Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, indéniablement, la question de la sortie de prison, dans les prochaines années, de condamnés pour des faits de terrorisme constitue l’un des principaux enjeux sécuritaires d’aujourd’hui. En effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, ce ne sont pas moins de 162 détenus qui devraient être libérés dans les quatre prochaines années, condamnés, pour la plupart d’entre eux, à des peines inférieures à sept ans, très inférieures à celles qui sont désormais prononcées.
Certains de ces détenus sont probablement dangereux, et leur séjour en prison n’a sans doute nullement permis de mettre fin à leur engagement terroriste.
Toutefois, nous n’avons pas la possibilité, alors qu’une peine a été prononcée et purgée, de prononcer une nouvelle peine pour les mêmes faits ; c’est la règle non bis in idem, qui est un principe fondamental de notre code pénal. Aussi, la protection de la société ne peut être recherchée que par des mesures de surveillance et d’accompagnement, qui peuvent comporter une part de contrainte, à l’instar des mesures de police administrative qui restreignent les libertés.
En votant, au mois de juillet dernier, une proposition de loi visant à instaurer ce nouveau régime de mesures de sûreté, nous savions que nous nous étions engagés sur un chemin de crête. Pour autant, ce texte visait à répondre au problème des sorties « sèches » des condamnés pour terrorisme, ce qui sera le cas de la plupart de ceux qui sortiront de prison d’ici à 2024. Souvent condamnés à des peines sans aménagement, ces individus n’ont pas systématiquement été contraints à un suivi sociojudiciaire, la loi de 2016 n’étant pas rétroactive.
Et même si certaines dispositions de la loi de juillet dernier ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020, ce dernier a lui-même ouvert la porte à un texte de remplacement en précisant, de manière très pédagogique, les motifs l’ayant conduit à juger le texte déséquilibré.
Nous disposions ainsi d’un cadre de référence pour avancer dans le respect de la Constitution, avec la plus grande prudence, mais en restant conscients de la dangerosité de certains individus.
C’est tout l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui s’inscrit dans la droite ligne des dispositions antérieures. Rappelons que le Conseil constitutionnel ne s’est pas opposé au principe même de l’établissement de mesures de sûreté dans le cas de la sortie de prison des détenus terroristes, et qu’il a admis la légitimité de la mesure au regard de l’objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. Il a confirmé ainsi que la mesure de sûreté n’était pas une sanction pénale dès lors qu’elle respectait un certain nombre de critères rappelés, déjà, dans sa décision du 21 février 2008.
François-Noël Buffet, auteur de la présente proposition de loi, a d’ailleurs souhaité reprendre l’idée d’un suivi judiciaire postsentenciel conditionné à une évaluation de la dangerosité du condamné, et dont la durée serait fixée indépendamment de la durée des réductions de peine accordées au condamné.
En définitive, c’est cet équilibre entre la nécessité de protéger la société et de respecter les principes juridiques fondamentaux que vous vous êtes efforcés, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, de renforcer, en déplaçant quelque peu le centre de gravité de certaines dispositions pour prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel.