanche, dès qu’un crime ou un délit est commis, il revient au parquet national antiterroriste de conduire les opérations.

Le groupe socialiste est opposé à ce texte pour des raisons de principe et d’efficacité.

Par principe, nous refusons la rétroactivité du droit et affirmons qu’il ne saurait y avoir de peine après la peine. Par ailleurs, une personne ne peut être condamnée que sur le fondement de ses actes, et non pour ce qu’elle est.

La liste des contraintes autorisées par cette proposition de loi donne le sentiment d’une sorte de mélange avec les mesures de sûreté, par ailleurs vivement critiquées, prises à l’encontre des anciens délinquants sexuels sur le fondement de l’article 132-45 du code pénal. C’est aussi la juridiction de la rétention de sûreté qui se prononcera, mais, pour les anciens délinquants sexuels, elle statue sur la base d’expertises médicales totalement inadéquates pour les anciens condamnés terroristes.

On a l’impression que, pour répondre à une inquiétude, on est allé chercher dans le code pénal des dispositions qui ne sont pas vraiment adaptées.

Nous sommes également opposés au texte pour des raisons d’efficacité. Pourquoi traiter différemment une personne dangereuse selon qu’elle sort ou non de prison ? Si des dispositions sont utiles en matière de prévention, elles doivent pouvoir s’appliquer à tous.

Vous avez évoqué, monsieur le garde des sceaux, une sorte de compétition entre la juridiction régionale de la rétention de sûreté (JRRS), qui se prononcerait sur ces nouvelles mesures, et la justice administrative, qui pourrait notamment se prononcer sur la justification d’un pointage décidé par l’autorité administrative. Ce télescopage pose problème et fragilise l’ensemble du dispositif.

Si la justice judiciaire se prononce contre des mesures de sûreté, peut-on imaginer que l’autorité administrative prenne ensuite des Micas ? C’est un problème au regard de notre capacité à prévenir les actes terroristes.

Il n’est pas souhaitable d’instaurer la moindre confusion ni la moindre compétition entre la JRRS et les juridictions administratives. Il n’est pas souhaitable non plus de partager la responsabilité de la prévention des actes terroristes. C’est pourquoi nous sommes opposés à ce texte, dont les dispositions trouveraient d’ailleurs mieux à s’insérer dans le code de la sécurité intérieure que dans le code pénal.

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