Intervention de Jean Sol

Réunion du 25 mai 2021 à 14h30
Irresponsabilité pénale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean SolJean Sol :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative à la responsabilité pénale et à l’expertise psychiatrique.

Deux textes ont été examinés conjointement par la commission des lois : l’un, déposé par notre collègue Nathalie Goulet, visait à modifier l’article 122-1 du code pénal ; le second, dont je suis l’auteur, prévoyait également de modifier cet article, mais visait aussi, et surtout, les conditions de l’expertise psychiatrique en matière pénale.

C’est en tant qu’auteur que j’interviens donc aujourd’hui, mais – et je sais que ce n’est pas la règle habituelle dans notre assemblée – également en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Ces deux propositions de loi concernent un sujet grave : l’appréciation portée sur l’état mental d’une personne au moment des faits qu’elle est accusée d’avoir commis.

Elles ont en partie été pensées en réaction à certaines affaires tragiques que nous avons encore malheureusement tous à l’esprit. Je pense ici particulièrement à l’assassinat de Sarah Halimi et à l’émotion que cet acte antisémite a suscitée dans notre pays.

En tant que législateur, il nous appartient cependant d’écrire le droit non pas en réaction aux horreurs commises, mais bien pour le temps long.

Concernant la rédaction de l’article 122-1 du code pénal, que l’article unique de la proposition de loi de Mme Goulet et l’article 1er de ma proposition de loi entendaient modifier, la commission des affaires sociales ne s’est pas prononcée, se montrant ouverte aux intentions exprimées par le rapporteur de la commission des lois.

L’article 122-1 du code pénal pose un principe d’irresponsabilité pénale en cas d’abolition du discernement au moment des faits en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique. Il prévoit en outre le cas d’une altération du discernement.

Mme Goulet souhaitait lever l’application des dispositions de cet article en cas de faute de l’auteur. Je souhaitais, pour ma part, inscrire que l’abolition du discernement ne pouvait résulter que d’un état pathologique ou d’une exposition contrainte aux effets d’une substance psychoactive. J’insiste sur la notion de « contrainte » que l’article 1er tendait à introduire.

Comme plusieurs de nos collègues l’ont très justement fait remarquer en commission, il est parfois délicat, voire impossible de prévoir l’ensemble des cas possibles lorsque l’on légifère. C’est bien au juge qu’il appartient de décider : nous devons donc faire preuve de prudence quand nous modifions les instruments du droit dont il dispose.

Je constate que, sur l’initiative de son rapporteur, dont je salue le travail, la commission des lois a retenu un autre dispositif que ceux qui étaient proposés. Nous allons en discuter dans quelques minutes.

J’en viens maintenant aux articles relatifs à l’expertise.

Ces dispositions sont, je le rappelle, issues des conclusions des travaux menés avec notre collègue Jean-Yves Roux au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois sur l’expertise psychiatrique et psychologique.

Ce rapport et les vingt préconisations qu’il formule étaient le fruit de plus d’un an de travail sur la mission peu connue des experts psychiatres ou psychologues, entre justice et santé.

J’avais alors insisté sur les conditions de réalisation des expertises et les modalités d’exercice des experts, en soulignant un manque criant de moyens. Je tiens à profiter de cette tribune pour interpeller M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et le Gouvernement sur cette question.

Les conditions dans lesquelles les expertises sont diligentées et réalisées ne sont parfois pas à la hauteur des enjeux que ces expertises peuvent soulever. Quant au travail des experts, force est de constater que les critères de rémunération ne correspondent pas à la complexité de certaines affaires.

Je le sais, ce sujet est pour partie réglementaire et budgétaire, et il est du ressort du Gouvernement d’y travailler et d’y répondre.

La proposition de loi relative aux causes de l’irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l’expertise en matière pénale reprend les recommandations d’ordre législatif figurant dans ce rapport d’information.

Neuf articles portent sur l’expertise ; cinq concernent l’expertise présentencielle. Nous avons ainsi souhaité concentrer l’expertise sur les seules causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité pénale – c’est l’objet de l’article 2 –, mais aussi prévoir à l’article 3 un délai maximal de deux mois après l’incarcération pour la réalisation de la première expertise. Sur ce second sujet, je connais les réticences, mais, là encore, j’estime qu’il s’agit pour l’essentiel d’une question de moyens.

Toujours en ce qui concerne l’expertise présentencielle, nous avons tenu, à l’article 4, à exclure l’expertise psychiatrique de l’examen clinique de garde à vue.

Pour ce qui est des moyens des experts pour réaliser leur mission, nous avons proposé d’intégrer le dossier médical aux scellés : tel est l’objet de l’article 5.

Enfin, à l’article 6, nous avons souhaité mieux encadrer la possibilité pour les parties de solliciter une contre-expertise.

Les trois articles suivants ont trait à l’expertise postsentencielle.

Nous avons voulu inscrire la communication systématique par le juge d’application des peines des résultats des expertises aux experts chargés de l’examen des détenus et aux conseillers des services pénitentiaires d’insertion et de probation : c’est l’objet de l’article 7.

À l’article 8, nous avons jugé nécessaire de prévoir une meilleure répartition des missions entre l’équipe chargée de l’évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité et l’expert postsentenciel.

Nous avons enfin prévu la possibilité pour l’expert psychiatre postsentenciel d’assurer les fonctions de médecin coordonnateur du détenu lors de sa sortie d’incarcération : tel est le sens de l’article 9.

Enfin, le dernier article de la proposition de loi, l’article 10, vise à renforcer les obligations déontologiques des experts et prévoit une déclaration d’intérêts obligatoire.

La commission des affaires sociales a adopté trois amendements qui ont également été présentés par le rapporteur de la commission des lois.

Le premier, à l’article 4, tend à préserver l’obligation légale d’expertise psychiatrique dans le cas des infractions sexuelles. Le deuxième vise à modifier l’article 5 pour prévoir une transmission obligatoire du dossier médical sans passer par le juge. Le dernier, qui porte sur l’article 10, a pour objet de contraindre les experts à un devoir de réserve sur les affaires en cours.

Pour finir, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et en tant qu’auteur de l’une des deux propositions de loi, je tiens à souligner deux principes fondamentaux en matière de justice concernant l’état de la personne jugée.

Nous devons garder à l’esprit dans ce débat que c’est bien de l’état de la personne, et de son état mental, en l’occurrence, que nous parlons. Le principe d’irresponsabilité pénale doit être regardé comme un principe fondamental de notre droit pénal. Il s’inscrit dans la tradition humaniste de notre pays et le principe selon lequel « on ne juge pas les fous ».

Enfin, je rappelle que le droit à un procès équitable est garanti par la Convention européenne des droits de l’homme et que nous devons toujours avoir à l’esprit que n’ont vocation à comparaître et à être jugées que des personnes en capacité de l’être au regard de leur état médical.

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